Un vendredi soir. Russell (Tom Cullen) passe la soirée chez des amis hétéros et s’ennuie un peu. Sur le retour pour rentrer chez lui, il décide de faire un détour et d’aller dans une boîte gay. Il tourne autour de Glen (Chris New), un garçon qu’il pense être trop bien pour lui. Après avoir embrassé un mec lambda, il finit pourtant par ramener Glen chez lui. Le lendemain matin, autour d’un café au lit, ce dernier lui demande de contribuer à un de ses projets artistiques : il enregistre au petit réveil ses amants en leur demandant de raconter comment ils se sont rencontrés et comment leur nuit ensemble s’est déroulée. Naturellement, le plan cul se transforme en quelque chose de plus intime et Russell et Glen se laissent pour mieux se retrouver plus tard dans la journée. Le temps d’un week end, ils vont faire connaissance, se livrer l’un à l’autre, non sans risques. En effet, Glen avoue tardivement à son nouvel ami que le dimanche il déménagera pour deux ans aux Etats-Unis. Leur temps est compté.
Ceux qui ont aimé Before Sunrise et Before Sunset de Richard Linklater ne résisteront pas longtemps à Weekend, film indépendant anglais qui raconte la naissance d’un amour en deux jours de deux hommes à des stades opposés de leur vie. Russell est un homo qui s’assume plus ou moins et qui semble à la recherche d’une histoire sérieuse ; Glen , gay très ouvert et légèrement militant, ne fait plus que des plans culs suite ,notamment, à une rupture très difficile. Le temps de dialogues bouleversants de sincérité et de justesse, ces deux-là vont se se raconter leurs expériences, leurs doutes. On assiste à une rencontre touchée par la grâce, tour à tour émouvante, drôle. Puis le compte à rebours fait que l’on commence à avoir les yeux mouillés : on ne veut pas que ces deux personnes qui sont à l’évidence faites l’une pour l’autre se séparent. Empathie énorme vis à vis de personnages magnifiquement posés auquel on ne peut que s’identifier, surtout quand on est gay. On a envie que Glen se laisse aller, qu’il lâche tout pour se redonner une chance d’être heureux avec Russell, que la magie perdure…
Si déjà Weekend était un film brillant sur l’amour, la rencontre, comptant sur des interprètes absolument géniaux et une mise en scène aussi belle que délicate, le long-métrage va bien plus loin que ça. « Qu’est-ce qu’être gay en 2011 ? » C’est mine de rien la question à laquelle répond le joyau d’Andrew Haigh avec une lucidité désarmante. Les homos sont plus visibles, en apparence totalement intégrés à la société. Mais les discriminations sont pourtant toujours ancrées dans le quotidien. Être gay aujourd’hui c’est encore devoir entendre des hommes politiques et des âmes faussement bien pensantes qui rabaissent ce que vous êtes. C’est devoir faire un trait sur le mariage et la vie de famille. C’est être gêné de prendre la main ou s’embrasser en public quand les hétéros s’affichent sans retenue. C’est essuyer fréquemment des insultes ou altercations homophobes dans la rue. Une violence latente, sournoise.
Le personnage de Glen est particulièrement remonté face à ces derniers points et on ne peut s’empêcher d’avoir de petits pincements au cœur quand dans la rue il se fait insulter sans raison de « pédale » par des passants agressifs. A un moment, le personnage parle aussi de la façon de parler de la sexualité gay dans la sphère privée comme dans l’art. Les hommes gays n‘osent souvent pas livrer les détails de leurs ébats à leurs potes hétéros. Ils n’en parlent majoritairement qu’entre eux. Et faire un projet artistique sur les relations entre hommes est selon Glen quasi voué à l’échec car « les gays seront déçus de ne pas trop voir de la bite et les hétéros ne se sentiront pas concernés ».
Comme Glen, Russell tient à garder des traces de ses amants et de ses relations. Il tape une sorte de journal sur son ordinateur. Les deux hommes jouent à la fois aux analystes et aux cobayes, cherchant à dresser le portrait d’individus paumés comme eux, qui ont plus ou moins compté dans leur vie et/ou les ont probablement définis.
Sentimental et jamais mièvre, réaliste sans oublier la magie du cinéma, tendre, amusant et bouleversant : avec un petit budget et une belle modestie, Weekend se révèle être ni plus ni moins le film le plus attachant et le plus juste sur l’homosexualité et l’amour entre mecs qu’on ait pu voir depuis des années. Le genre de film qu’on a envie de revoir encore une fois à peine sorti de la salle…Indispensable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire