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lundi 29 avril 2013

Jason Collins annonce son homosexualité (BASKET )



Récemment, Phil Jackson avait relancé le débat sur l’homosexualité parmi les joueurs NBA. Il est vrai qu’aucun joueur en activité ne s’était jamais ouvertement déclaré homosexuel. Mais aujourd’hui, le tabou est brisé par le pivot Jason Collins.


« Je n’ai pas peur de faire face à mon adversaire. J’aime affronter les meilleurs. Même si Shaquille O’Neal ira au Hall of Fame, je n’ai jamais reculer face à lui et j’ai toujours tenté de l’agacer (PS pour Shaq : mon flopping n’a rien à voir avec le fait que je sois gay) », raconte-t-il dans un superbe article pour Sports Illustrated.

Très apprécié dans le vestiaire des Celtics, Jason Collins avait été envoyé à Washington contre Jordan Crawford en février. Désormais free agent, le pivot de 34 ans recherche un club pour l’an prochain.


« On m’a demandé comment les autres joueurs allaient réagir à cette annonce. Ma réponse est simple, je n’en ai aucune idée. Je suis pragmatique. J’espère le mieux mais je m’attends au pire. Les gens ont surtout peur que les joueurs homosexuels se comportent de façon inappropriée dans le vestiaire. Croyez-moi, j’ai pris énormément de douches en 12 saisons. Mon comportement n’a jamais été un problème avant et ne le sera pas maintenant. Ma conduite ne changera pas ».

Doc Rivers et d’autres ont même souvent décrit Jason Collins comme le « professionnel des professionnels ». Une réputation qui devrait lui permettre de garder sa place en NBA en tant que pivot remplaçant.


« Chez les pros, plus vous vieillissez, plus vous devez être en forme. La saison prochaine, des yeux supplémentaires m’observeront et ça me motive encore plus pour travailler dur. Certains affirment qu’ils n’ont jamais rencontré d’homosexuels. Aujourd’hui, grâce aux trois degrés de Jason Collins, je peux dire qu’aucun joueur NBA ne peut plus l’affirmer. Le basket professionnel est une famille. Et dans chaque famille, il y a un frère, une soeur ou un cousin homosexuel. Dans la famille de la NBA, je suis juste celui qui l’a annoncé ».

dimanche 28 avril 2013

Après l’officialisation de Tamazight dans sa Constitution Le Maroc autorise les prénoms berbères

Après que sa Constitution eut consacré tamazight en tant que “langue officielle”, le Maroc vient d’autoriser les parents à donner des prénoms berbères à leurs enfants. Le ministre marocain de l’Intérieur, Mohand Laenser, vient d'adresser,

 à cet effet, une circulaire à tous les bureaux d’état civil et aux consulats à l’étranger, leur ordonnant d’accepter désormais les prénoms amazighs, a rapporté, vendredi, le journal arabophone Assabah.

vendredi 26 avril 2013

HUMEUR

RTLTVI : " un cocktail molotov a été jetté contre la facade du cabinet d'avocats. on s'oriente vers la piste criminelle"

haaa vous connaissez des cocktails molotov jettés par accident sur une maison ? bientot des pluies de cocktails molotov ? quel changement climatique


mercredi 24 avril 2013

Bruxelles mosquée cinquantenaire : Nouvelle conférence : L'action humanitaire, un engagement citoyen et spirituel en faveur de la solidarité



Assalamou 'aleykoum wa rahmatullahi wa barakatuhu,


Le Centre Islamique et Culturel de Belgique vous invite à sa conférence mensuelle qui aura pour thème :



Nabil Ennasri

Le samedi 27 Avril 2013
après la prière de Al-Asr

un local est prévu pour les femmes


D’après Abû Hourayra - رضي الله عنه -,
le Prophète - صلى الله عليه و سلم - a dit : 

[...] Celui qui parcourt un chemin à la recherche de la science, Allah lui facilite un chemin vers le Paradis. Toutes les fois que les gens se réunissent dans l’une des maisons d’Allah pour réciter le Livre d’Allah et pour l’étudier entre eux, la sérénité descend sur eux, la miséricorde les couvre, les anges les entourent de leurs ailes et Allah les mentionne devant ceux qui sont auprès de Lui...»
_________________________
{ Hadîth sahîh, rapporté par Muslim (n°2699), Ahmad (2/252), Abû Dâwûd (4946), at-Tirmidhi (1425), Ibn Mâja (225).

mardi 23 avril 2013

A Loth mais A Loth quoi. La france vote le mariage sodomite aujourdh'ui :-)


humeur

la france se dechire devant le mariage gay. la france pays des droits de l'homme : ben oui, "droits de l'homme, le vrai le dur, le tatoué qui sent bon le sable chaud, qui rote et qui pete, qu'a une trace jaune sur l'avant de son slip kangourou et garde beret et chaussettes pendant la baize, qui frapp sa femme , abuse de sa gamine et apprends a son fils de 5 ans a boire du gros rouge qui tache sans vomir. qu'est homophobe et va a l'eglise le dimanche se confesser pres du pere antoine de l'opus dei , maitre de chorale et amateur de petits anges. l'homme dans toute sa splendeur republicaine donc droit de l'homme pas droit des tapettes non mais et encore quoi bientot on leur permettra de se presenter aux elections ces tarlouzes (euh frappez pas c est de l'humour grinçant)

lundi 22 avril 2013

Ana Moura, la nouvelle princesse du Fado au Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde le 12 juin prochain dans le cadre des nuits de la Médina

NEWSLETTER avril 2013 ANA MOURA

 
Née en 1980, Ana Moura, chanteuse portugaise de fado a grandit à Santarém au Portugal.
Sa beauté encore peu effleurée par la souffrance chante une nostalgie existentielle, celle qu’elle héritera de sa passion très jeune pour un fado qu’elle entendra à la radio et dans sa famille à Santarem dans la province de Ribatejo.
Son adolescence la mènera à Carcavelos, dans la périphérie de Lisbonne, où, au delà d’une période rock (qu’elle retrouvera plus tard aux côtés de Mick Jagger ou Prince), elle affirmera sa passion pour le fado.
Ana Moura présentera son art le 12 juin prochain de 19h30 à 22h00 dans le cadre des Nuits de la Médina dans l’enceinte mythique du Musée Batha
Le Fado : Késako
   
Phénomène urbain, le fado né au XIX°siècle, est de nature hybride. C’est dans les quartiers portuaires et populaires (Alfama, Mouraria, le quartier des Maures ou Bairro Alto), les tavernes, que les marins vont introduire cette saveur mélancolique du passé, de l’espoir, du regret, s’abreuvant à travers leurs voyages, des chants arabes et des mélopées (lundum) des anciens des esclaves afro-brésiliens.
Ensuite, vers 1870, le fado avec la grande chanteuse Severa, deviendra aussi l’apanage d’une aristocratie, friande de cette verve poétique, avant de devenir le chant de tout un peuple, dans les années soixante, grâce à une autre femme, la fameuse fadista Amalia Rodriguez..
Réservez vos billets en toute liberté sur www.fesfestival.com
New fado star Ana Moura at the Fes Festival of World Sacred Music on 12 June
  Fado singer Ana Moura was born in 1980 in Santarém, Portugal.
Her beauty is as yet little touched by suffering engendered by singing such existential nostalgia, a passion for which she learned at a young age from the radio and from her family in Santarém in Ribatejo province.
She spent her teenage years in Carcavelos near Lisbon, and after a period exploring rock music (where she performed with Mick Jagger and Prince), she returned to her passion for fado.
Ana Moura presents her music at 20h30 on 12 June within the legendary walls of the Batha Museum, as part of the Nights in the Medina.
Fado : What’s it all about?
   
The urban phenomenon of fado came about in the 19th century and is by nature a hybrid form of music. In the taverns of the busy port areas of Alfama, Mouraria and the Moorish quarter of Barrio Alto, sailors introduced this melancholic style full of the hope and regret of their voyages. It stems from Arab songs and the ancient chants of African-Brazilian slaves.
Around 1870 under the influence of the great singer Severa, fado also became a favourite of the aristocracy who fell in love with its poetic verve. In the 1960s it developed into a form of music for everyone, thanks to another female singer, the famous fadista Amalia Rodriguez..
Go to www.fesfestival.com to buy your tickets.
Ana Moura, la nueva princesa del Fado en el Festival de Fez de las Músicas Sagradas del Mundo el 12 próximo
  Nacida en 1980, la cantante portuguesa de fado Ana Moura creció en Santarém, Portugal.
Su belleza apenas rozada por el sufrimiento canta una nostalgia existencial, aquella heredada de una pasión joven por un fado escuchado de muy niña en la radio, junto a su familia en Santarem en la provincia de Ribatejo.
Su adolescencia la pasará en Carcavelos en la perifería de Lisboa, donde, dejando atrás una primera etapa rock (que reencontrará más tarde junto a Mick Jagger o Prince), afirmará completamente su pasión por el fado.
Ana Moura presentará su arte el próximo 12 de Junio de 20h30 a las 22h dentro del marco de Las Noches de la Medina en el mítico Museo Batha.

El Fado: Kesako
   
Fenómeno urbano, el fado nace en el siglo XIX y posee una naturaleza híbrida. Es en los barrios portuarios y populares (Alfama, Mouraria, el barrio de los Mauros o Barrio Alto), en las tavernas, donde los marineros introducirán por vez primera este sabor melancólico del pasado, de la esperanza, de los remordimientos..mezclando a través de sus viajes los cantos árabes y también las melopeas (lundum) de los antiguos esclavos afro-brasileños.
Más tarde, hacia 1870, el fado, de la mano de la gran cantante Severa, se convertirá también en el símbolo de una aristocracia, deseosa de participar en esta vena poética, antes de convertirse en la música predilecta de todo un pueblo hacia los años 60 gracias a otra gran mujer, la famosa fadista Amalia Rodríguez..

Reserve sus plazas con total libertad en www.fesfestival.com
إزدادة مغنية الفادو البرتغاليه أنا مورا عام 1980 وترعرت بمدينة سانتريم في البرتغال
  إزدادة مغنية الفادو البرتغاليه أنا مورا عام 1980 وترعرت بمدينة سانتريم في البرتغال.
تمتلك أنا مورا ، أميرة الفادو الجديدة، حسا رومانسيا وتراجيديا بالفادو المتجذر في مدينة لشبونة حيث توطد بفضل بعض المغنيات والمغنين . بجمالها المشوب بالمعاناة تتغنى بالحنين الوجودي الذي ورثته عن شغفها في سن مبكرة بالفادو الذي كانت تستمع إليه عبر المذياع في منزل الأسرة في سانتاريم بإقليم رياتيخو.
قادتها مراهقتها إلى مارمابيلوس في ضواحي لشبونة ، وهناك تأكد صدق تعلقها بالفادو ، وكان ذلك قبل فترة الروك ( التي ستجمعها بمايك جاكر وبرينس.
ستقدم أنا مورا فنها يوم 12 يونيو المقبل على الساعه السابعه و النصف المساء في إيطار ليالي المدينه بمتحف البطحاء.
الفادو: كيسادو
    والفادو ظاهرة حضرية نشأت في القرن التاسع عشر ، وهي من طبيعة مهجنة ، أدخلها البحارة إلى الأحياء الشعبية المحاذية للميناء ( في ألفاما ،وموراريا حي الموريسكيين ، وبايرو ألطو) وإلى الخمارات بكل ما تذخره من استعذاب كئيب للماضي والأمل والحسرة ، مرتوين من خلال أسفارهم بالأغاني العربية والألحان القديمة لدى العبيد الأفارقة البرازيليين.
بعدها ، حوالي سنة 1870 ، أصبح الفادو بفضل المغنية المرموقة " سيفيرا" حكرا على الطبقة الأرستقراطية المولعة بهذه الفورة الشعرية ، قبل أن يصير في الستينيات ملكا لكل أفراد الشعب ، بفضل المغنية الشهيرة فاديستا أماليا رودريغيث.

سارعوا إلى حجز تذاكركم على : www.fesfestival.com

vendredi 19 avril 2013

Bruxelles 25 avril Michel Onfray au Jeune Barreau de Bruxelles sur le thème « L’injustice de la justice - Les soubassements judéo-chrétiens de la punition »


Ce jeudi 25 avril 2013, Michel Onfray viendra disserter à la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles sur thème « L’injustice de la justice - Les soubassements judéo-chrétiens de la punition ».

Michel Onfray est l’auteur de très nombreux essais philosophiques. Ancien professeur, il a démissionné de l’Education nationale française en 2002 pour fonder l’Université populaire de Caen. Il s’est fait connaître dans les années 90 avec des essais comme La raison gourmande (Grasset), Le ventre des philosophes (Grasset) ou La sculpture de soi (Grasset), où il renouait avec l’idée de la philosophie comme art de vivre, comme capacité à modeler son existence. Il défend pour son compte une conception hédoniste, libertaire et athée, ayant le souci de relégitimer les plaisirs de la terre contre une longue tradition idéaliste toujours soupçonneuse vis-à-vis de tout ce qui a trait au corps.
Depuis quelques années, il s’attache à déboulonner, dans les pas de Nietzsche, les soubassements religieux de la tradition philosophique occidentale. Après son Traité d’athéologie, publié en 2005, son dernier essai sur Freud, Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne, qui propose une relecture critique de l’œuvre de Freud et de la psychanalyse, a rencontré un très large succès. Enfin, produit de son enseignement à l’Université populaire, sa Contre-histoire de la philosophie, dont sept tomes sont parus à ce jour chez Grasset, fait redécouvrir tout un pan de l’histoire de la pensée occidentale, minoré ou oublié, qui s’inscrit dans sa vision hédoniste et libertaire.
Son dernier livre, L’ordre libertaire - La vie philosophique d’Albert Camus (Flammarion) s’attache avec passion au parcours, solaire, du dernier philosophe à avoir fait de sa vie même une œuvre philosophique. Mais c’est de la Justice que viendra parler Michel Onfray ce 25 avril 2013 au Jeune Barreau de Bruxelles. Plus précisément, il mettra en lumière les soubassements judéo-chrétiens de notre conception de la punition et de la justice. Libre arbitre, choix, responsabilité, culpabilité, punissabilité, ces concepts qui sont au cœur du système pénal et judiciaire seront examinés du point de vue de leur origine historique et de leurs fondements philosophiques.
Voici ce qu’il en a déjà écrit : « Dans certaines circonstances, dans certains lieux, dans certaines conditions, on sait la chance impossible et les probabilités grandes de délinquer. Qu’on crée donc d’autres circonstances, qu’on détruise certains lieux, qu’on rende impossibles certaines conditions, qu’on brûle les bouges, qu’on épuise les vitalités du maléfice. Et que disparaissent les mauvaises étoiles remplacées par des feux magnifiques. Aucune révolution métaphysique de la justice ne s’accomplira sans une politique des contre-feux favorables. Qu’advienne la politique douce pour que cesse la morale cruelle »
La conférence sera présentée et animée par Martin Legros, rédacteur en chef de Philosophie Magazine.
La conférence aura lieu le jeudi 25 avril 2013 à 20 heures dans la salle des audiences solennelles de la cour d’appel de Bruxelles (Palais de justice, place Poelaert, 1000 Bruxelles)
Participation aux frais : avocats stagiaires membres de la Conférence du Jeune Barreau : 5 euros – membres de la Conférence du Jeune Barreau et avocats stagiaires non-membres de la Conférence du Jeune Barreau : 10 euros ; autres (non membres de la Conférence du Jeune Barreau) : 15 euros.
Paiement préalable au compte de la Conférence IBAN BE68 6300 2151 2134 avec la référence « nom + prénom + Conf. Onfray ».
Inscriptions préalables obligatoires pour le 22 avril 2013 au plus tard.
Toutes inscriptions peuvent être effectuées par courriel à l’adresse inscriptions@cjbb.be ou par fax au n° 02/519.85.61.
Renseignements complémentaires au secrétariat de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles, du lundi au vendredi, de 9h30 à 12h30, au 02/508.66.43.

mardi 16 avril 2013

LE PROPHETE le livre de Khalil Gibran est en ligne ici , les 27 chapitres (on dit merci lol)



Retour du Vaisseau"

Almustafa, l'élu et le bien-aimé, cette aube qui commençait à poindre à la rencontre de son propre jour, avait attendu, 12 années durant dans la cité d'Orphalèse, le retour de son vaisseau, lequel devait le porter à nouveau vers son île natale.
Lors de la douzième année, au septième jour de Ayloul, le mois des moissons, il gravit la colline hors des murailles de la cité. Scrutant l'horizon, il aperçut son vaisseau voguer avec la brume sur les eaux.

Les écluses de son coeur furent grandes ouvertes, et sa joie s'envola par-delà les flots. Puis, les yeux clos, il se recueillit dans les silences de son âme.

Comme il descendait la colline, le tristesse le gagnait. Il pensa alors en son coeur :

" Comment pourrais-je partir en paix sans être tourmenté ? Non, ce n'est point sans blessure à l'âme que je ferai mes adieux à cette cité "

Longs furent les jours de souffrance et longues les nuits de solitude que j'ai passés au sein de ces murailles. Et qui pourrait se départir de sa souffrance et de sa solitude sans nul repentir ?

J'ai semé çà et là mille et un fragments de l'esprit par-dessus chacune de ces rues, et les langueurs de mon coeur ont essaimé une myriade d'enfants qui marchent nus dans ces collines. Je ne saurais m'en retirer sans que m'en pèse la douleur.

Ce n'est pas un vêtement que j'ôte en ce jour, mais une peau que j'arrache de mes propres mains.

Ce ne sont pas non plus des souvenirs que je laisse derrière moi, mais un coeur attendri par la soif et par la faim.

Je ne puis m'attarder davantage.

La mer, qui appelle toutes choses vers elle, me réclame, et force m'est de prendre le large.

Car rester, bien que dans la nuit les heures brûlent, c'est se laisser transir, se cristalliser et finir figé dans un moule.

De grand coeur emporterais-je avec moi tout ce que je laisse ici. Mais comment le pourrais-je ?

Nulle voix ne peut emporter dans son envol la langue et les lèvres qui lui ont donné des ailes. Seule doit-elle sonder les échelles de l'éther.

Et seul et démuni de son nid, l'aigle croise dans son envol le soleil. "

Arrivé au pied de la colline, il se retourna vers la mer. C'est alors qu'il vit son vaisseau s'approcher du havre. A sa proue, il aperçut les marins, hommes de son pays.

Et du tréfonds de son âme il s'écria :

" Fils de mon antique mère, vous qui chevauchez les marées, que de fois avez-vous vogué dans mes rêves ! Vous voilà à présent jetant l'ancre dans mon réveil qui est le plus profond de tous mes rêves.

Me voici prêt à partir ; toutes voiles dehors, mon désir ardent n'attend que le vent.

De cet air le plus quiet rien qu'une ultime fois je ne priserai.

Et en arrière, plus qu'un tendre regard je ne sèmerai.

Puis parmi vous je me tiendrai tel un marin parmi les marins.

Et toi, mer immense, mère toujours en éveil, toi seule qui accordes paix et liberté à toute onde, plus qu'un dernier méandre à ma rivière, un ultime murmure dans cette clairière, et je viendrai vers toi, telle une infime goutte éperdue rejoignant un océan aux horizons perdus. "

Comme il marchait, il vit au loin hommes et femmes abandonner leurs vignes et leurs champs et accourir vers les portes de la cité.

Et ils les entendit crier, laissant propager son nom à tous les échos et se héler d'un champ à l'autre, annonçant la venue de son vaisseau.

Puis il s'enquit :

" Faut-il que le jour de notre éloignement soit celui de notre rassemblement ?

Et faut-il dire que mon crépuscule était en vérité mon aurore ?

Que pourrais-je léguer à ceux qui ont abandonné leur charrue à mi-sillon ou à ceux qui ont arrêter la roue de leur pressoir ?

Mon coeur deviendra-t-il cet arbre gorgé de fruits afin de pouvoir les cueillir et leur en offrir ?

Et mes désirs sauront-ils sourdre telle une source pour emplir leur coupe ?

Suis-je une harpe afin que la main du Tout-Puissant puisse m'effleurer ? Ou suis-je une flûte afin que Son souffle puisse me traverser ?

Chercheur de silences, voilà ce que je suis. Mais quel trésor ai-je découvert en ces silences à dessein de le dispenser avec confiance ?

Si ce jour est mon jour de récolte, dans quels champs ai-je semé la graine et en quelles saisons dont le souvenir s'est évanoui ?

Et si en vérité l'heure de lever ma lanterne doit sonner, ce ne sera pas ma flamme qui y brûlera.

Vide et obscure élèverai-je ma lanterne;

Et le gardien de la nuit viendra l'emplir d'huile et allumer sa mèche. "

Voilà ce qu'il exprima en paroles. Or, il n'épancha point tout son coeur, car il ne pouvait lui-même révéler son secret le plus profond.

Et lorsqu'il entra dans la cité, le peuple vint à sa rencontre en l'acclamant à l'unisson.

Et les anciens de la cité s'avancèrent et dirent :

" Ne nous quitte pas si tôt.

Tu as été le soleil au zénith dans notre crépuscule et ta jouvence nous a abreuvé de rêves à rêver.

Tu n'es, parmi nous, ni un étranger ni même un invité, mais notre fils et notre tendre bien-aimé.

Ne souffre pas que nos yeux soient d'ores et déjà assoiffés de ton visage. "

Et les prêtres et les prêtresses de l'implorer :

"Ne laisse pas les flots de la mer nous séparer, ni les années que nous avons ensemble égrainées se réduire à un souvenir.

Tu marchais parmi nous tel un esprit et ton ombre illuminait nos visages.

Nous t'avons tant aimé. Cependant notre amour était dénué de paroles et enveloppé de voiles.

Mais à présent notre amour te réclame à cor et à cri et désire se tenir révélé devant toi.

Hélas ! Il en a toujours été ainsi : L'amour ne découvre ses profondeurs qu'à l'heure des adieux."

Et d'autres vinrent aussi et le supplièrent. Mais il ne leur dit mot. Il courba simplement la tête; et les plus proches de lui virent ses larmes tomber sur sa poitrine.

Puis il se rendit avec le peuple sur le parvis du temple.

Du sanctuaire sortit alors une femme, Al-Mitra. C'était une devineresse.

Il posa sur elle un regard d'une infinie tendresse ; car, dès qu'il arriva dans leur cité, elle fut la première à le deviner et à croire en lui.

Elle le salua, disant :

" Prophète de Dieu, en quête de l'absolu, longtemps tu as scruté les horizons dans l'attente de ton vaisseau.

Et maintenant qu'il est là, il te faut partir.

Profonde est ta soif de retrouver la terre de tes souvenirs et d'aspirer à la demeure de tes infinis désirs.

Et si grand que soit notre amour, il ne saurait te retarder ni nos désirs te retenir.

Pourtant, avant de nous quitter, nous te demandons de parler et de nous livrer un peu de ta vérité.

Afin que nous puissions la transmettre à nos enfants et ceux-ci aux leurs, ainsi cette vérité ne périra jamais.

Dans la solitude, tu accompagnais chacun de nos regards la long de nos jours, et dans tes veilles, tu écoutais nos rires et nos pleurs au coeur de notre sommeil.

A présent, révèle-nous à nous-mêmes et parles-nous de ce qui t'a été dévoilé, de tout ce qui mène du berceau au linceul. "

Et il répondit :

" Peuple d'Orphalèse, de quoi puis-je parler, si ce n'est ce qui se meut encore et toujours dans vos âmes ?"
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"Sur l'Amour"

Alors Almitra dit : "Parle-nous de l'Amour."
Puis il leva la tête et posa le regard sur le peuple, et le silence régna. Et avec sa formidable voix il dit :

"Quand l'Amour vous fait signe, suivez-le,

Bien que ses chemins soient escarpés et sinueux.

Et quand ses ailes vous étreignent, épanchez-vous en lui,

En dépit de l'épée cachée dans son plumage qui pourrait vous blesser.

Et quand il vous parle, croyez en lui,

Même si sa voix fracasse vos rêves, comme le vent du nord saccage les jardins.

Car comme l'amour vous coiffe d'une couronne, il peut aussi vous clouer sur une croix.

Et de même qu'il vous invite à croître, il vous incite à vous ébrancher.

Autant il s'élève au plus haut de vous-même et caresse les plus tendres de vos branches qui frémissent dans le soleil, 
Autant cherche-t-il à s'enfoncer au plus profond de vos racines et à les ébranler dans leurs attaches à la terre.

Pareilles à des brassées de blé il vous ramasse et vous enlace.

Il vous bat au fléau pour vous mettre à nu.

Il vous passe au tamis pour vous libérer de votre balle.

Il vous moud jusqu'à la blancheur.

Il vous pétrit au point de vous assouplir ;

Et puis il vous livre à son feu vénéré, afin que vous deveniez pain sacré pour le saint festin de Dieu.

Voilà tout ce que l'amour fera en vous afin que vous puissiez déceler les secrets de votre coeur, et devenir ainsi un fragment du coeur de la Vie.

Mais si dans votre crainte vous ne recherchiez que la paix et le plaisir de l'amour,

Alors il serait préférable pour vous de couvrir votre nudité, de quitter l'aire de battage de l'amour,

Et de vous retirer vers un monde sans saisons,

Où vous pourrez rire sans laisser jaillir tous les éclats de votre rire,

Où vous pourrez pleurer sans jamais libérer toute l'amertume de vos larmes.

L'amour ne donne rien que lui-même et ne prend rien que de lui-même.

L'amour ne peut posséder et ne peut être possédé ;

Car l'amour suffit à l'amour.

Quand vous aimez, ne dites pas : "Dieu est en mon coeur", mais plutôt : "Je suis dans le coeur de Dieu".

Et ne croyez pas que vous pouvez diriger le cours de l'amour, car si l'amour vous trouve digne, lui-même guidera votre coeur.

L'amour n'a point d'autre désir que de s'accomplir.

Mais si vous aimez et devez éprouver des désirs, que ceux-ci soient les vôtres :

Fondre en un ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.

Connaître la douleur d'un flot de tendresse.

Etre blessé par votre propre perception de l'amour ;

Et laisser couler votre sang volontairement et joyeusement.

Vous réveiller à l'aube avec un coeur ailé et rendre grâce à Dieu pour cette nouvelle journée d'amour ;

Vous reposer à midi et méditer sur l'extase de l'amour ;

Regagner votre foyer au crépuscule en remerciant le ciel ;

Puis vous endormir avec une prière pour l'être aimé en votre coeur et un chant de louanges sur vos lèvres."

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"Sur le Mariage"

Puis Al-Mitra reprit la parole et demanda : "Et qu'en est-t-il du Mariage, maître?"
Et il répondit en disant :

"Ensemble vous êtes nés, et ensemble vous vivrez à jamais.

Vous resterez ensemble quand les ailes blanches de la mort sèmeront vos jours à la volée.

Et toujours ensemble vous demeurerez, même dans la mémoire silencieuse de Dieu.

Mais sur votre chemin commun, créez des espaces et laissez-y danser les vents du firmament.

Aimez-vous l'un l'autre mais ne faites pas de l'amour une alliance qui vous enchaîne l'un l'autre :

Que l'amour soit plutôt une mer qui se laisse bercer entre vos âmes, de rivages en rivages.

Emplissez chacun la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à une seule et même coupe.

Partagez votre pain, mais du même morceau ne mangez point.

Chantez et dansez ensemble dans la joie, mais que chacun de vous soit seul,

Comme chacune des cordes du luth est seule alors qu'elles frémissent toutes sur la même mélodie.

Offrez l'un l'autre votre coeur, mais sans en devenir le possesseur.

Car seule la main de la Vie peut contenir vos coeurs.

Et dressez-vous côte à côte, mais pas trop près :

Car les piliers qui soutiennent le temple se dressent séparés,

Et le chêne ne s'élève pas dans l'ombre du cyprès. "

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"Sur les Enfants"

Et une femme qui tenait un bébé contre son sein dit : "Parle-nous des enfants".
Alors il répondit :

"Vos enfants ne sont pas vos enfants.

Ils sont les fils et les filles de la Vie qui a soif de vivre encore et encore.

Ils voient le jour à travers vous mais non pas à partir de vous,

Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne sont pas à vous.

Vous pouvez leur donner votre amour mais pas vos pensées.

Car ils pensent par eux-mêmes.

Vous pouvez accueillir leurs corps mais non leurs âmes,

Car leurs âmes habitent la demeure de demain, que vous ne pouvez visiter, même dans vos rêves.

Vous pouvez vous évertuer à leur ressembler, mais ne tentez pas de les rendre semblables à vous.

Car la vie ne va pas en arrière ni ne s'attarde avec hier.

Vous êtes les arcs par lesquels sont projetés vos enfants comme des flèches vivantes.

L'Archer prend pour ligne de mire le chemin de l'infini, et vous tend de toute Sa puissance pour que Ses flèches s'élancent avec vélocité et à perte de vue.

Et lorsque Sa main vous ploie, que ce soit alors pour la plus grande joie ;

Car de même qu'Il aime la flèche qui fend l'air, Il aime l'arc qui ne tremble pas."


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"Sur le Don"

Alors un homme riche dit : "Parle-nous du Don".
Et il répondit :

"Toujours maigre restera le don de la main.

Le don du coeur est le véritable bien.

Que sont vos biens, sinon des choses que vous gardez et défendez, par crainte du besoin du lendemain ?

Et demain, qu'apportera demain au chien si prudent qu'en suivant les pèlerins vers la cité sacrée, il enterre des os sans repères dans le sable du désert ?

Qu'est-ce que craindre de connaître le besoin, sinon vivre dans le besoin ?

Redouter d'haleter de soif, alors que votre puits regorge à foison, n'est-ce pas jamais savoir boire jusqu'à plus soif ?

Il y a ceux qui donnent peu de leur abondance - et ils le donnent pour le plaisir d'en recevoir la reconnaissance mais leur désir caché corrompt leur don.

Et il y a ceux qui ont peu, et le donnent entièrement.

Ceux-ci croient en la vie et en la bonté de la vie, leur fond n'est jamais vide.

Il en est qui donnent avec joie, et cette joie est leur récompense.

Et il en est qui donnent avec peine, et cette peine est leur baptême.

Il en est aussi qui donnent sans souffrir d'une peine, ni quérir une joie, mais encore sans être conscients de cette vertu;

Ceux-là donnent à l'instar de ce myrte qui exhale sa fragrance là-bas, dans les airs de la vallée.

A travers le geste de leurs mains, Dieu nous parle et sourit à la terre du fond de leurs prunelles.

Il est bien de donner à qui quémande, mais il est mieux de donner sans qu'on vous le demande, par compréhension ;

Et celui qui a le coeur sur la main en quête de celui qui est giflé par la main du destin,

Eprouve dans sa recherche une joie encore plus sublime que lorsqu'il fait don de ses biens.

Sauriez-vous réellement conserver à jamais ne fût-ce qu'un seul de vos biens ?

Tout ce que vous possédez, un jour ou l'autre, sera cédé;

Donnez donc maintenant afin que la moisson de votre don soit la vôtre, et non pas celle de vos héritiers.

Vous dites souvent : "Je donnerais volontiers, mais seulement à ceux qui en sont dignes".

Ce n'est point ce que disent les arbres de vos vergers, ni les troupeaux de vos pâturages.

Ils donnent afin de vivre, car retenir c'est pire.

Celui qui a été digne de recevoir le don de rester en vie, le long de ses jours et de ses nuits, est aussi digne de recevoir tout autre don émanant de vous.

Et celui qui a mérité de boire à l'océan de la vie, mérite de remplir sa coupe à votre ruisseau.

Est-il un mérite encore plus grand que celui qui réside dans le courage et la confiance, dans la charité même, de recevoir ?

Au nom de qui pourriez-vous contraindre les gens à se déchirer la poitrine et à se dépouiller de leur dignité,

Afin de vous laisser voir la mise à nu de leurs valeurs et leur fierté sans pudeur ?

Veillez d'abord à mériter de donner, et d'être l'instrument du don.

Car en vérité c'est la vie qui donne à la vie - et vous qui croyez être la source du don, vous n'en êtes que témoins.

Quant à vous qui recevez - et vous tous vous recevez - que la reconnaissance ne vous pèse guère, sinon vous risqueriez d'imposer un joug à vous-même et à vos bienfaiteurs.

Elevez-vous plutôt ensemble, comme si leurs dons étaient des ailes;

Etre trop soucieux de vos dettes, c'est douter de leur générosité qui a la terre magnanime pour mère, et Dieu pour père".



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"Sur le Manger et le Boire"

Alors un vieil homme, tenancier d'une auberge, dit : "Parle-nous du Manger et du Boire".
Et il répondit :

"Si seulement vous pouviez vivre des senteurs de la terre, et telle une plante vous sustenter de lumière.

Mais comme vous devez tuer pour manger, et ravir au nouveau-né le lait de sa mère pour étancher votre soif, faites-en donc un acte de dévotion,

Et que votre table soit un autel sur lequel le pur et l'innocent de la forêt et de la plaine sont sacrifiés pour ce qui est encore plus pur et plus innocent en l'homme.

Lorsque vous tuez une bête, dites-lui en votre coeur :

"Par la même puissance qui t'immole, je serai immolé ; et moi aussi je serai avalé. Car la loi qui t'a livrée à moi me remettra entre des mains plus puissantes. Ton sang et mon sang ne sont rien d'autre que la sève qui nourrit l'arbre céleste".

Et lorsque vous croquez une pomme, apaisez ses morsures par ces murmures de votre coeur :

"Ta chair vivra dans mon corps, et les bourgeons de tes lendemains fleuriront dans mon coeur, ton effluve sera mon souffle, et ensemble nous nous réjouiront dans la ronde des saisons".

A l'automne, quand vous cueillez le raisin de vos vignes pour le pressoir, dites dans votre coeur :

"Moi aussi, je suis une vigne et mon fruit sera cueilli pour le pressoir, et pareil au vin nouveau je serai gardé dans d'éternelles jarres."

Et en hiver, lorsque vous tirez le vin, que s'élève en votre coeur un chant pour chaque verre ;

Et que résonne dans chaque note une pensée pour les jours des vendanges, pour la vigne, et pour le pressoir."



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"Sur le Travail"

Puis un laboureur dit : "Parle-nous de Travail".
Et il répondit, en disant :

"Vous travaillez pour vous maintenir au diapason de la terre et de l'âme de la terre.

Car être oisif c'est devenir étranger aux saisons, et s'écarter de la procession de la vie qui marche avec majesté et fière soumission vers l'infini.

Quand vous travaillez, vous êtes une flûte, où, à travers son coeur, les soupirs de vos heures se métamorphosent en mélodie.

Qui parmi vous souhaiterait rester tel un roseau vierge de son, alors qu'autour de vous tout chante à l'unisson ?

Il vous a toujours été dit que le travail est malédiction et le labeur un malheur.

Mais moi je vous dis que quand vous travaillez vous oeuvrer à réaliser une parcelle du rêve le plus ancien de la terre, qui vous fut attribué quand naquit ce rêve,

Et vivre en harmonie avec le travail c'est en vérité aimer la vie,

Et aimer la vie à travers le travail c'est être initié au secret le plus intime de la vie.

Mais si dans votre douleur vous appelez la naissance une affliction et le poids de la chair une malédiction inscrite sur votre front, alors sachez que seule la sueur de votre front pourra laver ce qui y est inscrit."

Il vous a été dit aussi que la vie n'est que ténèbre, et à chaque fois que vous soupirez de lassitude, vous le répétez tout bas, en vous faisant l'écho de ceux qui avant vous ont été las.

Or moi je vous dit que la vie est ténèbre si elle n'est pas animée par un élan,

Et tout élan est aveugle s'il n'est pas guidé par le savoir,

Et tout savoir est vain s'il n'est pas accompagné de labeur,

Et tout labeur est futile s'il n'est pas accompli avec amour ;

Et quand vous travaillez avec amour vous resserrez vos liens avec vous-même, avec autrui, et avec Dieu."

Et qu'est-ce que travailler avec amour ?

C'est tisser un vêtement avec des fils tirés de votre coeur, comme si votre bien-aimée devait le porter.

C'est construire une maison avec affection, comme si votre bien-aimée devait y habiter.

C'est semer des graines avec tendresse et récolter la moisson avec joie, comme si votre bien-aimée devait en manger le fruit.

C'est insuffler en toutes choses que vous façonnez un zéphyr de votre esprit,

Et savoir que tous les morts bienheureux se tiennent auprès de vous et vous regardent.

Je vous ai souvent entendu répéter, comme si vous balbutiiez dans votre sommeil : "Celui qui travaille le marbre, et découvre la forme de son âme dans la pierre, est plus noble que celui qui travaille la terre.

Et celui qui saisit l'arc-en-ciel et parvient à le coucher sur sa toile sous forme de portrait d'homme, est plus honorable que celui qui fabrique des sandales pour nos pieds."

Mais je vous réponds, non pas dans mon sommeil mais au zénith de mon éveil, que le vent ne murmure pas au chêne géant des mots plus caressants que ceux qu'il adresse au plus frêle des brins d'herbe;

La grandeur réside en celui qui transforme la voix du vent en une mélodie rendue plus suave par son propre amour."

Le travail est l'amour rendu visible.

Et si vous ne pouvez travailler avec amour mais seulement avec répugnance, mieux vaut abandonner votre travail et vous asseoir à la porte du temple, demandant l'aumône à ceux qui oeuvrent avec joie.

Car si vous pressez le pain avec indifférence, votre pain sera amer et n'assouvira qu'à moitié la faim de l'homme.

Et si vous pressez les grappes de raisin à contre-coeur, vous distillerez le poison de votre rancoeur dans le vin.

Et même si vous chantez comme des anges, sans être pour autant passionné de chant, vous rendrez l'homme sourd aux voix de jour et aux voix de la nuit."

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Sur la Joie et la Peine

Alors une femme dit : "Parle-nous de la Joie et de la Peine".
Et il répondit :

Votre joie est votre tristesse sans masque.

Et ce même puits d'où jaillit votre rire fut souvent rempli de vos larmes.

Et comment en serait-il autrement ?

Plus profondément la tristesse creusera dans votre être, plus abondamment vous pourrez le combler de joie.

La coupe fraîche qui contient votre vin n'est-elle pas celle-là même qui fut brûlante dans le four du potier ?

Et le luth qui apaise votre esprit, n'est-il pas ce même bois qui fut taillé à coups de couteau ?

Quand vous éprouvez de la joie, sondez votre coeur et vous trouverez que seul ce qui dans le passé vous a causé de la peine fait à présent votre bonheur.

Dès lors que la tristesse vous envahit, sondez de nouveau votre coeur et vous verrez qu'en vérité vous pleurez sur ce qui autrefois vous a rendu heureux.

Certains d'entre vous disent : "La joie est plus grande que la tristesse", et d'autres de soutenir : "Non, la tristesse est plus grande que la joie."

Mais moi je vous dis, qu'elles sont inséparables.

Elles marchent ensemble, et quand l'une vient s'attabler seule avec vous, n'oubliez pas que l'autre s'est assoupie sur votre lit.

En vérité vous êtes comme les plateaux d'une balance, oscillant entre votre joie et votre tristesse.

Il faudrait que vous soyez vide pour rester immobile et en équilibre.

Lorsque le gardien du trésor vous soulève pour peser son argent et son or, vous ne pouvez empêcher votre joie ou votre tristesse de faire pencher la balance".




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Sur Les Maisons

Puis un maçon s'avança et dit : "Parle-nous des Maisons".
Et il répondit et dit alors :

" Construisez de votre imagination un berceau de verdure dans les terres reculées avant que vous ne bâtissiez vos quatre murs dans l'enceinte de la cité.

Car comme au crépuscule de votre vie, vous souhaiteriez retrouver la demeure première, cet errant en vous à jamais solitaire et lointain, brûle lui aussi de retourner à son aube.

Votre maison est votre plus grand corps.

Au soleil elle s'épanouit et dans ses rêves elle s'évade la nuit ; Douteriez-vous que votre maison puisse en rêvant quitter la ville au clair de lune pour rejoindre bosquets et sommets ?

Ah, si je pouvais recueillir vos maisons dans ma main et, comme des poignées de semailles, les lancer sur les prés et les forêts !

Et si les sentiers devenaient vos rues, et les vallées vos avenues, ainsi vous pourriez aller à la rencontre des uns et des autres à travers champs et vignes, puis revenir le soir avec les senteurs de la terre dans vos habits.

Mais cela n'est pas encore prêt à se réaliser.

Dans leur crainte vos ancêtres vous ont rassemblés trop près les uns des autres. Et cette crainte ne se dissipera pas d'ici peu. Et les murs de vos villes sépareront encore et encore vos coeurs de vos champs.

Dites-moi, peuple d'Orphalèse, qu'avez-vous dans vos foyers ? Et que gardez-vous derrière vos portes verrouillées ?

Avez-vous la paix, cet élan serein qui révèle votre pouvoir ?

Avez-vous des souvenirs, ces lueurs en arcade qui coiffent les cimes de l'esprit ?

Avez-vous la beauté, ce chemin qui conduit votre coeur à travers les objets de bois et de pierre jusqu'à la montagne sacrée ?

Dites-moi, avez-vous tout cela dans vos maisons ?

Ou plutôt n'avez-vous rien d'autre que le confort, cet amour du corps pour le confort, qui rampe pour franchir votre porte en invité et devient votre hôte, puis vous reçoit en maître ?

Et le voici dompteur qui, avec fourche et fouet, vous tire par les fils de vos amples désirs pour en faire des pantins.

Si sa main est de soie, son coeur est de pierre.

Il vous berce jusqu'au sommeil uniquement pour rester devant votre lit et pour mieux railler la dignité de votre chair.

Il se moque de vos cinq sens et, tels des vases fragiles, les dépose dans le duvet du chardon.

En vérité, l'amour du corps pour le confort assassine la passion de l'âme, puis marche en ricanant derrière son cortège funèbre.

Mais vous, enfants de l'espace, qui ne cessez d'agir, même dans le repos de vos soupirs, vous ne serez point piégés ni domptés.

Votre maison ne sera pas une ancre mais un mât.

Elle ne sera pas un tissu moiré qui couvre une plaie, mais une paupière qui protège l'oeil.

Vous n'aurez point à replier vos ailes afin de franchir ses portes, ni à courber la tête pour éviter son plafond, et ni même à retenir votre souffle de peur de voir ses murs se lézarder et s'écrouler.

Vous n'habiterez point des tombes creusées par les morts pour les vivants.

Et même si son intérieur est luxe et splendeur, votre maison ne saura garder votre secret ni recueillir vos désirs.

Car l'intimité en vous, hôtes et éthers, habite le palais du ciel, dont la porte est la brume du matin, les fenêtres chants de la nuit, et les lucarnes silences."



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Sur Les Vêtements

Et un tisserand dit : "Parle-nous des Vêtements".
Et il répondit :

"Vos vêtements cachent une grande part de la beauté de votre corps, mais ne peuvent dissimuler ce qui n'est point beau.

Et bien que vos vêtements vous procurent la liberté de l'intimité, ils risqueraient de vous harnacher et de vous enchaîner.

Puissiez-vous aller à la rencontre du soleil et du vent la peau respirant plus de lumière et le corps effleurant moins de vêture,

Car le souffle de la vie est dans les regards du soleil, et la main de la vie est dans les caresses du vent.

Certains d'entre vous disent : "C'est le vent du nord qui a tissé les vêtements que nous portons".

Et moi je leur dis : "Certes, c'est le vent du nord ; mais il effile le tissu ramolli de vos nerfs pour tisser de quoi couvrir votre honte.

Et dès lors que son ouvrage est achevé, il se met à rire aux éclats dans la forêt".

N'oubliez pas que la pudeur sert d'armure contre l'oeil de l'impur.

Et quand l'impur n'est plus, que devient la pudeur sinon un carcan pour le corps et une souillure pour l'esprit ?

Et n'oubliez pas non plus que la terre rêve de toucher la plante de vos pieds et que les vents languissent de caresser le velours de votre corps et de jouer avec votre chevelure".


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Sur l'Achat et la Vente

Et un marchant dit : "Parle-nous de l'Achat et de la Vente".
Et il répondit et dit :

"C'est pour vous que la terre porte ses fruits, et vous ne serez jamais dans le besoin, si vous savez comment emplir vos mains.

Echangez les présents de la terre, ils vous seront alors multipliés et vous en serez comblés.

Si cet échange ne s'accomplit ni dans l'amour ni dans la justice bienveillante, certains d'entre vous deviendront âpres au gain et d'autres en proie à la faim.

Quand vous, travailleurs de la mer, de la terre et des vignes, rencontrerez sur la place du marché vous autres tisserands, potiers et récolteurs d'épices,

Invoquez tous ensemble le maître esprit de la terre, afin qu'il se manifeste parmi vous et sanctifie vos balances et vos prix, accordant à chaque valeur sa juste valeur.

Et ne laissez pas prendre part à vos transactions ceux qui ont les mains stériles, car ils chercheront à vous vendre leurs paroles en retour de votre labeur.

A de tels hommes vous devriez dire :

"Venez avec nous aux champs, ou partez en mer avec nos frères et jetez-y vos filets ;

Car la terre et la mer seront généreuses envers vous comme elles le sont envers nous".

Approchez-vous de ces chanteurs et de ces danseurs, et arrêtez-vous un instant près de ces joueurs de flûte, ayez donc le plaisir d'acheter de leur désir d'offrir.

Car eux aussi cueillent des fruits et récoltent de l'encens, et bien que leurs présents soient façonnés de rêves, ils sont parures et nourritures pour votre âme.

Et avant de vous séparer sur la place du marché, veillez à ce que nul ne reparte les mains vides.

Car le maître esprit de la terre ne peut trouver le repos sur les ailes du vent tant que les besoins du plus humble parmi vous n'auront été assouvis".


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Le crime et les chatiments

Alors un des juges de la cité se leva et dit, Parle-nous du Crime et du Châtiment.
Et il répondit, disant :

C'est quand votre esprit erre au gré du vent,

Que vous, seul et imprudent, causez préjudice à autrui et par conséquent à vous-même.

Et pour ce préjudice, vous devez frapper et attendre dans le dédain à la porte des élus.

Comme l'océan est votre moi-divin ;

Il demeure à jamais immaculé.

Et comme l'éther il ne soulève que ceux qui ont des ailes.

Comme le soleil est votre moi-divin ;

Il ne sait rien des tunnels de la taupe, ni ne cherche dans les trous des serpents.

Mais votre moi-divin ne réside pas seul dans votre être.

Beaucoup en vous est encore humain, et beaucoup en vous n'est pas encore humain,

Mais comme un nain informe qui marche endormi dans la brume, à la recherche de son propre éveil.

Et de l'humain en vous je voudrais parler maintenant.

Car c'est lui et non votre moi-divin, ni le nain dans la brume, qui connaît le crime et le châtiment du crime.

Souvent je vous ai entendu parler de celui qui a commis une faute comme s'il n'était pas l'un de vous, mais un étranger parmi vous et un intrus dans votre monde.

Mais je vous le dis, de même que le saint et le juste ne peuvent s'élever au-dessus de ce qu'il y a de plus élevé en chacun d'entre nous,

De même, le malin et le faible ne peuvent sombrer aussi bas que ce qu'il y a aussi en nous de plus vil.

Et de même qu'une seule feuille ne jaunit qu'avec l'assentiment silencieux de l'arbre tout entier,

Le fautif ne peut commettre de fautes sans la volonté secrète de vous tous.

Comme une procession, vous marchez ensemble vers votre moi-divin.

Vous êtes le chemin et les voyageurs.

Et lorsque l'un de vous chute, il chute pour ceux qui sont derrière lui, les prévenant de la pierre qui l'a fait trébucher.

Oui, et il tombe pour ceux qui sont devant lui qui, bien qu'ayant le pied plus agile et plus sûr, n'ont cependant pas écarté la pierre.

Et ceci encore, dussent ces mots peser lourdement sur vos cœurs :

Le meurtre n'est pas inexplicable pour celui qui en est la victime.

Et celui qui a été dérobé n'est pas irréprochable d'avoir été volé.

Et le juste n'est pas innocent des méfaits du méchant,

Et celui dont les mains sont pures n'est pas intact des actes du félon.

Oui, le coupable est souvent la victime de celui qu'il a blessé.

Et plus souvent encore, le condamné porte le fardeau de l'innocent et de l'irréprochable.

Vous ne pouvez séparer le juste de l'injuste et le coupable de l'innocent ;

Car ils se tiennent unis devant la face du soleil, comme le fil noir et blanc tissés ensemble.

Et quand le fil noir rompt, le tisserand examine le tissu tout entier, ainsi que son métier.

Si l'un d'entre vous mène devant le juge la femme infidèle,

Qu'il mette aussi en balance le cœur de son mari, et mesure son âme avec circonspection.

Et que celui qui voudrait fouetter l'offenseur, considère l'âme de celui qui est offensé.

Si l'un de vous punit au nom de la droiture et plante sa hache dans l'arbre tordu, qu'il en regarde les racines ;

Et en vérité, il trouvera les racines du bien et du mal, du fécond et du stérile, entremêlées ensemble dans le cœur silencieux de la terre.

Et vous, juges qui voulez être justes.

Quel jugement prononcez-vous à l'encontre de celui qui, bien qu'honnête en sa chair est voleur en esprit ?

Quelle sanction imposez-vous à celui qui tue dans la chair alors que son propre esprit a été tué ?

Et comment poursuivez-vous celui qui dans ses actes trompe et oppresse,

Mais qui est lui-même affligé et outragé ?

Et comment punirez-vous ceux pour qui le remords est déjà plus grand que leurs méfaits ?

Le remords n'est-il pas la justice rendue par cette loi même que vous voulez servir ?

Cependant, vous ne pouvez pas infliger le remords à l'innocent ni en libérer le cœur du coupable.

Inconsciemment il appellera dans la nuit, afin que les hommes se réveillent et se considèrent.

Et vous qui voulez comprendre la justice, comment le ferez-vous sans regarder toutes choses en pleine lumière ?

Alors seulement vous saurez que l'homme droit et le déchu sont un seul homme debout dans le crépuscule, entre la nuit de son moi-nain et le jour de son moi-divin.

Et que la clef de voûte du temple n'est pas plus haute que la pierre la plus profonde de ses fondations.


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Les lois


Puis un juriste dit, Mais qu'en est-il des nos Lois, maître ?

Et il répondit :

Vous vous délectez à établir des lois,

Mais vous éprouvez un délice plus grand encore à les violer.

Tels des enfants jouant au bord de l'océan, qui construisent avec persévérance des châteaux de sable, puis les détruisent en riant.

Mais pendant que vous construisez vos châteaux de sable, l'océan apporte d'avantage de sable à la plage,

Et quand vous les détruisez, l'océan rit avec vous.

En vérité, l'océan rit toujours avec l'innocent.

Mais que dire de ceux pour qui la vie n'est pas un océan, et pour qui les lois humaines ne sont pas des châteaux de sable,

Mais pour qui la vie est une roche, et la loi un ciseau avec lequel ils voudraient la tailler à leur propre image ?

Que dire du paralysé qui hait les danseurs ?

Que dire du bœuf qui aime son joug, et pour qui l'élan et le daim de la forêt sont des choses égarées et vagabondes ?

Que dire du vieux serpent qui ne peut plus perdre sa peau, et pour qui tous les autres sont nus et sans pudeur ?

Et de celui qui arrive le premier à la fête du mariage et qui, repu et fatigué, s'en va clamant que toutes les fêtes sont des forfaitures et les convives des hors-la-loi ?

Que dirais-je d'eux sinon qu'ils se tiennent aussi dans la lumière, mais tournent le dos au soleil ?

Ils ne voient que leurs ombres, et leurs ombres sont leurs lois.

Et que signifie le soleil pour eux, si ce n'est ce qui projette les ombres ?

Et qu'est-ce que reconnaître les lois, sinon se baisser et tracer leurs ombres sur le sol ?

Mais vous qui marchez face au soleil, quelles images dessinées sur le sol peuvent vous arrêter ?

Vous qui voyagez avec le vent, quelle girouette dirigera votre course ?

Quelle loi de l'homme vous contraindra, si vous ne brisez votre joug sur aucune porte de prison faite par l'homme ?

Quelle loi craindrez-vous, si vous dansez et ne trébuchez sur aucune chaîne de fer forgée par l'homme ?

Et qui pourra vous mener en justice, si vous arrachez vos vêtements et ne les laissez dans aucun chemin tracé par l'homme ?

Peuple d'Orphalese, vous pouvez assourdir le tambour, et relâcher les cordes de la lyre, mais qui pourra interdire à l'alouette de chanter ?


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La Liberté

Et un orateur dit, Parle-nous de la Liberté.
Et il répondit : Je vous ai vu vous prosterner aux portes de la cité et dans vos foyers, et vous vouer au culte de votre propre liberté, Comme les esclaves qui s'humilient devant un tyran et le louent, alors qu'il les anéantit. Oui, dans le bosquet du temple et dans l'ombre de la citadelle, j'ai vu les plus libres d'entre vous porter leur liberté comme un joug ou des menottes. Et mon cœur saigna en moi ; car vous ne pouvez être libre lorsque vous forgez une chaîne du désir même de la liberté, et quand vous ne cessez de parler de la liberté comme d'un but et un accomplissement.

Vous serez libre en vérité non pas quand vous jours seront sans tourments et vos nuits sans un désir ou un chagrin, Mais d'avantage quand ces choses étrangleront votre vie, et que pourtant vous vous élèverez au-dessus d'elles, nu et sans entraves. Et comment vous élèverez-vous au-delà de vos jours et de vos nuits, à moins que vous ne rompiez les chaînes que vous-même, à l'aurore de votre entendement, avez fixé autour de votre âge mûr ?

En vérité ce que vous appelez liberté est la plus solide de ces chaînes, bien que ses anneaux scintillent au soleil et éblouissent vos yeux. Et à quoi voulez-vous renoncer dans votre quête de la liberté, si ce n'est à des parcelles de vous même ? S'il existe une loi injuste que vous voudriez abolir, cette loi fut écrite de votre propre main sur votre propre front. Vous ne pouvez l'effacer en brûlant vos tables de la loi, ni en lavant le front de vos juges, même si vous déversiez sur eux la mer toute entière.

Et s'il existe un despote que vous voudriez détrôner, voyez d'abord si l'image de son trône érigée en vous est détruite. Car comment le tyran peut-il régner sur les affranchis et les fiers, s'il n'existe une tyrannie dans leur propre liberté et une honte dans leur propre fierté ?

Et s'il existe un tourment que vous voudriez dissiper, le siège de cette crainte est dans votre cœur et non dans la main du tourment. Vraiment, toutes les choses se meuvent dans votre être en une continuelle étreinte fatale ; ce que vous désirez et ce que vous redoutez, ce qui vous attire et ce qui vous répugne, ce que vous poursuivez et ce que vous voulez fuir.

Ces choses se meuvent en vous comme la lumière et l'ombre, en couples enlacés. Et quand l'ombre se dissipe et disparaît, la lumière qui persiste devient l'ombre d'une autre lumière.

Et telle est votre liberté qui, quand elle perd ses entraves, devient l'entrave d'une plus grande liberté.


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La raison et la passion




Et la prêtresse parla à nouveau et dit, Parlez-nous de la Raison et de la Passion.
Et il répondit, disant :

Votre âme est souvent un champ de bataille au sein duquel votre raison et votre jugement luttent contre votre passion et votre instinct.

Puissé-je être l'émissaire de paix de votre âme, et transformer la discorde et la rivalité de ce qui vous constitue en unité et mélodie.

Mais comment le pourrais-je, à moins que vous-même ne soyez l'émissaire de paix, plus encore, l'ami intime de ce qui vous fonde ?

Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme qui navigue de port en port.

Si votre gouvernail ou vos voiles se brisent, vous ne pouvez qu'être ballottés et aller à la dérive, ou rester ancrés au milieu de la mer.

Car la raison, régnant seule, est une force qui brise tout élan ; et la passion, livrée à elle-même, est une flamme qui se consume jusqu'à sa propre extinction.

Aussi, laissez votre âme exalter votre raison jusqu'aux hauteurs de la passion, de sorte qu'elle puisse chanter ;

Et laissez la diriger votre passion avec raison, afin que la passion puisse vivre au travers de son incessante résurrectionn, et tel le phœnix renaître de ses propres cendres.

Je voudrais que vous considériez votre jugement et votre instinct ainsi que vous le feriez dans votre maison de deux hôtes bien aimés.

Vous ne voudriez certainement pas honorer un hôte plus que l'autre ; car celui qui porte plus d'attention à l'un perd l'amour et la confiance de tous les deux.

Lorsque parmi les collines, vous êtes assis à l'ombre fraîche des peupliers blancs, partageant la paix et la sérénité des champs et des prairies qui s'étendent au loin - alors laissez votre cœur dire en silence, "Dieu se repose en la raison".

Et quand la tempête arrive, et qu'un vent fort secoue la forêt, et que le tonnerre et l'éclair proclament la majesté des cieux - alors laissez votre cœur dire avec respect, "Dieu agit dans la passion".

Et puisque vous êtes un souffle dans la sphère de Dieu, et une feuille dans la forêt de Dieu, vous devez reposer en la raison, et agir avec passion.


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La souffrance


Une femme dit, Parle nous de la Souffrance.

Il répondit :

Votre douleur est l'éclatement de la coquille qui enferme votre entendement.

De même que le noyau doit se fendre afin que le coeur du fruit se présente au soleil, ainsi devrez-vous connaître la Souffrance.

Si vous saviez garder votre coeur émerveillé devant les miracles quotidiens de votre vie, votre douleur ne vous paraîtrait pas moins merveilleuse que votre joie;

Vous accepteriez les saisons de votre coeur, comme vous avez toujours accepté les saisons qui passent sur vos champs,

Et vous veilleriez avec sérénité durant les hivers de vos chagrins.

Une grande part de votre douleur a été choisie par vous.

C'est la potion amère avec quoi le médecin en vous guérit votre moi malade.

Faites confiance, alors, au médecin, et buvez son remède calmement et en silence.

Car sa main, si lourde et si rude soit-elle, est guidée par la tendre main de l'Invisible,

Et la coupe qu'il vous tend, bien qu'elle brûle vos lèvres, a été façonnée d'une argile que le Potier a imprégnée de Ses larmes sacrées.


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La connaissance de soi

Un homme dit, Parle-nous de la Connaissance de soi.
Il répondit :

Vos coeurs connaissent en silence les secrets des jours et des nuits.

Mais vos oreilles se languissent d'entendre la voix de la connaissance en vos coeurs.

Vous voudriez savoir avec des mots ce que vous avez toujours su en pensée.

Vous voudriez toucher du doigt le corps nu de vos rêves.

Et il est bon qu'il en soit ainsi.

La source secrète de votre âme doit jaillir et couler en chuchotant vers la mer,

Et le trésor de vos abysses infinis se révéler à vos yeux.

Mais qu'il n'y ait point de balance pour peser votre trésor inconnu,

Et ne sondez pas les profondeurs de votre connaissance avec tige ou jauge,

Car le soi est une mer sans limites ni mesures.

Ne dites pas: "J'ai trouvé la vérité", mais plutôt: "J'ai trouvé une vérité".

Ne dites pas: "J'ai trouvé le chemin de l'âme". Dites plutôt: "J'ai rencontre l'âme marchant sur mon chemin".

Car l'âme marche sur tous les chemins.

L'âme ne marche pas sur une ligne de crête, pas plus qu'elle ne croit tel un roseau.

L'âme se déploie, comme un lotus aux pétales innombrables.


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L enseignement



Puis un maître dit, Parle-nous de l'Enseignement.
Il répondit :

Personne ne peut vous apprendre quoi que ce soit qui ne repose déjà au fond d'un demi-sommeil dans l'aube de votre connaissance.

Le maître qui marche parmi les disciples, à l'ombre du temple, ne donne pas de sa sagesse, mais plutôt de sa foi et de sa capacité d'amour.

S'il est vraiment sage, il ne vous invite pas à entrer dans la demeure de sa sagesse. Il vous conduit jusqu'au seuil de votre esprit.

L'astronome peut vous parler de son entendement de l'espace. Il ne peut vous donner son entendement.

Le musicien peut vous interpréter le rythme qui régit tout espace. Il ne peut vous donner l'ouïe qui capte le rythme, ni la voix qui lui fait écho.

Celui qui est versé dans la science des nombres peut décrire les régions du poids et de la mesure. Il ne peut vous y emmener.

Car la vision d'un être ne prête pas ses ailes à d'autres,

De même que chacun de vous se tient seul dans la connaissance de Dieu, chacun de vous doit demeurer seul dans sa connaissance de Dieu et dans son entendement de la terre.


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L amitie



Et un jeune dit, Parle-nous de l'Amitié.
Et il répondit, disant :

Votre ami est votre besoin qui a trouvé une réponse.

Il est le champ que vous semez avec amour et moissonnez avec reconnaissance.

Il est votre table et votre foyer.

Car vous venez à lui avec votre faim, et vous cherchez en lui la paix.

Lorsque votre ami parle de ses pensées vous ne craignez pas le "non" de votre esprit, ni ne refusez le "oui".

Et quand il est silencieux votre cœur ne cesse d'écouter son cœur ;

Car en amitié, toutes les pensées, tous les désirs, toutes les attentes naissent et sont partagés sans mots, dans une joie muette.

Quand vous vous séparez de votre ami, ne vous désolez pas ;

Car ce que vous aimez en lui peut être plus clair en son absence, comme la montagne pour le randonneur est plus visible vue de la plaine.

Et qu'il n'y ait d'autre intention dans l'amitié que l'approfondissement de l'esprit.

Car l'amour qui cherche autre chose que la révélation de son propre mystère n'est pas l'amour, mais un filet jeté au loin : et ce que vous prenez est vain.

Et donnez à votre ami le meilleur de vous-même.

Et s'il doit connaître le reflux de votre marée, laissez le connaître aussi son flux.

Car qu'est-ce que votre ami si vous venez le voir avec pour tout présent des heures à tuer ?

Venez toujours le voir avec des heures à faire vivre.

Car il est là pour remplir vos besoins, et non votre néant.

Et dans la tendresse de l'amitié qu'il y ait le rire et le partage des plaisirs.

Car dans la rosée de menues choses le cœur trouve son matin et sa fraîcheur.


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La parole

Puis un érudit dit, Parle-nous de la Parole.
Et il répondit, disant :

Vous parlez quand vous cessez d'être en paix avec vos pensées ;

Et quand vous ne pouvez d'avantage demeurer dans la solitude de votre cœur vous venez vivre dans vos lèvres, et leur son devient un divertissement et un passe-temps.

Dans bien de vos paroles, la pensée est à moitié massacrée.

Car la pensée est un oiseau de l'espace, qui dans une cage de mots peut certes déplier ses ailes, mais ne peut voler.

Il y a ceux parmi vous qui recherchent le bavard de peur d'être seul.

Le silence de la solitude révèle à leurs yeux leur moi dans sa nudité et ils voudraient s'enfuir.

Et il y a ceux qui parlent et qui, sans le savoir et sans le préméditer, révèlent une vérité qu'ils ne comprennent pas eux-mêmes.

Et il y a ceux qui recèlent la vérité en eux, mais qui ne la disent pas avec des mots.

Au sein de tels êtres, l'esprit demeure dans le battement du silence.

Quand vous rencontrez votre ami sur le bord de la route ou sur la place publique, laissez votre esprit animer vos lèvres et diriger votre langue.

Laissez la voix de votre voix parler à l'oreille de son oreille ;

Car son âme retiendra la vérité de votre cœur, comme le goût du vin persiste dans la bouche,

Alors que sa couleur est oubliée, et que le flacon n'est plus.


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Le temps


Et l'astronome dit, Maître, qu'en est-il du Temps ?

Et il répondit :

Vous voudriez mesurer le temps, qui est infini et incommensurable.

Vous voudriez ajuster votre conduite et même diriger la course de votre esprit en fonction des heures et des saisons.

Du temps vous voudriez faire un fleuve, sur la berge duquel vous seriez assis pour le regarder couler.

Pourtant, ce qui est éternel en vous connaît l'éternité de la vie,

Et il sait qu'hier n'est que le souvenir d'aujourd'hui et que demain est son rêve.

Et que ce qui en vous chante et s'émerveille réside encore au sein du premier instant qui dispersa les étoiles dans l'univers.

Qui parmi vous ne ressent point que son pouvoir d'aimer est sans limites ?

Et pourtant qui ne ressent pas cet amour même, bien que sans limites, concentré au centre de son être, et n'errant pas de pensée d'amour en pensée d'amour, ni de geste d'amour en geste d'amour ?

Le temps n'est-il pas comme l'amour, indivisible et sans repos ?

Mais si dans vos pensées vous devez mesurer le temps en saisons, que chaque saison encercle toutes les autres saisons.

Et qu'aujourd'hui étreigne le passé dans le souvenir, et le futur dans le désir


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Le bien et le mal



Et un des aïeux de la cité dit, Parle-nous du Bien et de Mal.
Et il répondit :

Du bien en vous je puis parler, mais non de ce qui est mal.

Car qu'est-ce que le mal sinon le bien torturé par sa propre faim et sa propre soif ?

En vérité, quand le bien est affamé, il recherche la nourriture même dans les grottes obscures, et quand il a soif il se désaltère même dans des eaux mortelles.

Vous êtes bon quand vous êtes unis avec vous-même.

Pourtant, vous n'êtes pas mauvais quand vous n'êtes pas uni avec vous-même.

Car une maison divisée n'est pas un repaire de voleurs, elle n'est qu'une maison divisée.

Et un navire sans gouvernail peut dériver sans but près d'îles dangereuses, mais ne pas sombrer.

Vous êtes bon quand vous vous efforcez de donner de vous-même.

Pourtant, vous n'êtes pas mauvais quand vous cherchez le profit pour vous-même.

Car quand vous cherchez le profit vous n'êtes qu'une racine qui s'agrippe à la terre et tête à son sein.

Certainement, le fruit ne peut dire à la racine, "Soit à mon image, plein et mûr et toujours généreux de ton abondance".

Car pour le fruit, donner est une nécessité, et recevoir est une nécessité pour la racine.

Vous êtes bon quand vous êtes pleinement conscients dans votre parole.

Pourtant, vous n'êtes point mauvais quand vous êtes endormi alors que votre langue titube sans but.

Et même un discours chancelant peut fortifier une langue faible.

Vous êtes bon quand vous marchez vers votre but fermement et d'un pas hardi.

Pourtant, vous n'êtes point mauvais quand vous y allez en boitant.

Même celui qui boite ne va pas à reculons.

Mais vous qui êtes forts et rapides, veillez à ne pas boiter devant les estropiés en croyant être gentil.

Vous êtes bon d'innombrables manières et vous n'êtes point mauvais quand vous n'êtes pas bon.

Vous ne faites que musarder et paresser.

Quel malheur que les cerfs ne puissent donner leur promptitude aux tortues.

Votre bonté réside dans votre aspiration envers votre moi-géant : et cette aspiration existe en vous tous.

Mais en certain d'entre vous, cette aspiration est un torrent qui se rue puissamment vers la mer, emportant les secrets des coteaux et les chants de la forêt.

Et en d'autres, elle est un ruisseau paisible qui se perd en méandres et en détours et s'attarde avant d'atteindre le rivage.

Mais que ceux chez qui l'aspiration brûle ne disent pas à ceux chez qui elle est faible, "Pourquoi es-tu lent et hésitant ?".

Car celui qui est vraiment bon ne demande pas à celui qui est nu, "Où sont tes vêtements ?", ni au sans logis, "Qu'est devenue ta maison ?"



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La priere


Puis une prêtresse dit, parle-nous de la Prière.
Et il répondit, disant :

Vous priez quand vous êtes dans la détresse et le besoin ; puissiez-vous également prier dans la plénitude de votre joie et en vos jours d'abondance.

Car qu'est-ce que la prière sinon la dilatation de votre être dans l'éther de la vie ?

Et si c'est pour votre réconfort que vous déversez votre trouble dans l'espace, c'est aussi pour votre plaisir que vous répandez l'aurore de votre cœur.

Et si vous ne pouvez que pleurer quand votre âme vous appelle à la prière, elle devrait vous aiguillonner encore et encore, en dépit de vos pleurs, jusqu'à ce que vienne en vous le rire.

Quand vous priez, vous vous élevez dans les airs à la rencontre de ceux qui sont en train de prier en ce même instant, et que vous n'auriez jamais rencontré en dehors de la prière.

Aussi, que votre visite en ce temple invisible ne soit qu'extase et tendre communion.

Car si vous entrez dans le temple sans autre but que de demander, vous n'obtiendrez rien :

Et si vous y entrez pour vous mortifier, vous ne serez pas élevé :

Ou même si vous y entrez pour solliciter le bonheur pour les autres, vous ne serez pas entendu.

Il suffit d'entrer dans le temple invisible.

Je ne puis vous apprendre comment prier avec des mots.

Dieu n'écoute point vos mots, sauf lorsque Lui-même les prononce à travers vos lèvres.

Et je ne puis vous apprendre la prière des mers et des forêts et des montagnes.

Mais vous qui êtes nés dans les montagnes et les forêts et les mers, vous pouvez trouver leur prière en votre cœur,

Et si seulement vous écoutiez dans la tranquillité de la nuit, vous les entendrez dire en silence :

"Notre Dieu, qui êtes notre moi-ailé, ta volonté en nous est notre volonté.

Ton désir en nous est notre désir.

C'est ton élan en nous qui voudrait transformer nos nuits, qui t'appartiennent, en jours, qui t'appartiennent aussi.

Nous ne pouvons rien te demander, car tu connais nos besoins avant même qu'ils ne soient nés en nous :

Tu es notre besoin, et dans le don de plus de toi même, tu nous donnes tout."

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Le plaisir


Alors, un ermite, qui visitait la ville une fois par an, s'avança et dit, Parle-nous du Plaisir.
Et il répondit, disant :

Le plaisir un chant de liberté,

Mais il n'est pas la liberté.

Il est l'épanouissement de vos désirs,

Mais non leur fruit.

C'est un abîme appelant un sommet,

Mais ni un abîme ni un sommet.

C'est le prisonnier prenant son envol,

Mais non l'espace qui l'entoure.

Oui, en vérité, le plaisir est un chant de liberté.

Et je serai trop heureux de vous l'entendre chanter de tout votre cœur ; mais je ne voudrai pas vous voir perdre vos cœurs en ce chant.

Certains parmi vos jeunes recherchent le plaisir comme s'il était tout, et ils sont jugés et châtiés.

Je ne voudrais pas les juger, ni les châtier. Je voudrais qu'ils cherchent.

Car ils trouveront le plaisir, mais pas lui seul ;

Sept sont ses sœurs, et la moindre d'entre elles est plus belle que le plaisir.

N'avez-vous point entendu parler de l'homme qui creusait la terre pour découvrir des racines, et qui trouva un trésor ?

Et certains de vos anciens se souviennent du plaisir avec regret, comme des fautes commises en état d'ivresse.

Mais le regret est pour l'esprit un obscurcissement, et non son châtiment.

Ils devraient se souvenir de leurs plaisirs avec reconnaissance, ainsi qu'ils se souviennent d'une récolte d'un été.

Pourtant, si le regret les réconforte, laissez-les en être réconfortés.

Et il y a parmi vous ceux qui ne sont ni assez jeune pour chercher, ni assez vieux pour se souvenir ;

Et dans leur crainte de chercher et de se souvenir, ils fuient le plaisir, de peur de négliger l'esprit ou de lui faire offense.

Mais dans leur renoncement même est leur plaisir.

Et ainsi ils trouvent également un trésor, bien qu'ils creusent à la recherche de racines de leurs mains tremblantes.

Mais dites-moi, qui peut prétendre offenser l'esprit ? Le rossignol offensera-t-il la tranquillité de la nuit, ou la luciole celle des étoiles ?

Et la flamme ou la fumée de votre feu sera-t-elle un fardeau pour le vent ?

Croyez-vous que l'esprit soit un étang paisible que vous pouvez troubler d'une perche ?

Souvent, en reniant le plaisir vous ne faites qu'accumuler le désir dans les replis de votre être.

Qui peut savoir si ce qui paraît oublié aujourd'hui n'est pas dans l'attente de vos lendemains ?

Votre corps, lui, connaît son hérédité et son juste besoin et ne voudra pas être déçu.

Et votre corps est la harpe de votre âme,

Et il n'en tient qu'à vous d'en issir une musique ravissante, ou des sons discordants.

Et maintenant vous vous demandez en votre cœur, "Comment allons-nous distinguer ce qui est bon dans le plaisir de ce qui ne l'est pas ?".

Allez dans vos champs et vos jardins, et vous découvrirez que butiner le nectar de la fleur est le plaisir de l'abeille,

Mais c'est aussi le plaisir de la fleur de donner son nectar à l'abeille.

Car pour l'abeille, la fleur est une source de vie,

Et pour la fleur, l'abeille est la messagère de l'amour,

Et pour tous deux, l'abeille et la fleur, donner et recevoir le plaisir sont un besoin et une extase.

Peuple d'Orphalese, soyez en vos plaisirs comme la fleur et l'abeille.


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La beaute



Et un poète dit, Parle-nous de la Beauté.

Et il répondit :

Où chercherez-vous la beauté et comment la trouverez-vous, si elle n'est elle-même votre chemin et votre guide ?

Et comment parlerez-vous d'elle, si elle n'est le fil qui tisse vos paroles ?

Les affligés et les stigmatisés disent, "La beauté est bonne et douce.

Comme une jeune mère intimidée par sa propre gloire, elle passe parmi nous."

Et les passionnés disent, "Non, la beauté procède de la puissance et de la terreur.

Comme la tempête elle secoue la terre sous nos pieds, et le ciel au-dessus de nos têtes."

Et les fatigués et les las disent, "La beauté est faite de doux murmures. Elle parle en notre esprit.

Sa voix cède à nos silences, comme une lumière à peine visible qui vacille dans la peur de l'ombre."

Et les impétueux disent, "Nous l'avons entendu crier à travers les montagnes,

Et avec ses cris viennent le bruit des sabots, et le battement des ailes et le rugissement des lions."

La nuit, les veilleurs de nos cités disent, "La beauté se lèvera à l'est, avec l'aurore."

Et à midi, les travailleurs et les voyageurs disent, "Nous l'avons vu se pencher sur la terre des fenêtres du couchant."

En hiver, ceux qui sont enneigés disent, "Elle viendra avec le printemps, bondissant sur les collines."

Et dans la chaleur de l'été les moissonneurs disent, "Nous l'avons aperçue dansant avec les feuilles de l'automne, avec des flocons de neige dans ses cheveux."

Toutes ces choses, vous les avez dites de la beauté,

Cependant, en vérité, vous ne parlez pas d'elle, mais de vos besoins insatisfaits,

Et la beauté n'est pas un besoin, mais une extase.

Elle n'est pas une bouche assoiffée, ni une main vide et tendue,

Mais plutôt un cœur embrasé et une âme enchantée.

Elle n'est pas l'image que vous voudriez voir ni le chant que vous voudriez entendre,

Mais plutôt une image que vous voyez bien que vous fermiez vos yeux, et un chant que vous entendez quand bien même vous bouchez vos oreilles.

Elle n'est pas la sève sous l'écorce desséchée, ni une aile attachée à une serre,

Mais plutôt un jardin pour toujours épanoui et une nuée d'anges à jamais en vol.

Peuple d'Orphalese, la beauté est la vie quand la vie dévoile sa face sacrée.

Mais vous êtes la vie et vous êtes le voile.

La beauté est l'éternité se contemplant dans un miroir.

Mais vous êtes l'éternité et vous êtes le miroir.


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La religion


Et un vieux prêtre dit, Parle-nous de la Religion.
Et il dit :

Ai-je parlé d'autre-chose aujourd'hui ?

La religion n'est-elle pas tout acte et toute réflexion,

Et ce qui est ni acte ni réflexion, mais un émerveillement et une surprise jaillissant sans trêve de l'âme, même quand les mains taillent la pierre ou tendent le métier à tisser ?

Qui peut disjoindre sa foi de ses actions, ou sa conviction de ses occupations ?

Qui peut répandre ses heures devant lui, disant, "Celles-ci pour Dieu et celles-là pour moi-même ; celles-ci pour mon âme et ces autres pour mon corps" ?

Toutes vos heures sont des ailes qui battent à travers l'espace qui sépare votre moi de votre moi.

Celui qui porte sa moralité comme ses plus beaux habits, serait mieux dénudé.

Le vent et le soleil ne marqueront pas de rides dans sa peau.

Et celui qui règle sa conduite selon la morale emprisonne l'oiseau chanteur de son être dans une cage.

Le chant le plus libre ne peut passer à travers les barreaux et les grilles.

Et celui pour qui le culte est une fenêtre, que l'on peut aussi bien ouvrir que fermer, n'a pas encore visité la maison de son âme dont les fenêtres sont ouvertes de l'aurore à l'aurore.

Votre vie de tous les jours est votre temple et votre religion.

Chaque fois que vous y pénétrez, emportez avec vous votre être tout entier.

Prenez la charrue et la forge et le maillet et le luth,

Les choses que vous avez façonnées pour votre besoin ou pour votre délice.

Car dans le rêve, vous ne pouvez vous élever au-delà de vos réussites ni sombrer plus bas que vos échecs.

Et prenez tous les hommes avec vous :

Car dans l'adoration vous ne pouvez voler plus haut que leurs espoirs ni vous abaisser plus bas que leur désespoir.

Et si vous voulez connaître Dieu, ne soyez donc pas celui qui résout les énigmes.

Regardez plutôt auprès de vous, et vous Le verrez jouant avec vos enfants,

Et regardez dans l'espace ; vous Le verrez marchant dans les nuages, étendant Ses bras dans l'éclair et retombant en pluie.

Vous Le verrez sourire dans les fleurs, puis s'élevant et agitant Ses mains dans les arbres.


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La mort

Puis Almitra parla, disant : Nous voudrions vous interroger au sujet de la Mort.
Et il répondit :

Vous voudriez connaître les secrets de la mort.

Mais comment le trouverez-vous sinon en cherchant au cœur même de la vie ?

Le hibou dont les yeux perçant la nuit sont aveugles le jour, ne peut révéler le mystère de la lumière.

Et si vous voulez vraiment apercevoir l'esprit de la mort, ouvrez grand votre cœur dans le corps de la vie.

Car la vie et la mort sont une, de même que le fleuve et l'océan sont un.

Dans les profondeurs de vos espoirs et de vos désirs, réside votre silencieuse connaissance de l'au-delà ;

Et comme des graines rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps.

Ayez confiance dans les rêves, car en eux est cachée la porte de l'éternité.

Votre peur de la mort n'est autre que le frémissement du berger, alors qu'il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l'honorer.

Le berger n'est-il pas ravi, malgré son tremblement, de porter la marque du roi ?

Pourtant, n'est-il pas plus conscient encore de son tremblement ?

Car qu'est-ce que mourir, si ce n'est être debout, nu, face au vent et fondre dans le soleil ? Et qu'est-ce que cesser de respirer sinon libérer le souffle de ses marées tempétueuses, afin qu'il s'élève et se dilate et recherche Dieu sans entraves ?

C'est seulement quand vous aurez bu à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.

Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez votre ascension.

Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.


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EPILOGUE


Et maintenant, le soir était là.

Et Almitra la voyante dit, Béni soit ce jour et ce lieu, et ton esprit qui a parlé.

Et il répondit,

Etait-ce moi qui parlait ?

N'étais-je pas aussi un auditeur ?

Puis il descendit les marches du Temple et tout le peuple le suivi. Et il atteignit son navire et se tint sur le pont.

Et faisant de nouveau face au peuple, il éleva la voix et dit :

Peuple d'Orphalese, le vent m'invite à vous quitter.

Ma hâte est moins grande que celle du vent, mais je dois partir.

Nous, les vagabonds, toujours en quête de la voie la plus isolée, nous ne commençons nul jour là où nous avons fini un autre, et aucun lever de soleil ne nous trouve là ou son coucher nous a laissés.

Même alors que la terre sommeille, nous voyageons.

Nous sommes les graines de la plante tenace, et c'est dans notre maturité et dans la plénitude de notre cœur que nous sommes livrés au vent et dispersés.

Brefs ont été mes jours parmi vous, et plus brèves encore les paroles que j'ai prononcées.

Mais si ma voix doit s'estomper à vos oreilles, et mon amour disparaître de votre mémoire, alors je reviendrai à vous,

Et avec un cœur plus riche, et des lèvres plus fidèles à l'esprit je parlerai,

Oui, je reviendrai avec la marée,

Et bien que la mort puisse me cacher, et le plus grand silence m'envelopper, une fois encore je rechercherai votre compréhension.

Et ma recherche ne sera pas vaine.

Si ce que j'ai dit recèle une vérité, cette vérité se révélera d'une voix plus claire, et en mots plus familiers avec vos pensées.

Je pars avec le vent, peuple d'Orphalese, mais je ne descends pas dans le néant ;

Et si ce jour n'est pas l'accomplissement de vos besoins et de mon amour, qu'il soit alors la promesse d'autre jour.

Les besoins de l'homme changent, mais non son amour, ni son désir que son amour puisse combler ses besoins.

Aussi sachez que, du plus grand silence, je reviendrai.

La brume qui s'évapore à l'aube, ne laissant que la rosée dans les champs, s'élèvera et se rassemblera en un nuage qui retombera alors en pluie.

Et ce que j'ai été n'est pas sans ressembler à la brume.

Dans la tranquillité de la nuit, j'ai marché dans vos rues, et mon esprit a pénétré vos maisons,

Et vos cœurs battaient avec le mien, votre souffle était sur mon visage et je vous connaissais tous.

Oui, je connaissais vos joies et vos peines, et en votre sommeil vos rêves étaient mes rêves.

Et maintes fois j'ai été parmi vous, tel un lac parmi les montagnes.

De vos êtres je reflétais les sommets et les versants inclinés, et même les transhumances de vos pensées et de vos désirs.

Et vers mon silence ruisselait le rire de vos enfants, et venaient en rivière les aspirations de vos jeunes.

Et lorsqu'ils atteignaient mes profondeurs, les ruisseaux et les rivières ne tarissaient pas pour autant leurs chants.

Mais des choses plus douces encore que les rires, et plus grandes que les aspirations venaient à moi.

C'était tout l'infini de votre être ;

L'homme immense de qui vous êtes tous les cellules et les tendons ;

Celui en qui tous vos chants ne sont qu'une silencieuse palpitation.

C'est en l'homme immense que vous êtes immense,

Et c'est en le contemplant que je vous ai contemplé et que je vous ai aimé.

Car quelles distances l'amour peut-il atteindre, qui ne se trouvent en cette sphère immense ?

Quelles visions, quelles attentes et quelles audaces peuvent s'élancer et dépasser son vol ?

Comme un chêne géant recouvert de fleurs de pommier, est l'homme immense en vous.

Sa puissance vous lie à la terre, son parfum vous élève dans l'espace, et dans son invincibilité vous êtes immortels.

On vous a dit que, à l'image d'une chaîne, vous êtres aussi faibles que le plus faible de vos maillons.

Ce n'est que la moitié de la vérité. Vous avez aussi la force du plus fort de vos maillons.

Vous mesurer par vos actes les plus infimes, est comme évaluer la puissance de l'océan à la fragilité de son écume.

Vous juger par vos défaillances, est jeter le blâme sur les saisons pour leur inconstance.

Oui, vous êtes comme l'océan,

Et pourtant les vaisseaux qui reposent lourdement à terre attendent la haute mer sur vos rivages, car tel l'océan, vous ne pouvez hâter le rythme de vos marées.

Et à l'image des saisons vous êtes aussi,

Et bien qu'en votre hiver vous reniiez votre printemps,

Le printemps, reposant en vous, sourit dans sa somnolence et n'est pas offensé.

Ne pensez pas que je dise ces choses afin que vous puissiez vous dire les uns aux autres, "Il a bien fait notre éloge. Il n'a vu que le bien en nous".

Je ne dis avec des mots que ce que vous connaissez vous-même en pensée.

Et qu'est-ce que la connaissance dite avec des mots, sinon l'ombre de la connaissance sans mots ?

Vos pensées et mes mots sont des ondes d'une mémoire scellée qui garde le souvenir de nos jours passés,

Et des jours anciens, quand la terre ne nous connaissait pas, ni ne se connaissait elle-même,

Et des nuits où la terre fut forgée dans le chaos.

Des sages sont venus à vous pour vous donner de leur sagesse. Je suis venu pour prendre de votre sagesse :

Et voici ce que j'ai trouvé, qui est plus important que la sagesse.

C'est un esprit de flamme en vous, qui rassemble toujours plus de lui-même,

Tandis que vous, insouciants de sa croissance, déplorez la flétrissure de vos jours.

C'est la vie en quête de vie, dans des corps qui redoutent le tombeau.

Il n'y a pas de tombes ici.

Ces montagnes et ces plaines sont un berceau et un marchepied.

Chaque fois que vous passez dans ces champs où vous avez enseveli vos ancêtres, regardez les bien, et vous verrez vos enfants et vous-mêmes dansant la main dans la main.

En vérité, vous engendrez souvent la gaieté sans même le savoir.

D'autres sont venus à vous, à qui vous avez donné la richesse, le pouvoir et la gloire en échange de promesses dorées, faites aux dépends de votre foi.

Je vous ai donné moins qu'une promesse, et pourtant vous avez été encore plus généreux envers moi.

Vous m'avez donné ma plus profonde soif de la vie.

Certainement, aucun présent n'est plus grand pour un homme que celui qui transforme tous ses desseins en lèvres desséchées et toute la vie en fontaine.

Et en cela résident mon honneur et ma récompense -

Car chaque fois que je viens boire à la fontaine, je trouve l'eau vive elle-même assoiffée ;

Et elle me boit tandis que je la bois.

Certain d'entre vous m'ont trouvé trop fier et trop timide pour recevoir des présents.

Je suis en effet trop fier pour recevoir un salaire, mais non pour recevoir un présent.

Et bien que j'aie mangé des baies parmi les collines, alors que vous m'auriez voulu assit à votre table,

Et dormi sous le portique du temple, alors que vous m'auriez hébergé avec joie,

N'était-ce pas cependant votre adorable souci de mes jours et de mes nuits qui a rendu la nourriture agréable à ma bouche, et revêtu mon sommeil de visions ?

Pour ceci surtout je vous bénis :

Vous avez beaucoup donné et vous n'en savez rien.

En vérité, la gentillesse qui se regarde dans un miroir se pétrifie,

Et une bonne action qui s'appelle par des noms tendres devient comme une malédiction.

Et certains d'entre-vous m'ont trouvé distant, et ivre de ma propre solitude,

Et vous avez dit, "Il s'entretient avec les arbres de la forêt, mais pas avec les gens.

Il s'assied seul au sommet des collines et regarde de haut notre cité."

Il est vrai que j'ai gravi les collines et marché en des lieux éloignés.

Comment aurais-je pu vous voir, sinon d'une grande hauteur ou d'une grande distance ?

En vérité, comment peut-on être proche, sinon en étant loin ?

Et d'autres parmi vous m'ont appelé, sans le dire en paroles, et ont dit :

"Etranger, étranger, amoureux des hauteurs inaccessibles, pourquoi résides-tu dans les sommets, où les aigles font leur nid ?

Pourquoi cherches-tu ce qui ne peut être atteint ?

Quelles tempêtes veux-tu prendre dans tes filets ?

Et quels oiseaux éphémères chasses-tu dans les cieux ?

Viens et soit des nôtres.

Descend et apaise ta faim avec notre pain, et ta soif avec notre vin."

Dans la solitude de leur âme, ont-ils dit ces choses ;

Mais si leur solitude avait été plus profonde, ils auraient su que je ne cherchais que le secret de vos joies et de vos peines,

Et que je ne chassais que votre moi-immense qui marche dans le ciel.

Mais le chasseur a aussi été la proie ;

Car bien de mes flèches ne quittèrent mon arc que pour atteindre ma propre poitrine.

Et celui qui voulu être l'oiseau a aussi rampé ;

Car lorsque mes ailes étaient étendues dans le soleil, leur ombre portée sur la terre était une tortue.

Et moi l'homme de foi, fut aussi le sceptique ;

Car souvent ai-je mis mon doigt dans ma propre blessure, afin d'obtenir la plus grande foi en vous et la plus grande connaissance de vous.

Et c'est avec cette foi et cette connaissance que je dis,

Vous n'êtes pas prisonniers de vos corps, ni confinés dans vos maisons ou dans vos champs.

L'essence de votre être demeure au-dessus des montagnes et vagabonde avec le vent.

Ce n'est pas une chose qui rampe vers le soleil pour se chauffer, ou creuse des trous dans la terre pour se protéger.

Mais une chose libre, un esprit qui enveloppe la terre et se déplace dans l'éther.

Si ces mots ont été vagues, ne cherchez pas à les rendre clairs.

Le vague et le nébuleux sont le commencement de toutes choses, mais non leur fin,

Et je voudrais que vous vous souveniez de moi comme d'un commencement.

La vie, et tout ce qui vit, est conçue dans la brume et non dans le cristal.

Et qui sait si le cristal n'est pas la brume qui se dissipe ?

Je voudrais que vous vous souveniez de ceci, en vous souvenant de moi :

Ce qui semble le plus faible et le plus incertain en vous, est le plus fort et le plus déterminé.

N'est-ce pas votre respiration qui a érigé et fortifié votre squelette ?

Et n'est-ce pas un rêve qu'aucun d'entre vous ne se souvient d'avoir rêvé, qui a bâti votre ville et fabriqué tout ce qui s'y trouve ?

Puissiez-vous ne voir que le flux et le reflux de cette respiration, et vous cesseriez de voir autre chose,

Et si vous pouviez entendre le chuchotement du rêve, vous n'entendriez aucun autre son.

Mais vous ne voyez pas, ni n'entendez, et cela est bon.

Le voile qui couvre vos yeux de nuages sera soulevé par les mains qui l'ont tissé.

Et l'argile qui comble vos oreilles sera percée par les doigts mêmes qui l'ont pétri.

Et vous verrez.

Et vous entendrez.

Pourtant, vous ne déplorerez point d'avoir connu la cécité, ni ne regretterez d'avoir été sourd.

Car en ce jour vous connaîtrez les desseins cachés de toutes choses.

Et vous bénirez l'obscurité de même que vous avez béni la lumière.

Après avoir dit ces choses, il regarda autour de lui, et il vit le capitaine de son vaisseau se tenant à la barre et fixant tantôt les voiles déployées, tantôt l'horizon.

Et il dit :

Patient, trop patient est le capitaine de mon vaisseau.

Le vent souffle, et les voiles sont sans repos ;

Même le gouvernail implore un cap ;

Pourtant, mon capitaine attend calmement mon silence.

Et ceux-ci, mes marins, qui ont entendu le chœur de la plus grande mer, ils m'ont aussi écouté avec patience.

Maintenant, ils n'attendront plus.

Je suis prêt.

Le ruisseau a atteint l'océan, et une fois encore la grande mère tient son fils contre sa poitrine.

Adieu, peuple d'Orphalese.

Ce jour a pris fin.

Il se clôt sur nous, tel un nénuphar, sur son propre lendemain.

Ce qui nous fut donné ici, nous le garderons,

Et si cela ne suffit pas, alors nous devrons encore nous retrouver ensemble, et ensemble tendre nos mains vers celui qui donne.

N'oubliez pas que je reviendrai vers vous.

Encore un peu de temps, et ce vers quoi j'aspire rassemblera la poussière et l'écume pour façonner un autre corps.

Encore un peu de temps, un instant de repos au gré du vent, et une autre femme m'enfantera.

Adieu à vous, et à la jeunesse que j'ai passé avec vous.

Ce ne fut qu'hier que nous nous rencontrâmes en rêve,

Vous avez chanté pour moi dans ma solitude, et de vos élans j'ai construit une tour dans le ciel.

Mais maintenant notre sommeil s'est évanoui et notre rêve a pris fin, et déjà l'aube n'est plus.

Le soleil est au-dessus de nous et notre somnolence s'est transformée en plein éveil, et nous devons nous séparer.

Si, au crépuscule de la mémoire, nous devons nous rencontrer de nouveau, nous parlerons encore ensemble et vous me chanterez un chant plus profond.

Et si nos mains doivent se rencontrer dans un autre rêve, nous construirons une autre tour dans le ciel.

Disant cela, il fit un signe aux marins et sur-le-champ ils levèrent l'ancre, larguèrent les amarres, et firent route vers l'est.

Et un cri vint du peuple comme d'un seul cœur, et il s'éleva dans le crépuscule et fut porté sur la mer comme un grand appel de trompe.

Seule Almitra gardait le silence, fixant le vaisseau jusqu'à ce qu'il s'évanouisse dans la brume.

Et quand tout le peuple fut dispersé, elle demeura seule sur la jetée, se souvenant en son cœur de ses paroles :

Encore un peu de temps, un instant de repos au gre du vent, et une autre femme m'enfantera.