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mardi 15 mai 2012

Maroc jeunesse ou le paradis perdu


Jeunesse ou le paradis perdu

La jeunesse marocaine se cherche, divisée par ses contradictions. Tiraillée par une modernité virtuelle et une réalité conservatrice, elle persiste à bricoler son identité. Qui sont-ils, que veulent-ils ? 

Que signifie, dans le contexte actuel, être jeune, au Maroc ? Le jeune est-il celui qui n'est ni enfant ni adulte, mais qui possède une certaine maturité ? La jeunesse constitue-t-elle, pour l'être humain, la période où il se forme, où il vit projeté vers l'avenir et/ou prend conscience de ses potentialités, où il bâtit ses projets pour l'âge adulte ? La jeunesse représente-t-elle la couche de la population qui aspire à une plus grande liberté et est à la pointe de l'évolution grâce à son dynamisme, son impatience et sa combativité ? Selon le dictionnaire Larousse, elle se définit aussi comme : « la période des grands défis, des grandes exaltations et surtout de l'affirmation de soi. Elle est caractérisée par un élan de liberté, des prises de risques, de l'idéalisme et l'envie de changer le Monde à sa manière ». Aujourd'hui, au Maroc, on peut être jeune à 35 ans puisque célibataire vivant toujours au domicile familial. Le zoufri d'antan est devenu le jeune d'aujourd'hui. C'est le mariage qui définirait le passage à l'âge adulte. Un rite initiatique qui consacrerait la responsabilité. Autant de définitions ou tentatives d'ébauches qui traduisent notre trouble à définir cette frange de la population qui, selon le discours officiel, représente les trois quarts de la population. C'est pour cette raison que nous nous sommes appuyés essentiellement, pour étayer nos propos, sur les rares études sociologiques qui ont permis de décrypter cette jeunesse marocaine. 

L'étude faite par le sociologue Mohamed Khalil dans le grand Casablanca en septembre 2000 (1), juste après la mort du défunt roi Hassan II, et certains résultats de son enquête réalisée en 2004 (2), nous ont permis d'évaluer une certaine mutation comportementale de la jeunesse marocaine. Les nouveaux espaces de sociabilisation comme Internet ont connu un essor considérable, ce qui a radicalement renforcé la virtualité et dématérialisé le lien social. Le nouveau derb marocain, c'est sur Internet que vous le trouverez. Les « tribus » organisées sur la toile accueillent chaque jour de nouvelles envies et de nouveaux signes distinctifs de l'appartenance à la planète. Les internautes ont-ils une conscience politique qui leur permet de maintenir le lien avec l'Etat et ses Institutions ? « Non », répond, sans équivoque, le politologue Mohamed Layadi. « Les identités politiques du passé ont cédé la place à des formules comme : ils sont tous pareils et il n'y a rien à attendre d'eux. Les modèles, lorsqu'ils existent, sont plutôt puisés dans le monde du spectacle, de la religion, de la science ou de l'histoire ». C'est aussi ce que démontre imparablement l'étude de Mohamed Khalil : les 2000 jeunes sondés à Casablanca ont identifié plus de 900 « modèles ». Dans cette liste, hormis la famille royale, très peu d'hommes politiques nationaux sont inclus. Les valeurs religieuses et mystiques traduisent aussi la profonde schizophrénie d'une jeunesse qui croit, toujours selon cette étude, pour 80%, au jnouns et à la magie, pour 85%, au mauvais œil et à l'envie ( l'hsad)... mais qui ne croit ni aux chouaffates ni aux pouvoirs des foqhas. Une jeunesse dont un représentant sur cinq a déjà consommé de la drogue, tout en considérant sa consommation comme le plus grand des interdits. 

Tiraillée, c'est le mot pour décrire cette jeunesse qui perd progressivement ses repères. Le premier d'entre eux, le derb, et son corollaire le terrain vague, est en voie de disparition. Cet espace de mixité et de contrôle social permettait la formation « morale » de la jeunesse. Quant à l'école publique, autrefois espace de mixité sociale, elle n'accueille plus les enfants de nantis. L'ascension sociale est limitée, seuls les plus brillants ont des chances raisonnables de s'en sortir. Il est ainsi curieux de constater que dans notre pays, la télévision est devenue le catalyseur d'une autre forme d'élévation dans la société. Si la télé-réalité est abordée de façon ludique à l'étranger, chez nous, elle est considérée aussi sérieusement qu'un concours pour accéder à la fonction publique. Les jeunes l'appréhendent comme une chance réelle pour s'en sortir. Les longues files d'attente de jeunes, souvent accompagnés de leurs parents, pour s'inscrire aux concours, en témoignent. C'est dans la marge qu'elle se sent bien à Derb Ghallef ou dans les forums sulfureux de la toile virtuelle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

I am concerned up the ball game in Syria!