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vendredi 16 décembre 2011

Le Yémen, une sexualité sous contrôle



Au Yémen, la charia interdit les relations avec les femmes hors mariage. À l'inverse, l'homosexualité est pratique courante et acceptée. à la rencontre des jeunes « chebab » de la ville d'Aden.

D'Arthur Rimbaud, il ne reste plus qu'un hôtel pour rappeler la maison qu'occupait à Aden le jeune poète à la fin du XIXème siècle. Seule l'enseigne de l'établissement, écrite en arabe, avec sa transcription latine au-dessus de l'entrée, l'évoque encore - à sa façon : hôtel...« Rambo ». Sans ses voyelles, qui n'existent pas dans la langue arabe, le nom de l'homme qui aimait les hommes, seulement avec un petit « h », et le qat, avec un suggestif « q », se confond ici naturellement avec celui porté par la figure emblématique du héros viril et conquérant. Et surtout puissant. L'étalon de référence pour le « louti », le terme arabe employé pour désigner l'homosexuel.

Aden fait toujours le même effet à celui, étranger, qui veut « arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens », comme l'écrivait Arthur. Dans cette ville portuaire du sud yéménite, aux confins de la péninsule arabe et à quelques brassées de Djibouti et de la Somalie, les couleurs comme les odeurs sont plus capiteuses et pénétrantes que dans la capitale sans air. La brise de bord de mer est une caresse toujours recommencée, encore réclamée, même brûlante. Ici, plus qu'ailleurs dans le pays, l'aventure entre hommes semble se présenter à chaque coin de rue, à portée de mains frôlées, bientôt mêlées. Comme si à chaque fois, ce plaisir volé était un petit morceau de paradis gagné sur un quotidien de survie vécu comme « une saison en enfer » éternelle.

« Quel époux yéménite n'a pas d'amant ? » 

Ahmed plaît. À force de l'avoir vérifié, il en rajoute un peu, des manières un peu trop appuyées quand il parle, à faire « sa » belle et « sa » timide. Il s'est même affublé d'un prénom féminin – Isabella – et s'amuse avec les autres chebab – jeunes gens – comme lui, à parler d'eux en employant le genre féminin. Pourtant, ce long corps bien bâti de 21 ans à l'allure souple pratique aussi les femmes. Bisexuel, donc ? Juste « sexuel », répond-il en tortillant une mèche, faussement gêné.

S'il s'est mis à privilégier les hommes, explique-t-il, c'est d'abord par défaut, comme tant d'autres chebab. Avoir des relations avec une femme hors mariage est compliqué et risqué dans une société comme le Yémen régie par la charia islamique, qui l'interdit et le condamne. En revanche, prendre un amant est d'autant facilité que l'offre locale s'avère particulièrement dynamique. « Quel époux yéménite n'a pas d'amant ? », remarque nonchalamment un Français de ses amis, connaisseur averti de ce terrain. « Au lieu de se contenter d'une lecture des jeux de pouvoir et des luttes de clans dans ce pays à travers le prisme tribal, on devrait plutôt s'intéresser à qui couche avec qui. On comprendrait mieux pourquoi cet officier-là a fait une carrière éclair ou cet homme d'affaires a remporté un marché juteux ... »

Autant de bonnes raisons d'y prendre goût. Et Ahmed s'y emploie, avec ses objectifs. Aimer les hommes ouvre sur l'international. Ses arguments physiques et ses talents lui ont fait fréquenter des étrangers, surtout occidentaux. Avec l'espoir, peut-être un jour, de partir avec l'un d'entre eux et avoir un avenir, qu'il ne trouve décidément pas à Aden. En France, peut-être ?

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