Vous avez participé à une enquête qui fait sensation : une fuite qui a permis à 86 journalistes du monde entier de percer les secrets des paradis fiscaux. De quoi s’agit-il ?
Alain Lallemand : L’occasion fait le larron : un disque dur qui expose la totalité des opérations et des sociétés offshore créés par deux opérateurs en sociétés offshore sont arrivées avec bonheur dans la boîte aux lettres d’un journaliste avec lequel nous travaillons depuis des années au sein d’un réseau international, International Consortium of Investigative Journalism (ICIJ). Aujourd’hui, la complexité du monde ne permet plus au journal Le Soir de travailler seul dans son coin. Depuis 15 ans, nous faisons des enquêtes sur les mercenaires, la fraude aux cigarettes… Nous avons dans ce cas travaillé sur ce disque dur qui contient des milliers de données. Problème : comment exploiter, analyser, décrypter toutes ces données. Ca a nécessité tout un travail d’organisation, de mise en réseau de 86 journalistes autour de pas moins de 122.000 sociétés offshore. Certains journalistes se sont concentrés sur les réseaux internationaux et d’autres sur l’impact national. Au Soir, donc, sur l’aspect belge.
Comme vous le soulignez, au sein de ces listes, des Belges. Pour le détail, nous renvoyons nos lecteurs à nos editions numérique de 17h et papier de vendredi. Mais pouvez-vous donner une idée de l’impact potentiel de ces listes en Belgique ?
Sur 400.000 lignes de codes qui mélangent des directeurs, des sociétés, des participations (shareholders), il y a plusieurs centaines de lignes qui concernent des Belges. Donc, les Belges y ont une place importante. Ils ont fait une utilisation importante de la place de Singapour, notamment, comme intermédiaire pour les Iles Vierges britanniques. Nous avons déjà recueillis les témoignages de Belges qui admettent les choses. Dans notre édition de 17h, nous allons commencer à lever un coin du voile – mais ça prendra sans doute plusieurs jours – pour expliquer pourquoi une société pharmaceutique, pourquoi Madame X à Uccle, Monsieur Y à Dinant ou un diamantaire à Anvers, ont utilisé ces places financières offshore.
On parle de séisme planétaire. Cette affaire fait penser à WikiLeaks. Or, ici, on a 160 fois plus d’informations que pour les câbles diplomatiques américains…
À l’époque, cinq rédactions s’étaient partagé le travail. Ici, 40 rédactions et plus de 86 journalistes sont mobilisés. C’est plus d’un an et demi de travail. Et le séisme est déjà sensible puisque dans un pays comme les Philippines par exemple, on a commencé à retracer l’évasion du patrimoine du despote Marcos. Même chose en Indonésie : on a retrouvé la trace du patrimoine de Suharto. Ou encore pour le Zimbabwe : on a retrouvé la trace du patrimoine de Mugabe.
En Belgique, je pense que les diamantaires anversois vont être parmi les premiers inquiétés. Or, on sait qu’ils sont actuellement engagés dans un bras de fer avec le parquet d’Anvers. Cela ne va-t-il pas peser dans les négociations avec le parquet d’Anvers ?
Par ailleurs, nous sommes en pleine crise de l’euro. Or, cette enquête est extrêment démonstrative sur ce qui s’est passé à Chypre, avec les flux de finances russes.
Dès 17h, découvrez les premiers éléments belges de notre enquête sur les « Offshore Leaks » danslesoir17h.be

source : lesoir.be