L'année 2011 s'est achevée, et les événements en Egypte commandent un retour sur les billets de blogs les plus marquants ou polémiques qui l'ont jalonnée.
Maikel Nabil : “L'armée et le peuple n'ont jamais été un”
Ce billet de blog de Maikel Nabil Sanad [en arabe] est important à plus d'un titre : Sanad a été condamné à la prison pour ce qu'il y a écrit, ce qui a fait de lui le premier prisonnier de conscience après le début de la révolution égyptienne [en anglais]. Et ce billet a paru moins d'un mois après le retrait du président égyptien Hosni Moubarak, à un moment où la majorité des Egyptiens s'abstenait de critiquer l'armée, soit par peur soit parce qu'ils ne voyaient rien qui mérite critique.
Ce qu'écrivait Sanad dans ce billet était un défi à l'opinion générale sur l'armée de l'époque. Sanad répertoriait dans son texte de nombreux exemples d'arrestations et de torture pendant et après les 18 jours de la révolution et y voyait la preuve que l'armée n'avait jamais été du côté de la révolution égyptienne, et de ce fait il a été accusé [en anglais] d'”insulte à l'institution militaire et de publication de fausses informations sur elle” et de “trouble à la sécurité publique” - crimes pour lesquels il a été condamné à trois années d'emprisonnement [en anglais], réduites ensuite à deux.
Sanad poursuit contre son verdict une grève de la faim, commencée il y a près de 130 jours. Précisons que sa détention ne rencontre pas assez de soutien dans la rue et les média [en anglais], à cause des prises de position controversées sur son blog. Quoi qu'il en soit, c'est ce billet-là qui a ouvert la voie à la fin du tabou qu'était la critique de l'armée, devenue depuis une cible habituelle des blogs [en arabe].
Mohamed Abo El-Ghait : “Priorités aux pauvres, s****ds”
Quand on a a posé la question sur Twitter du billet de blog le plus important de 2011, c'est celui-ci [en arabe] qui a figuré au second rang après le billet de Maikel Nabil. Il a été écrit en juin, quelques mois après le référendum sur la modification constitutionnelle [en anglais]. Il y eut à l'époque un énorme débat s'il fallait d'abord des élections parlementaires puis la rédaction par les élus de la constitution post-révolutionnaire, ou à l'inverse, qu'une commission écrive la constitution avec ensuite les élections parlementaires et présidentielle. La discussion a culminé pendant le référendum.
Mohammed Abo El-Ghait écrivit le billet après avoir vu majorité des participants à la révolution se détourner d'un débat aussi “élitiste” alors que leur but d'alors avait trait à l'amélioration de leurs conditions de vie. Dans son texte, il a aussi accompli deux avancées : c'est lui qui a en quelque sorte forgé l'expression, reprise plus tard par Alaa Abdel-Fattah dans un autre billet de blog important sous le titre “Priorité au Rêve” [en arabe], et par beaucoup d'autres qui ont joué de cette expression dans leurs discussions. Et la deuxième chose, était de contester l'opinion que la révolution égyptienne était un mouvement pacifique sous l'impulsion de la classe moyenne et supérieure.
Il introduisit son billet par des photos de pauvres, de ceux que les Egyptiens appellent “Sarsageyya,” les ridiculisant avec leurs vêtements, l'arrière-plan et les effets visuels qu'ils y font, avant de secouer les lecteurs en indiquant que ces photos étaient de martyrs morts pendant la révolution même si les média se bornent à montrer les photos des martyrs de la classe moyenne seulement.
Alyaa El-Mahdy : “Art Nu”
On n'est pas loin du débat sur ce qui est de l'art ou non au Conseil de la Société des Artistes Indépendants autour de l'urinoir de Marcel Duchamp à propos de ce que publia Alyaa El_Mahdy dans son billet de blog [en arabe]. Quoi qu'il en soit, ce billet avec sa photo nue et quelques autres pourrait bien être l'un des plus regardés de l'année en Egypte cette année, lui valant plus de 5 millions de visiteurs à ce jour, dont on peut affirmer sans se tromper que la plupart visaient ce billet particulier.
Alyaa a ensuite fait l'objet de nombreux portraits et entretiens dans la presse nationale et internationale, et Ahmed Abd El-Fatah a aussi tweeté [en arabe] que l'article que lui a consacré Al-Masry Al-Youm en anglais (l'un des journaux en anglais prééminents d'Egypte) a battu le record historique des visites du journal. Sa décision de publier des photos d'elle-même nue a aussi allumé un débat passionné en ligne comme hors ligne. L'auteur connaît personnellement des gens qui n'ont jamais lu de blog de leur vie et ont visité celui d'Alyaa.
D'autres billets de blogs
Trois jours avant le début de la révolution égyptienne le 25 janvier, et quelques jours après celle en Tunisie, Zeinobia a écrit une liste de leçons à retenir de la révolution tunisienne [en anglais]. Le lendemain du retrait de Moubarak, tandis que la place Tahrir se vidait au son des réjouissances de la victoire, Hossam El-Hamalawy écrivit un billet avertissant que la révolution était loin d'être finie[en anglais]. Il défendait aussi le droit de grève, pour lui partie intégrante de la révolution au même itre que les manifestations sur la place publique.
Pendant l'occupation de Tahrir en juillet, Sandmonkey écrivit un billet intitulé “Tahrir : un exercice de construction nationale” [en anglais], où il expliquait qu'au-delà de la valeur politique de l'occupation pour pousser à réaliser les revendications de la révolution, les participants à la contestation vivaient une fascinante expérience sociale en ce que “Tahrir devient rapidement une Egypte en miniature, avec tous ses problèmes, mais sans pouvoir centralisé. Et les parallèles sont troublants”. Filant les comparaisons, il concluait :
en un mot, si vous voulez comprendre les problèmes qu'affronte notre société et les meilleurs moyens d'y remédier, c'est vers Tahrir qu'il vous faut aller de ce pas.
Le billet de Sandmonkey fait penser à celui d'Obliviology, où elle décrivait aussi la place Tahrir, mais pendant les 18 jours de la révolution cette fois. Et enfin, un dernier billet intéressant est celui de Karim Shafei [en arabe] - présenté par Ayesha Saldanha ici - avec sa description du Caire (la capitale égyptienne) qu'il compare ironiquement à des mini-états indépendant, au lieu d'une ville unique.
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