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dimanche 19 février 2012

Livre gay Le Tombeau des amant



Le Tombeau des amants


Le Tombeau des amants,
quatorzième conte du Shidiantou 石點頭 (1635)
traduit du chinois et annoté par 
Thomas Pogu 
(Pour paraître : Paris, Editions Cartouche, 2012)

Dans son Histoire de l’expédition chrétienne au royaume de la Chine (1615), Matteo Ricci (1552-1610) écrit : « Il y a des rues pleines de garçons habillés en prostituées. Et il y a des gens qui achètent ces garçons et leur enseignent la musique, le chant et la danse ; après quoi, bellement vêtus et maquillés comme des femmes, ces pauvres hommes sont initiés à ce terrible vice. » Le « premier sinologue » avait bien plus tôt, soit quelque semaines après son arrivée en Chine, déjà relevé qu’un « des vices énormes » des mandarins n’était autre celui des goûts « contre nature », soit les amours de la cour arrière comme on les appellait là-bas.
De nombreux écrits chinois attestent de la justesse de cette observation bien au delà du Pékin où Ricci mourut à l’âge de 58 ans, le 11 mai 1610 après 28 années en Chine dont 9, les dernières, passées dans la capitale impériale des Ming (1368-1644). Les chroniques dynastiques, elles-mêmes, attestent de cette pratique à haute époque ; les témoignages les plus fameux remontent ainsi à la lointaine période des Zhou (1066-221 av. J.-C.), au grand dam des moralistes s’affligeant de trouver chez le commun des penchants similaires à ceux des souverains des temps anciens risquant non seulement de les détourner de l’étude, mais pire, de les priver de descendance.

Les sources littéraires ne sont pas moins abondantes. Les plus explicites se trouvent dans la création romanesque des XVIIe et XVIIIe siècles. Aucune des œuvres majeures, bien des œuvres mineures, et presque toutes celles du second rayon, y renvoient peu ou prou. C’est ainsi qu’au neuvième chapitre de son Hongloumeng 紅樓夢, Cao Xueqin 曹雪芹 (1724-1763) propulse son héros, le délicat Jia Baoyu 賈寶玉, dans l’école familiale où les sentiments d’attirance entre camarades de classe sont décuplés par une sexualité qui s’éveille, et causent bien des troubles (Voir Le Rêve dans le pavillon rouge, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, Tome 1, pp. 211-228). Mais pour nous en tenir aux œuvres traduites en français, et nous rapprocher de la période qui nous importe, le premier quart du XVIIesiècle, notons que Jin Ping Mei 金瓶梅 ne prive pas son héros, pourtant coureur de jupons éhonté, de cette voie détournée. Son édition vers la fin des années 1620, conserve ces passages si bien rendus par André Lévy dans Fleur en Fiole d’Or(Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, Tome 2, p. 730), où l’on voit qu’on peut, en toute quiétude, abuser de ses propres valets. Si la chose ne porte pas à conséquence, il est, par contre, cuisant de s’y adonner avec celui des autres. C’est d’autant plus dangereux lorsque le garçonnet n’est pas consentant et s’en plaint : « Il ne cherche qu’à me malmener : il met son truc dans mon cul qui se met à enfler et me fait un mal terrible. J’ai beau le supplier : “Sors-le donc bien vite !” Il s’y refuse et tout au contraire s’applique à le remuer en moi. Et il veut que je sorte le mien. » Le sodomite indélicat, un lettré rentré au service de Ximen Qing, le héros, y perdra sa place.

Quant à Li Yu 李漁 (1611-1680) — pour certains le pire pornographe que la Chine ait enfanté —, il fait de cette conduite déviante un salutaire pis-aller avant de longues semaines d’abstinence post-opératoire pour le héros de son Rouputuan 肉蒲團(Chair, tapis de prière, 1657) qui, pour réaliser son rêve de posséder les plus belles femmes de l’empire, a décidé de se faire greffer un sexe de chien ; il nous révèle par la même occasion que le jeune homme, Weiyangsheng 未央生, est un visiteur coutumier des orifices de ses deux jeunes serviteurs entre lesquels il préfère le plus efféminé (Voir le chapitre VIII de La chair comme tapis de prière, Pierre Klossowski (trad.), Jean-Jacques Pauvert, 1962).

Précédemment, il en avait fait le cœur d’une farce qui pousse la relation amoureuse jusqu’au sacrifice de son intégrité par un mignon devenu eunuque par dévotion pour son « mari » (Voir « Bel ami, tendre épouse », dans Le poisson de jade et l’épingle au phénix, Rainier Lanselle (trad.),Gallimard, 1987) ; dans le sixième de ses Douze pavillons (Shi’er lou 十二樓, 1658), Li Yu met en scène une union à trois troublée par la jalousie d’un puissant eunuque ; les amitiés privilégiées, entre femmes, cette fois, avaient déjà étaient retenues par ce même auteur pour trois concubines d’un mari repoussant dans le conte initial de ces Comédies silencieuses (Wushengxi 無聲戲, 1654-55) (voir « La Laideur récompensée », dans A Mari jaloux, femme fidèle, Pierre Kaser (trad.), Editions Philippe Picquier, (1990) 1998).

Qu’un auteur comme Li Yu, lequel vivait de son pinceau, prenne la peine d’aborder cet aspect de la sexualité et se révèle plutôt attentif, voire même complice vis-à-vis des amours librement choisies montre non seulement son ouverture d’esprit, mais aussi que ces pratiques étaient courantes et encore très en vogue même après le changement dynastique. 

Sous les Qing (1644-1911), la dynastie qui venait de s’imposer, on verra même une accentuation de cette tendance sensible chez des auteurs comme Yuan Mei 袁枚 (1716-1798), mais aussi au plus haut de la hiérarchie sociale, avec notamment le cas fameux de l’empereur Qianlong (r. 1736-96) —on aimerait lire dans notre langue une traduction de l’œuvre qui décrit bien ce contexte dans lequel les acteurs ont tenu un rôle majeur, le Pinhua baojian 品花寶鑑 (Le précieux miroir pour l’évaluation des fleurs) ; ce volumineux roman de Chen Sen 陳森 (après 1797- avant 1870), tout à la fois fine peinture des mœurs d’une époque et histoire d’amour entre un fils de bonne famille et un jeune acteur, a même, dit-on, inspiré à George Soulié de Morant son Bijou de ceinture paru en 1925 (Editions Kwok-On, 1993). Le goût pour les amitiés particulières et les pratiques sexuelles qui en découlent culmineront à l’extrême fin de la dynastie, comme l’attestent les mémoires de Sir Edmund Backhouse (1873-1944) récemment éditées par Derek Sandhaus. Le premier chapitre de Décadence Mandchoue. The China Memoirs of Sir Edmund Backhouse (Earnshaw, 2011) offrira à tous les curieux des illustrations très détaillées de l’art sodomite le plus raffiné de cette fin de siècle et une description prenante des maisons où l’on s’y consacrait avec passion et art. S’y croisaient hauts fonctionnaires, nobles mandchous, eunuques proches d’une impératrice, Cixi, elle-même très versée dans les subtilités de la sensualité la plus torride.

Mais revenons à la fin des Ming, à quelques années d’un chamboulement majeur — il surviendra en 1644 —, époque de la vogue du conte en langue vulgaire qui est, comme l’a décrit André Lévy, « un aspect d’un syndrome de la crise » qui couve (voir Le conte chinois en langue vulgaire, Paris, Collège de France-Institut des hautes études chinoises, 1980, p. 423).

Quelques collections publiées au Jiangsu (Suzhou, Nankin) et au Zhejiang (Hangzhou) pendant les deux décennies qui précèdent le déferlement des troupes mandchoues sont plus particulièrement destinées à un public friand de scènes lestes. Elles ne manquent pas de pimenter leurs péripéties libertines de scènes galantes ou obscènes entre hommes. Le Yipianqing 一片情(Tout pour l’amour, A. Lévy (trad.), Picquier, 1996) montre bien que l’homosexualité masculine est une pratique assez courante, bien que, en l’occurrence, fort dangereuse lorsqu’on trompe une épouse suspicieuse avec un jeune garçon, laissant « tomber un con bien lavé pour aller jouer avec un cul merdeux » (Voir « Virago, mais ravissante... », pp. 191-221). Le Huanxi yuanjia 歡喜冤家 (Amour et rancunes, A. Lévy (trad.), Picquier, 1997 et 1999) ne semble pas s’en formaliser, et les séances de corps à corps entre deux garçons deviennent un passage obligé du roman leste comme on le voit dans la gaudriole fantastico-humoristique qu’est leYaohu yanshi 妖狐艷史(Galantes chroniques de renardes enjôleuses, Picquier, 2005) ou encore dans le plus raffiné Tao hua ying 桃花影 (A l’ombre des pêchers en fleur, Picquier, 2005) et l’irrésistibleXiuta yeshi 繡榻野史 (Histoire hétérodoxe d’un lit brodé, Picquier, 1997) de Lü Tiancheng 呂天成(1580-1618).

Toutes ces fictions, qui cherchent à attirer l’attention d’un public urbain, principalement masculin, et qui, selon les confucéens, mettent en danger les mœurs, ne sont rien à côté des collections qui ont fait des chemins de traverse leur horizon unique. Vers 1715, Liu Tingji 劉廷璣dénonce les véritables coupables : « Pire et plus vils encore sont Yichun xiangzhi 宜春香質, Bian er chai 弁而釵 et Longyang yishi 龍陽逸史. Il conviendrait de faire du petit bois avec les planches ayant servi à les imprimer et de jeter les exemplaires déjà en circulation dans les bûchers du Premier Empereur ! Qui s’en plaindrait ? » (Zaiyuan zazhi 在園雜志, II.107)

On peut se faire une petite idée du second recueil visé ici grâce à André Lévy qui a traduit « Qing zhen ji » 情貞記, le premier des quatre récits qui le composent — Epingle de femme sous le bonnet viril. Chronique d’un loyal amour (Mercure de France, 1997) ; pour ce qui est des deux autres cibles privilégiées de Liu Tingji, on en saura plus sur elles lorsque sortira le sixième et dernier volume de l'Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire (Paris, Institut des hautes études chinoises, 1978-) ; il rendra compte des vingt récits du Longyang yishi(Histoires anecdotiques des mignons, 1632) et des quatre du Yichun xianzhi (Chair odorante qui dispose à l’amour, fin des Ming) qui comme Bian er chai ont pour thématique première, sinon unique, les amours entre personnes du même sexe. Pour l’heure, il est bon de retenir, comme le signale Keith McMahon, que « la description des amours homosexuelles masculines s’y écarte de la vision violemment antagoniste des relations sexuelles entre homme et femme que l’on rencontre dans nombre de romans Ming ». Dans la majorité des contes du Longyang yishi, on trouve « une même atmosphère optimiste et une peinture légère et joyeuse des amours homosexuelles, plaisirs sans mélange quoiqu’éphémères. Cependant, il ne faudrait pas trop généraliser, car Yichun xiangzhi comporte plusieurs dénouements tragiques. » (Voir « Eroticism in Late Ming Fiction: the Beauteous Realm and the Sexual Battlefield », T’oung Pao, LXXII (1987), pp. 217-264). 

Il n’empêche que, mis à part Hongloumeng, tous les ouvrages cités précédemment, décrivant parfois crûment les ébats sexuels et le cas échéant évoquant sans détours les pratiques homosexuelles sont toujours proscrits. Les moins diserts en la matière ne sont revenus en odeur de sainteté que très tardivement et fort progressivement.

Le Shi’erlou a devancé les Wushengxi de quelques années en sortant d’un injuste enfer dans le milieu des années 1980. Fruit de la même veine mais publié lui vers 1635, le Shidiantou (Les pierres qui hochent la tête) qui propose Le Tombeau des amants, est de la même manière maintenant facilement disponible dans des éditions modernes ou des facsimilés anciens, mais il n’a retrouvé sa physionomie complète que tout récemment, en 1991 [*]. Avant cette date, il avait refait surface dans une version expurgée de deux récits : le onzième, qui évoque sans doute trop crûment un cas d’anthropophagie, et celui qui nous intéresse,lequel traite de pratiques alors encore réprouvées— l’homosexualité n’est en Chine, rappelons-le, sortie de la liste des pathologies mentales qu’en 2001 (Voir Kinsey Institute, Continuum Complete International Encyclopedia of Sexuality, 2004-, p. 193. URL : http://www.kinseyinstitute.org/ccies/).

Longtemps censuré, ce quatorzième et dernier conte n'offrait plus de mystère qu'à ceux qui ne lisent pas le chinois parlé de cette fin des Ming. Grâce à l'élégante et attentive traduction de Thomas Pogu, le voici maintenant à la portée du lecteur français, après avoir été mis à celle du lecteur anglophone par Patrick Hanan en 2006 (« The Lovers’ Tombs », dans Falling in Love. Stories from Ming China, Honolulu, University of Hawai’i Press, pp. 214-247).

Il était urgent d’en disposer pour offrir au public français, relativement bien servi dans l’érotisme chinois grâce aux efforts d’une poignée de traducteurs, l’engagement d’un éditeur et l’acharnement d’un directeur de collection (Jacques Cotin pour le « Pavillon des Corps curieux » aux Editions Philippe Picquier), un complément sur la façon dont les Chinois mettaient en scène ce penchant qu’ils ont, dans leur immense majorité, toujours du mal à assumer. 

L’histoire qu’on va lire n’a pourtant rien de surprenant par la forme qui est celle traditionnelle à l’époque de sa rédaction du genre court appeléhuaben, savoir celle des histoires rédigées en langue parlée présentées d’un seul tenant et insérées dans un recueil de dimension variable de 12 à 40 contes au contenu le plus souvent hétérogène. Ce genre qui connaît le zénith de sa vogue au milieu du XVIIe siècle, a produit pas moins d’une cinquantaine de collections pour un total de quelque 1000 récits de tailles et de qualités diverses. Après un court prologue qui enchaîne à l’exposé d’un thème des exemples tirés des histoires officielles les plus sérieuses, le récit est narrée dans une prose accessible au plus grand nombre sans autres aspérités que les ponctuations poétiques de rigueur, dans un ensemble censé reproduire le déroulement d’une séance de conteur public. Dans le cas présent, cette illusion n’est guère soutenue par un auteur bien au fait des contraintes liées à la lecture silencieuse.

Que celui qui se présente sous les noms d’emprunt de Tianran chisou 天然癡叟 (Le vieillard fou de la nature) et de Langxian 浪仙 (L’immortel insouciant) soit un acolyte du célèbre Feng Menglong 馮夢龍 (1574-1646), lequel pourrait avoir signé la préface et les commentaires de la collection, ne fait plus de doute. Quand Shidiantouvoit le jour à Suzhou, vers 1635, Feng a déjà publié trois recueils de 40 récits chacun — les San Yan 三言 ou Trois paroles — auxquels Langxian a, du reste, activement collaboré en composant plus de la moitié des 40 contes du troisième volume sorti en 1627. Cette fois, c’est bien lui le maître d’œuvre de l’ensemble. Mais, en l’occurrence, il exploite une courte anecdote que son compère avait intégrée dans une anthologie de quelque 870 item répartis en 24 catégories publiée plus tôt sous le titre de Qing shi 情史 ou Histoire du sentiment amoureux :

Tout jeune déjà, Pan Zhang était d’une grande beauté et tous en étaient épris. Wang Zhongxian de Chu eut vent de sa réputation ; il chercha à se gagner une amitié que Zhang lui accorda comme d’étudier en sa compagnie ; un amour les lia aussitôt l’un à l’autre comme mari et femme. Ils partagèrent couverture et oreiller, ne mettant aucun frein à leur liaison jusque dans la mort qui survint bientôt. Plongés dans la plus poignante affliction, leurs parents les inhumèrent ensemble au mont Luofu. Là s’éleva un arbre dont chaque branche, chaque feuille en enlaçaient une autre à la plus grande surprise de tous. On le baptisa l’Arbre de l’oreiller partagé. 

C’est à partir de cet embryon dont la source initiale est le chapitre 389 du Taiping guangji 太平廣記(Vaste recueil de l’ère de la Grande Paix, 977), immense compendium d’anecdotes en langue classique datant des Song (960-1279) qui alimenta généreusement la création littéraire en langue vulgaire des Ming, donc d’un texte en langue classique de moins de 100 caractères, que Langxian va composer une histoire cent fois plus longue qui est « extraordinaire » à plus d’un titre. 

C’est de fait la première fois qu’unepassion amoureuse entre deux garçons est illustrée dans le genre. On y retrouve toutes les étapes de l’intrigue amoureuse traditionnelle : l’attirance fruit du hasard d’une rencontre, celle de deux étudiants dans une sorte de classe préparatoire pour une foule de candidats à une entrée dans la très sélective bureaucratie impériale ; la naissance d’une passion, d’abord non partagée, qui deviendra vite exclusive ; sa montée en puissance avec sa consécration par le commerce des corps ; viendra ensuite la découverte de l’idylle par des jaloux moqueurs et cruels qui composent une aussi piquante que cruelle ritournelle accusatrice cause d’une fuite, ultime solution pour des multi-criminels — n’ont-ils pas fauté contre toutes les règles de conduite inculquées par une éducation reposant sur la piété filiale ? —, et, enfin, la mort qui ne tarde pas, aussi implacable qu’inexpliquée, laquelle scelle leur union. 

Chaque étape est l’objet d’un développement adapté aux visées de l’auteur : quand la communion des corps est traitée avec une grande économie de moyens, la séduction qui s’appuie sur une lecture intempestive du Zhongyong 中庸(Invariable milieu) — un des Quatre livres du catéchisme confucéen —, est un morceau de choix qui montre que l’auteur s’adresse aussi, voire avant tout, à des lettrés formés comme lui aux humanités chinoises. Du reste, il semble connaître le milieu des étudiants suffisamment bien pour savoir que beaucoup n’ont pas plus de goût que de disposition pour les études ; lui-même ne semble guère se faire d’illusion sur la voie qu’ils poursuivent : ce n’est pas la seule voie de la réalisation personnelle ; son goût pour le taoïsme se manifeste dans cette histoire comme dans d’autres de son recueil, aussi conduit-il les deux garçons à quitter le monde pour une quête vaine de l’immortalité. 

Mais Langxian est-il si dégagé de toute contingence que cela ? N’est-il pas, finalement, plus confucéen et moraliste que son surnom le laisserait penser ? En effet, malgré une évidente sympathie pour leurs sentiments — plus forts et plus vrais que ceux qui peuvent lier mari et femme—, l’auteur ne peut se départir d’un regard critique qui condamne la désinvolture avec laquelle les deux protagonistes traitent les conventions sociales, oubliant un peu vite le sacro-saint respect aux parents et les attentes qu’ils ont mis en eux, l’obligation d’assurer la transmission du nom et de leur patrimoine, devenant « les plus grands criminels que la Terre ait portés » et « des monstres parmi les hommes ».

Il n’en reste pas moins que l’on peut trouver que Langxian, pourtant formidable conteur et habile peintre des sentiments amoureux, manque un peu de cohérence dans son appréciation d’un comportement et d’une conduite qui doivent selon lui inspirer rires moqueurs ou condamnations, mais auxquels il offre un final brillant dont la symbolique très forte ne manquera pas de séduire les comparatistes, mais aussi et surtout d’enflammer tous les amateurs d’histoires d’amour fou.

[*] Voir le tome quatrième de l’Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire, (André Lévy, Michel Cartier, eds.), Paris, Collège de France – Institut des hautes études chinoises, 1991, pp. 1-59. La notice pour « Pan Wenzi qihe yuanyang zhong » 潘文子契合鴛鴦塚 (Pan Wenzi reste uni à son ami dans la tombe des canards mandarins), Le tombeau des amants, a été réalisée par Jacques Dars (1941-2010) sous le titre « Les deux amis », pp. 56-59

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