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samedi 24 décembre 2011

Belgique :Etat des lieux de la régularisation de séjour




Décembre 2011

Introduction1.

Pour pouvoir séjourner plus de trois mois sur le territoire belge, la personne étrangère doit en principe obtenir une autorisation préalablement à son arrivée sur le territoire. Cette demande prend la forme d’un visa. Ainsi, dans la plupart des cas, la demande de long séjour est introduite auprès du poste diplomatique ou consulaire belge à l’étranger. Cette autorisation doit être délivrée si la personne étrangère se trouve dans les conditions mises au séjour de plein droit (par exemple le séjour étudiant, le regroupement familial, etc.). Si tel n’est pas le cas, le Ministre ou son délégué peut néanmoins autoriser le séjour au cas par cas (notamment suite à la délivrance d’un permis de travail, pour raisons humanitaires, etc.).

Il est fréquent que des personnes étrangères se trouvent sur le territoire en séjour irrégulier ou précaire, et souhaitent obtenir une autorisation de long séjour sans avoir à retourner dans leur pays d’origine pour en faire la demande. Dans ce contexte, la personne tâchera d’obtenir une autorisation de séjour directement du territoire belge. Cette demande est communément appelée demande de régularisation.

La pratique et la jurisprudence ont dégagé de l’article 9bis (anciennement article 9, al. 3) de la loi du 15 décembre 1980 la possibilité de fonder la régularisation de séjour au cas par cas. Au fil du temps, la Belgique a encadré cette possibilité de régularisation par voie de circulaire. La dernière en date, une instruction ministérielle du 19 juillet 2009 a défini différents critères de régularisation de séjour, parmi lesquels des critères temporaires ou « one shot », et des critères permanents.

Malgré l’annulation de cette instruction par le Conseil d’Etat, les critères restent appliqués par l’office des étrangers et de nombreux dossiers sont toujours à l’examen. Deux ans après la date butoir pour l’introduction des demandes « one shot », il nous semblait intéressant de faire le point sur la régularisation de séjour et ses perspectives.
Dans la présente contribution, nous commencerons par donner des repères historiques. Ensuite, nous reviendrons sur les conditions mises à la demande de régularisation, en examinant les conditions de recevabilité et les conditions de fond de la demande. Nous verrons ensuite les critères que prévoit l’instruction du 19 juillet 2009, et ce que l’on peut en déduire aujourd’hui, après l’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat. Enfin, nous proposerons une classification des critères permettant une régularisation de séjour, avant de passer en revue les points clé de la procédure, en proposant des enseignements issus de la pratique.

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Points de repère historiques2.

Dans l’entre deux guerres, puis au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la Belgique a largement fait appel à une main-d’oeuvre venant de l’étranger. A cette époque, l’immigration est voulue, organisée et contrôlée par la Belgique.

Cependant, en 1974, suite au choc pétrolier et à l’augmentation du chômage, un terme est mis à l’importation de main d’oeuvre étrangère. Par ailleurs, une vaste opération de régularisation des étrangers en situation irrégulière est organisée. Cette première campagne de régularisation « massive » est un « one shot » ; les flux migratoires étant dorénavant contrôlés, on n’envisage pas que cela puisse se reproduire. Lors de cette campagne, 7.448 personnes ont été régularisées, principalement des ressortissants turcs et des marocains1.

En décembre 1980, la loi sur le séjour est adoptée2. Conformément à la décision de contrôler dorénavant les flux migratoires, elle prévoit à l’article 9 que l’autorisation de séjour doit être obtenue depuis le pays d’origine, préalablement à l’entrée sur le territoire. L’alinéa 2 permet de déroger à la règle lorsqu’un traité international, une loi, ou un arrêté royal le prévoit. On insère également un 3e alinéa qui prévoit que la demande peut être introduite depuis la Belgique lorsqu’il y a des circonstances exceptionnelles.

Ce 3e alinéa est alors uniquement conçu comme une règle de procédure destinée aux étrangers séjournant déjà sur le territoire de manière légale mais temporaire3. La règle ne vise que la situation exceptionnelle de personnes qui seraient venues en Belgique, y auraient trouvé un emploi et ne devraient pas être amenées à faire un aller-retour au pays4.

Cependant, cet article ouvre une brèche dans laquelle les praticiens n’ont pas manqué de s’engouffrer. Ainsi, entre 1980 et 2000, l’administration a eu à connaître de nombreuses demandes de séjour sur base de l’article 9 alinéa 3. Ces demandes sont traitées au cas par cas, de manière discrétionnaire, sans que l’administration ne dispose d’aucune ligne de conduite. Cette situation laisse une place énorme à l’arbitraire même si petit à petit, des circulaires sont adoptées pour organiser les choses.

Le 22 décembre 1999 est adoptée une loi temporaire de régularisation5. Elle prévoit une période de trois semaines pour introduire une demande de régularisation à la commune.

1 CORBIAU F, « 1999-2009 : Brève histoire de la «Régul» », in Migrations Magazine, n°1, 2009-2010, p. 23
2 Loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement, et l’éloignement des étrangers, M.B., 31 décembre 1980
3 RASSART H., « La jurisprudence du Conseil d’Etat concernant l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 », in Rev. Dr. Etr., 2000, n°109, p. 323
4 CARLIER J.-Y., DE BRUYCKER P., FOBLETS M.-C., VANHEULE D., « Migration, protection et régularisation, des enjeux à court, moyen et long terme », in Migrations-Magazine, n°1, 2009-2010, p. 13
5 Loi du 22 décembre 1999 relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Royaume, M.B., 10 janvier 2000

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Le demandeur devait remplir au moins un des critères suivants :

avoir fait l’objet d’une procédure d’asile de longue durée, c’est-à-dire avoir de• mandé la reconnaissance de la qualité de réfugié sans avoir reçu de décision exécutoire dans un délai de 4 ans ou de 3 ans lorsqu’il s’agit d’une famille avec enfant en âge d’école ;

être dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine ou dans le pays où • l’on a séjourné habituellement avant l’arrivée en Belgique, ou celui dont on a la nationalité pour des raisons indépendantes de sa volonté ;

être victime d’une maladie grave ;•

pouvoir faire valoir des circonstances humanitaires et avoir développé des atta• ches sociales durables dans le pays.

Au 1er février 2000, 32.766 dossiers avaient été introduits concernant plus de 50.000 personnes dont 23.000 enfants6.

Après cette campagne, la pratique est revenue à ce qu’elle était auparavant.

En 2003, suite à l’occupation de l’Eglise Sainte-Croix à Bruxelles, le Ministre décide de régulariser les Afghans en procédure d’asile depuis 3 ans pour les familles avec enfants scolarisés et 4 ans pour les autres. Dans la foulée, il annonce que le critère est étendu à toute personne dans la même situation. Mais cela reste un engagement verbal, qui n’est traduit dans aucun texte officiel.

Cependant, entre 2005 et 2008, 42.000 personnes sont régularisées sur base de ces mesures7.

Par ailleurs, l’occupation de l’Eglise Saint Boniface entre octobre 2005 et mars 2006 débouche sur un nouvel accord, secret cette fois, entre les occupants et le Ministre de l’Intérieur, et qui ne vaut que pour ces personnes.

La même année, la refonte de la loi de 1980 semble être une occasion parfaite pour revoir les modalités de la régularisation et définir des critères clairs dans la loi. Cependant, il n’en est rien : faute d’accord politique sur la question, l’article 9 alinéa 3 sera supprimé pour laisser la place à un nouvel article 9bis qui reprend les mêmes termes que l’article 9 alinéa 3 ancien, et à un nouvel article 9ter qui vise la régularisation des personnes malades8.

En mars 2008, le premier volet de l’Accord de gouvernement qui concerne l’asile et l’immigration est finalisé, et envisage notamment la question de la régularisation des sans papiers.


6 CIRE, «Donnons un visage aux sans-papiers», publié en novembre 2006 sur www.cire.be
7 CORBIAU F., op. cit., p. 25
8 Loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, M.B., 6 octobre 2006



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Mais l’accord ne sera mis en oeuvre que partiellement d’abord, en mars 2009, par l’adoption d’une instruction de la Ministre Turtelboom, et en juillet 2009, ensuite, lorsque des négociations « au finish » aboutiront finalement à l’adoption de l’instruction du 19 juillet 2009.

Celle-ci comprend une série de critères permanents, mais aussi deux critères nouveaux, et temporaires. Elle sera annulée par le Conseil d’Etat par un arrêt du 11 décembre 2009. Le Ministre s’est cependant engagé à appliquer les critères de cette instruction en vertu de son pouvoir discrétionnaire.


L’article 9bis est très succinct. Il prévoit que lors de circonstances exceptionnelles, et si l’intéressé peut établir son identité, l’autorisation de séjour peut être demandée auprès du bourgmestre de la commune de résidence, qui transmettra la demande au Ministre ou à son délégué.

Quand le Ministre ou son délégué accorde l’autorisation de séjour, celle-ci sera délivrée en Belgique. La loi prévoit donc donc compétence au Ministre ou de son délégué pour statuer sur la demande dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.


En effet, ni les circonstances exceptionnelles qui permettent l’introduction de la demande depuis le territoire belge, ni les motifs de fond qui justifieraient l’octroi du séjour ne sont précisés dans la loi.

On considère traditionnellement que la procédure prévue par l’article 9bis se déroule en deux phases : une première phase de recevabilité, au cours de laquelle l’autorité examine si les conditions de recevabilité, dont les circonstances exceptionnelles, sont réunies, et une seconde phase d’examen au fond, où l’autorité examine si les motifs invoqués pour solliciter le séjour de plus de 3 mois sont suffisants9.
Les circonstances exceptionnelles ont ceci de particulier qu’elles peuvent dans certains cas n’être qu’une condition de recevabilité, et dans d’autre cas, constituer à la fois une condition de recevabilité et une condition de fond.

Nous examinerons dans un premier temps les conditions mises à la recevabilité de la demande de régularisation et, dans un deuxième temps, les conditions de fond.

Les conditions de recevabilité de la demande 9bis3. 1.

La preuve de l’identité>>

La preuve de l’identité est une condition de recevabilité de la demande fondée sur l’article 9bis. C’est la seule condition formelle imposée par la loi. L’objectif poursuivi

9 Le statut administratif des étrangers, ADDE, janvier 2009, p. 40

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par le législateur est d’ « éviter que les titres de séjour servent à régulariser l’imprécision (voulue) relative à l’identité »10.

La condition de disposer d’un document d’identité n’est pas d’application en cas de demande d’asile toujours en cours (lorsqu’il n’y a pas de décision négative définitive ou qu’un recours au Conseil d’Etat a été déclaré admissible)11. En effet, le fait qu’un demandeur d’asile s’adresse à ses autorités nationales peut être un motif de rejet de la demande d’asile. Il est également fait exception à cette condition en cas d’impossibilité démontrée de se procurer le document d’identité en Belgique. Cette preuve peut être apportée par toutes voies de droit. Ainsi, lorsque la demande de régularisation a été introduite alors que le demandeur était encore demandeur d’asile12 et donc dispensé de devoir faire la preuve de son identité, si cette procédure se clôture négativement, il est impératif d’actualiser la demande avec la preuve de l’identité ou l’argumentation qui justifie pourquoi le demandeur est dans l’impossibilité de se procurer ce document en Belgique. Autrement, la demande sera déclarée irrecevable.

Selon la circulaire du 21/06/2007, conformément à l’exposé des motifs de la loi13, la pièce d’identité peut consister en un passeport international reconnu ou un titre de voyage équivalent ou encore une carte d’identité nationale14. Il n’est pas exigé que ces documents soient en cours de validité.

Lorsque le demandeur de régularisation n’est pas en possession d’un de ces documents, des démarches doivent être entreprises auprès de l’ambassade pour se procurer les documents, ou du moins, pouvoir attester de cette tentative.

Il est à tout le moins indispensable d’argumenter, en l’absence d’un document d’identité tel que défini par la circulaire précitée, sur l’impossibilité de se procurer ce document.

Le CCE a jugé que la production du document d’identité ne devait pas être concomitante à la demande de séjour15. La juridiction est arrivée à cette conclusion en examinant la ratio legis de la loi du 2006 à savoir qu’il ne faut pas que l’identité du requérant soit incertaine16.

Il a également estimé que l’administration avait commis une erreur manifeste d’appré10

Doc. Parl., Chambre, 2005-2006, 51-2478/001, p. 33
11 Article 9bis, § 1er, al. 2 de la loi du 15 décembre 1980
12 Le Conseil d’Etat a précisé dans son arrêt du 12 janvier 2010 (n° 199.461, Rev. Dr. Etr., n° 157 p. 75) qu’une décision définitive est une décision qui n’est plus susceptible de recours et que « L’arrêt viole l’article 9bis, §1er de la loi en considérant que la procédure d’asile a été clôturée par une décision du CGRA, tout en constatant qu’un recours au Conseil d’Etat a été introduit contre cette décision et est toujours pendant. »
13 Doc. Parl., Chambre, 2005-2006, 51-2478/001, p. 33
14 Circulaire du 21 juin 2007 relative aux modifications intervenues dans la règlementation en matière de séjour des étrangers suite à l’entrée en vigueur de la loi du 15 septembre 2006, M.B., 4 juillet 2004
15 CCE, 5 août 2009, n° 30.293, Rev. Dr. Etr., n° 154, 2009, p. 367
16 Doc. Parl., Chambre, 51 2478/001, 10 mai 2006, p. 33


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ciation en déclarant une demande irrecevable au motif qu’elle n’était pas accompagnée d’un document d’identité, la copie du passeport de l’intéressé ayant été soumise postérieurement, dans le cadre d’un complément à la demande, alors qu’au moment de prendre la décision, elle ne pouvait que constater que le requérant disposait d’un document d’identité, comme l’article 9bis, §1er le prévoit17.

Dans le même ordre d’idée, le CCE a jugé que l’office des étrangers ne pouvait se borner à rejeter une attestation de perte de document d’identité, alors que ce document comporte toutes les données d’identification et est revêtu des informations d’usage pour un document officiel, sans expliquer en quoi l’identité du requérant n’était pas certaine18.

Par contre, le Conseil d’Etat a considéré que la décision d’irrecevabilité d’une demande de séjour fondée sur l’article 9bis est adéquatement motivée par le seul constat qu’aucun document d’identité n’a été produit lors de l’introduction de la demande, même lorsque le dossier administratif constitué à l’occasion de précédentes demandes contient une pièce d’identité, puisque les conditions légales de recevabilité de la demande ne sont pas remplies19.

La langue>>

Si le requérant sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour durant le traitement de sa demande d’asile ou dans un délai de six mois suivant la clôture de sa procédure d’asile, la langue de la demande devra être celle qui été choisie ou déterminée dans le cadre de la demande d’asile20.

Par contre, si le demandeur de régularisation n’a pas introduit de demande d’asile ou si celle-ci a été clôturée depuis plus de six mois, il est libre de choisir la langue dans laquelle il introduit sa demande, quelle que soit la langue officielle de sa commune de résidence.

Les circonstances exceptionnelles>>

Les circonstances exceptionnelles constituent une condition de recevabilité de la demande. Mais elles ne sont pas définies par la loi.
La loi précise seulement les éléments qui ne pourront pas être retenus21 :
Les éléments déjà invoqués dans une demande d’asile et rejetés (sauf s’ils ont • été rejetés parce qu’ils étaient étrangers à l’asile) ;
17 CCE, 28 juin 2010, n° 45.483, Rev. Dr. Etr., n° 159, 2010, p. 336
18 C.C.E., 29 octobre 2008, n° 17.987, Rev. Dr. Etr., n° 150, 2008, p. 517
19 C.E., 17 mai 2011, arrêt n° 213.308, Rev. Dr. Etr., n° 163, 2011, p. 197
20 Article 51/4, § 3 de la loi du 15 décembre 1980
21 Article 9bis, § 2 de la loi du 15 décembre 1980



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Les éléments qui auraient dû être invoqués dans la demande d’asile s’ils étaient • connus avant la fin de la procédure ;
Les éléments déjà invoqués dans une autre demande d’autorisation de séjour ;•
Les éléments invoqués dans une demande de séjour pour raisons médicales • fondée sur l’article 9ter.
La jurisprudence permet d’en dégager certains contours.

Le C.E. estime que « Les circonstances exceptionnelles visées à l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 sont destinées non à fournir les raisons d’accorder l’autorisation de séjourner plus de trois mois dans le Royaume, mais bien à justifier celles pour lesquelles la demande est formulée en Belgique et non à l’étranger, sans quoi on ne s’expliquerait pas pourquoi elles ne devraient pas être invoquées lorsque la demande est faite auprès d’un poste diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de la résidence ou du séjour des étrangers. »22

Ces circonstances exceptionnelles « ne sont pas des circonstances de force majeure, mais celles qui rendent particulièrement difficile le retour de l’étranger dans son pays d’origine ou dans son pays où il est autorisé au séjour pour demander l’autorisation visée »23.

Le C.E. considère encore qu’il s’agit de « toute circonstance empêchant l’étranger qui se trouve en Belgique de se rendre temporairement dans son pays d’origine pour y accomplir les formalités nécessaires à l’introduction d’une demande de séjour »24 .

Selon cette jurisprudence, l’autorité qui examine la demande de séjour doit donc toujours d’abord procéder à l’examen de recevabilité de la demande avant de se prononcer sur les motifs de fond, sur les arguments que l’étranger fait valoir pour appuyer sa demande de séjour (même lorsque ces arguments se confondent)25. Ainsi, la notion de circonstances exceptionnelles ne doit pas être confondue avec les motifs de fond : ces motifs, qui pourraient justifier l’octroi d’une autorisation de séjour mais n’empêchent pas l’introduction de la demande à l’étranger, ne sont pas des circonstances exceptionnelles26.

La présence de circonstances exceptionnelles est évaluée au moment où la demande est examinée et non pas lorsque la demande a été déposée27. L’autorité doit examiner au cas par cas le caractère exceptionnel des circonstances alléguées par le demandeur.

22 C.E., 22 mars 1995, arrêt n° 52.347, cité dans DERRIKS E. et SBAI K., Droit des étrangers, Loi du 15 décembre 1980, Chronique de Jurisprudence 1994-2000, Les Dossiers du Journal des Tribunaux, n° 36, Larcier, Bruxelles, 2002, p. 26
23 C.E., 20 juin 2000, arrêt n° 88.076 cité dans Le statut administratif des étrangers, op. cit. ; C.E. 16 janvier 2004, arrêt n°127.131, Rev. Dr. Etr., 2004, n°129, p. 408
24 C.E., 19 octobre 1998, arrêt n° 76.500, cité dans DERRIKS E. et SBAI K., op. cit., p. 27
25 C.E., 8 août 2000, arrêt n° 89.222, Ibid.
26 C.E., 22 mars 1995, arrêt n° 52.347 ; C.E., 10 avril 1998, arrêt n° 73.041, Rev. Dr. Etr., 1998, n° 97, p. 73 ; C.E., 23 mai 2000, arrêt n° 87.462
27 C.E., 15 juin 2006, arrêt n° 160.153, Rev. Dr. Etr., 2006, n°138, p. 219. Voir cependant en sens contraire C.E., 1er juin 2004, arrêt n° 131.962


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La circulaire du 21 juin 2007 précise qu’un long séjour ou une intégration en Belgique ne constituent pas en soi des circonstances exceptionnelles28. Ces éléments ne suffisent pas à justifier qu’on ne puisse rentrer même temporairement au pays pour faire sa demande de séjour.

Voici quelques exemples de ce que la pratique a retenu au titre de circonstances exceptionnelles justifiant l’introduction de la demande en Belgique :

Le fait d’être demandeur d’asile. Il y a une possibilité de crainte fondée de persé• cution, de sorte que la personne est dans l’impossibilité de se rendre dans son pays d’origine pour demander l’autorisation de séjour et son refoulement vers ce pays est interdit. De plus, en tant que demandeur d’asile, le fait de s’adresser à ses autorités risque d’avoir pour effet le rejet de la demande. Dans ce cas, la jurisprudence considère que la demande de séjour (fondée par exemple sur le regroupement familial) peut être introduite depuis la Belgique29 ;

La situation dans le pays d’origine• 30 ;

Le fait qu’il n’y ait pas de mission diplomatique belge dans le pays ou que la • représentation actuelle n’ait pas le pouvoir d’autoriser un séjour de plus de trois mois31 ;

La scolarité des enfants : il a été régulièrement tranché par le Conseil d’Etat que • l’interruption d’une année scolaire d’un enfant mineur du requérant constitue une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 9, al. 3, de la loi du 15 décembre 1980 (et également un préjudice grave difficilement réparable).32 Cela vaut en principe pour tous les enfants qui sont scolarisés, même en maternelles. Si l’interruption d’une année scolaire n’est pas acceptée comme circonstance exceptionnelle, on peut à tout le moins sur cette base obtenir un sursis au départ jusqu’à la fin de l’année scolaire ;

La poursuite des études dans l’enseignement supérieur : dans ce cadre, l’OE ne • peut pas exiger de l’étudiant dans l’enseignement supérieur qu’il rentre dans son pays d’origine après la fin des vacances pour demander le séjour, alors qu’il a introduit sa demande de séjour avant le début des vacances33 ;
L’impossibilité de voyager pour raison de grossesse par exemple ;•

28 Circulaire du 27 juin 2007 relative aux modifications intervenues dans la règlementation en matière de séjour des étrangers suite à l’entrée en vigueur de la loi du 15 septembre 2006, M.B., 4 juillet 2004
29 C.E., 28 août 1996, arrêt n° 61.217, cité dans DERRIKS E et SBAI K., op. cit., p. 28 ; C.E., 10 août 2001, arrêt n° 98.252
30 Voyez C.E., 29 septembre 1998, arrêt n° 75.961 ; C.E., 6 janvier 2000, arrêt n° 84.571, Rev. Dr. Etr., 2000, n° 109, p. 278 ; en sens contraire, « les craintes de persécution écartées par le CGRA ne peuvent être invoquées » C.E., 11 mars 1998, arrêt n° 79.199
31 C.E., 10 juin 1997, arrêt n° 66.703, C.E., 6 janvier 2000, n° 84.571, cités dans DERRIKS E. et SBAI K., op. cit., p. 28 ; C.E., 11 mai 2004, arrêt n° 131.269, Rev. Dr. Etr., 2004, n°128, p. 204
32 Voyez C.E., 20 juin 2000, arrêt n° 88.076, Rev. Dr. Etr., 2000, n° 109, p. 282 ; C.E., 3 août 1998, arrêt n° 75.549 ; C.E., 29 septembre 1998, arrêt n° 75.994 ; CE, 4 février 2002, arrêt n° 103.146, Rev. Dr. Etr., 2002, n° 117, p. 129 ; C.E., 27 octobre 2004, arrêt n° 136.791, Rev. Dr. Etr., 2004, n° 130, p. 593 ; C.E., 18 février 2004, arrêt n° 128.259, Rev. Dr. Etr., n° 127, 2004, p. 65 ; en sens contraire : C.E., 14 septembre 2004, Rev. Dr. Etr. 2004, n°130, p. 585 (Note)
33 C.E., 3 août 1998, arrêt n° 75.549, cité dans RASSART H., « La jurisprudence du Conseil d’Etat concernant l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 (1998-2000) », in Rev. Dr. Etr., n° 109, 2000, p. 329



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L’impossibilité administrative (dans le cas par exemple où l’étranger n’a pas de • passeport pour voyager et ne peut pas l’obtenir à son ambassade en Belgique).

Les conditions de fond de la demande 93. 2. bis

Le fait de démontrer l’impossibilité de satisfaire à la règle de l’introduction de la demande de séjour depuis le pays d’origine n’est pas suffisante : il faut également pouvoir justifier de motifs de fond. L’article 9 de la loi sur le séjour prévoit que les étrangers doivent demander au Ministre de l’Intérieur l’autorisation de séjourner en Belgique, ce dernier disposant à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire.

A défaut de critères clairs de régularisation, la pratique administrative a permis de dégager un certain nombre de situations devant permettre une régularisation, pratique qui a été précisée au fil du temps par des circulaires, qu’elles soient officielles ou non34.

Cette pratique a fait évoluer l’interprétation donnée à la notion de circonstances exceptionnelles, pour devenir de plus en plus une règle de fond, les motifs empêchant l’introduction de la demande à partir du pays d’origine se confondant petit à petit avec ceux qui justifient l’octroi d’un droit de séjour.

Lorsque les conditions de fond d’un droit de séjour existent (séjour étudiant, chercheur, regroupement familial,…), la notion de circonstances exceptionnelles permet de faire exception à la règle d’introduction de la demande à l’étranger lorsqu’on démontre l’impossibilité de retour, même temporaire.

Dans ce cas, l’article 9bis ne joue qu’en tant que règle de procédure permettant de justifier l’introduction de la demande de séjour en Belgique. Il faudra dès lors démontrer dans la demande qu’on réunit bien les conditions de fond du séjour que l’on sollicite.

Par contre, il est des cas dans lesquels on ne peut se prévaloir d’un droit de séjour expressément visé par la loi. Une autorisation de séjour peut également être sollicitée sur base de l’article 9bis dans ces cas. Les circonstances invoquées peuvent viser de très nombreuses hypothèses dans la mesure où le ministre ou son délégué dispose d’un pouvoir discrétionnaire et statue au cas par cas.

Certaines circonstances invoquées en recevabilité pourront également l’être au fond.

34 Circulaire du 9 octobre 1997 relative à l’application de l’article 9.3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ; circulaire du 10 octobre 1997 relative aux étrangers qui, suite à des circonstances indépendantes de leur volonté, ne peuvent provisoirement donner suite à un ordre de quitter le territoire pris à leur encontre dans le cadre de la loi du 15 décembre 1980 ; circulaire du 15 décembre 1997 relative à l’application de l’article 9.3 de la loi du 15 décembre 1980 et la régularisation de situations particulières (M.B., 19 décembre 1998) ; circulaire du 19 février 2003 relative à l’application de l’article 9.3 de la loi du 15 décembre 1980 (M.B., 17 mars 2003) ; circulaire du 21 juin 2007 relative aux modifications intervenues dans la règlementation en matière de séjour suite à l’entrée en vigueur de la loi du 15 septembre 2006 (M.B., 4 juillet 2007) ; Déclaration ministérielle du 7 décembre 2006 sur l’application de l’ancien article 9.3 de la loi du 15 décembre 1980 ; Instruction du 26 mars 2009 relative à l’application de l’ancien article 9.3 et de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 ; Instruction du 19 juillet 2009 relative à l’application de l’ancien article 9.3 et de l’article 9bis de la loi sur les étrangers.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 11



En effet, le Conseil d’Etat considère que « L’examen de la demande sous deux aspects, celui de la recevabilité et celui du fond, n’exclut nullement qu’un même fait soit à la fois une circonstance exceptionnelle permettant d’introduire la demande en Belgique et un motif justifiant l’octroi de l’autorisation de séjour »35.
Ainsi, il est important d’expliquer clairement et le plus complètement possible quelle est la situation spécifique de l’étranger, et en quoi cette situation pourrait constituer un motif de régularisation de séjour.
L’instruction du 19 juillet 20094.

En l’absence de campagne de régularisation « massive » depuis la loi de 1999, ou de politique de régularisation claire, il devenait impératif, sur le plan humanitaire et afin d’assurer le respect des droits fondamentaux de ces personnes par l’Etat belge, de « régler la question des sans papiers ». L’accord de gouvernement du 18 mars 2008 prévoit la mise en oeuvre d’une régularisation sur base de critères clairs. Le 19 juillet 2009, après des mois de blocage politique, le comité ministériel restreint s’accorde pour une instruction ministérielle. Le gouvernement adopte ainsi de nouveaux critères de régularisation dont certains seront permanents, et d’autres temporaires, c’est-à-dire qu’ils ne vaudront que pour les demandes introduites entre le 15 septembre 2009 et le 15 décembre 2009.

L’instruction vise deux catégories de personnes : les étrangers qui ont fait l’objet d’une longue procédure d’asile et ceux qui se trouvent dans une situation humanitaire urgente.

L’instruction précise qu’il est question de situation humanitaire urgente si l’éloignement du demandeur était contraire aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la convention européenne des droits de l’enfant ou la CEDH. Elle énumère ensuite une série de situations qu’elle considère comme des situations humanitaires urgentes. En dehors de ces critères, elle précise encore que le Ministre ou son délégué pourrait utiliser son pouvoir discrétionnaire pour considérer d’autres situations comme des situations humanitaires urgentes, et qu’une attention particulière sera portée aux étrangers appartenant à un groupe vulnérable.

Le Vade-mecum qui explicite l’instruction précise que doit être considérée comme situation humanitaire urgente toute situation tellement bloquée que la personne ne s’en sort pas et dans laquelle un éloignement entraînerait la violation d’un droit fondamental de sorte qu’un séjour en Belgique est la seule solution. Il rappelle que la liste de situations humanitaires urgentes établie dans le cadre de l’instruction du 19 juillet 2009 n’est pas exhaustive, et que le Ministre pourra user de son pouvoir discrétionnaire dans d’autres cas. Il rappelle également la prise en compte des groupes vulnérables, et cite en exemple les femmes et les enfants qui auraient subi des maltraitances, ou qui auraient été abusés
35 C.E. 9 avril 1998, arrêt n° 73.025, Rev. Dr. Etr., 1998, n° 97 page 69-72



Etat des lieux de la régularisation de séjour 12

ou exploités, ou encore les personnes qui se trouvent dans une situation personnelle ou familiale telle que leur seule source de salut est la régularisation de leur séjour.

Celui qui satisfait aux critères de régularisation tels que décrits dans l’instruction du 19 juillet 2009 satisfait à la condition de démontrer des circonstances exceptionnelles. Dans ce cas, les circonstances exceptionnelles sont à la fois les motifs de fond qui justifient la demande de séjour, et les conditions de recevabilité de celle-ci.

Cette instruction a été annulée par le Conseil d’Etat par un arrêt du 9 décembre 200936. En effet, comme nous venons de le souligner, celle-ci permet aux étrangers d’être dispensés de démontrer des circonstances exceptionnelles, s’ils se trouvent dans les conditions décrites, qui en tant que telles n’empêchent pas un retour temporaire vers leur pays d’origine, et ne justifient pas les raisons pour lesquelles la demande a été introduite en Belgique et non au poste diplomatique étranger. Dans le cadre de cette instruction, on voit que la distinction entre les circonstances exceptionnelles qui rendent l’introduction de la demande à l’étranger impossible ou très difficile, et les circonstances exceptionnelles de l’ordre des arguments de fond qui justifient la demande de séjour, s’estompe. Le Conseil d’Etat a considéré que seul le législateur pouvait ainsi dispenser l’étranger de l’obligation imposée par l’article 9bis de démontrer des circonstances exceptionnelles. L’instruction ayant ajouté à la loi, elle a été annulée par la Haute juridiction.

Pourquoi en parler encore aujourd’hui ?4. 1.

De nombreux dossiers sont toujours en traitement ;•
Certains des critères étaient « ponctuels » (2.8.A et 2.8.B) mais peuvent encore • poser problème, et surtout, les autres critères sont « permanents » (1.1 à 2.7) et donc toujours d’application aujourd’hui ;
Enfin, malgré l’annulation de l’instruction par le Conseil d’Etat, le Secrétaire • d’Etat, Monsieur Wathelet, a assuré qu’il continuerait à appliquer les critères prévus par celle-ci sur base de son pouvoir discrétionnaire.
Quelles sont les situations visées par l’instruction ?4. 2.


PROCÉDURES DE LONGUE DURÉEI.


1.1. Les étrangers engagés dans une procédure d’asile déraisonnablement longue de 3 ans pour les familles avec enfants scolarisés ou de 4 ans pour les isolés et autres types de familles. La procédure d’asile est comptabilisée jusqu’à la décision du CCE.
1.2. Les étrangers dont la procédure d’asile est déraisonnablement longue (4 ans pour les familles avec enfants scolarisés ou 5 ans pour les isolés et les autres familles). Dans ce cadre, on comptabilise également la procédure devant le Conseil d’Etat et/ou une procédure de régularisation subséquente à la procédure d’asile.
36 C.E., 9 décembre 2009, arrêt n°198.769, Rev. Dr. Etr., 2009, n° 156, p. 683



Etat des lieux de la régularisation de séjour 13

CERTAINES SITUATIONS HUMANITAIRES URGENTESII.

2.1. L’étranger, auteur d’un enfant mineur belge qui mène une vie familiale réelle et effective avec son enfant ;
2.2. L’étranger, auteur d’un enfant mineur, citoyen de l’UE, pour autant que cet enfant dispose de moyens d’existence suffisants, éventuellement procurés par ce parent, et que ce parent prenne effectivement soin de l’enfant ;
2.3. Les membres de famille d’un citoyen de l’UE qui ne tombent pas sous le champ d’application du regroupement familial (article 40 de la loi sur le séjour) mais dont le séjour doit être facilité en application de la directive européenne 2004/38, à savoir, les membres de famille, quelle que soit leur nationalité, qui sont à charge du citoyen de l’UE dans le pays d’origine ou qui habitaient avec lui, ou qui pour des raisons de santé graves, nécessitent des soins personnels de la part du citoyen de l’UE ;
2.4. L’étranger qui a été autorisé ou admis à un séjour illimité en Belgique lorsqu’il était mineur et qui est retourné dans son pays d’origine, sous la contrainte ou pas, et qui ne peut invoquer un droit de retour tel que prévu par la loi et les arrêtés royaux, pour autant qu’il puisse apporter les preuves de cette situation ;
2.5. Les époux qui ont une nationalité différente et qui sont originaires de pays qui n’acceptent pas ce type de regroupement familial et dont l’éloignement vers leurs pays d’origine respectifs entraînerait l’éclatement de la cellule familiale, surtout lorsqu’ils ont un enfant commun ;
2.6. Les étrangers qui ont une pension ou une pension d’invalidité accordée par l’Etat belge mais qui ont perdu leur droit au séjour en Belgique suite à leur retour dans le pays d’origine ;
2.7. Les familles avec des enfants scolarisés dont la procédure d’asile est clôturée ou pendante, à condition qu’elles puissent justifier d’un séjour ininterrompu d’au moins 5 ans, qu’elles aient introduit une demande d’asile avant le 01/06/2007, que l’examen de cette demande par les instances d’asile (O.E., CGRA, CPRR) ait au moins duré 1 an et que les enfants scolarisés fréquentent l’école depuis au moins le 01/09/2007. Ces conditions sont cumulatives.
2.8. Pour les demandes introduites entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009, l’étranger avec un ancrage local durable en Belgique entrera également en considération. Cette situation concerne l’étranger qui a établi en Belgique le centre de ses intérêts affectifs, sociaux et économiques. L’existence d’un ancrage local durable est une question factuelle qui fait l’objet d’un examen soumis à l’appréciation souveraine du ministre ou de son délégué.


Etat des lieux de la régularisation de séjour 14




Entrent en considération les étrangers suivants :

L’étranger qui, préalablement à sa demande, a un séjour ininterrompu d’au • moins 5 ans en Belgique et, qui avant le 18/03/2008 a soit séjourné légalement en Belgique (sauf séjour touristique)--
soit effectué des tentatives crédibles pour obtenir un séjour légal en Belgique.--

L’étranger qui préalablement à sa demande a un séjour ininterrompu en Belgi• que depuis avant le 31/03/2007 et qui produit une copie d’un contrat de travail soit à durée déterminée d’au moins 1 an, soit à durée indéterminée, prévoyant un salaire équivalent au moins au salaire minimum garanti. Il s’agira d’un contrat de travail sous permis de travail B

Les exclusions4. 3.

La fraude et le fait de constituer un danger pour l’ordre public sont des motifs d’exclusion de la régularisation sur base de l’instruction et en général. L’OE juge au cas par cas, selon la gravité des faits, la relevance des faits et la balances des intérêts entre les éléments positifs et négatifs dans la demande. L’administration doit motiver sa décision en fait et en droit. Les faits commis à l’étranger peuvent également être pris en compte.

Les effets de l’annulation de l’instruction par le C.E.4. 4.

Comme déjà précisé, l’instruction de régularisation a été annulée par le Conseil d’Etat parce qu’elle ajoutait à la loi. La question a été posée de l’impact de cette annulation sur l’examen des demandes, dans la mesure où, alors que l’instruction est sensée n’avoir jamais existé, le secrétaire d’Etat s’est engagé à l’appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, ce qui est confirmé par le texte des décisions individuelles de l’OE.

Dans le cas d’une demande fondée sur un des critères temporaire et introduite après le 15 décembre 2009, le RVV a considéré que celle-ci ne pouvait être déclarée irrecevable au seul motif qu’elle avait été introduite au-delà du délai prévu par l’instruction sans méconnaître l’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat37.

Dans une affaire du 22 décembre 2010, le CCE a jugé que si le Secrétaire d’Etat s’était engagé quant à l’application des critères prévus dans l’instruction du 19 juillet 2009, il n’en avait pas fait de même quant à l’application des procédures prévues par la même instruction38.

Dans la même cause, le CCE rappelle que les instructions « ne peuvent en tout état de cause pas fonder un moyen, dans la mesure où elles ont été annulées par le Conseil d’Etat et sont censées ne jamais avoir existé, et ce, quand bien même le Secrétaire d’Etat s’est
37 RVV, arrêt n° 53.240 du 16 décembre 2010
38 CCE, 22 décembre 2010, n° 53.660, Rev. Dr. Etr., 2010, n° 160, p. 529



Etat des lieux de la régularisation de séjour 15


engagé à continuer à en appliquer les critères dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sur base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 »
.
Doit-on en déduire que cet engagement n’ayant pas de portée règlementaire, l’administration pourrait très bien décider de ne plus faire application de ces critères, le non-respect de ceux-ci ne pouvant être invoqué devant les juridictions ?

Il nous semble que la jurisprudence du CE39, selon laquelle l’administration ne peut s’écarter d’une ligne de conduite qu’elle s’est elle-même tracée qu’en motivant pourquoi elle s’en écarte pourrait peut-être s’appliquer en l’espèce.

Malgré l’absence de fondement juridique à cet engagement, l’OE ne peut ignorer les directives du Ministre. Le Conseil d’Etat, a d’ailleurs suspendu par un arrêt du 10 avril 2006 le refus de régularisation dans lequel l’office des étrangers affirmait qu’il n’était pas lié par les déclarations du Ministre sur la politique de régularisation en cas de longue procédure d’asile. Le Conseil d’Etat a jugé qu’une telle position était arbitraire et menait à une situation d’insécurité juridique inacceptable : « Considérant que le requérant paraît pouvoir bénéficier d’une régularisation fondée sur les critères ainsi énoncés dans cette « déclaration ministérielle », critères que les décisions querellées se bornent à ne pas appliquer sous le seul prétexte que cette déclaration « n’a pas le caractère d’une norme de droit » ; considérant sans doute, que cette déclaration n’a pas le caractère d’une norme de droit, mais qu’il convient néanmoins de s’interroger sur sa nature et sur les conséquences qu’il convient d’y attacher ; considérant qu’à suivre la partie adverse, il ne s’agirait que d’une déclaration d’intention politique, déterminant des règles à exécuter par l’office des étrangers, mais dénuées de caractère obligatoire et que l’office pourrait donc respecter ou non, selon son bon plaisir ; qu’une telle institutionnalisation de l’arbitraire administratif est évidemment inadmissible »40.
Le Conseil d’Etat a par ailleurs considéré dans un arrêt récent du 5 octobre 201141 que l’administration ne pouvait se fonder uniquement sur le fait qu’il n’est pas satisfait aux critères tels que définis dans l’instruction de juillet 2009 pour rejeter une demande de séjour fondée sur l’article 9bis. Dans le cas d’espèce, la demande de séjour avait été déclarée non fondée exclusivement sur base du fait qu’il n’était pas satisfait à la condition de durée du séjour prévue par l’instruction (annulée). Cette condition a été appliquée comme une règle impérative, et le secrétaire d’Etat n’a exercé aucun pouvoir d’appréciation. Or, l’article 9bis ne contient aucune condition de durée de séjour, de sorte que, selon le Conseil d’Etat, le Secrétaire d’Etat a ajouté une condition à la loi.

39 C.E., n° 97.526, 6 juillet 2001
40 C.E., 10 avril 2006, arrêt n° 157.452, Rev. Dr. Etr., 2006, n°138, p. 213
41 C.E., 5 octobre 2011, n° 215.571



Etat des lieux de la régularisation de séjour 16

Critères de régularisation5.

Nous allons ici tenter de passer en revue les critères que la pratique administrative a dégagés comme permettant d’obtenir un séjour en Belgique sur base de l’article 9bis. Nous utiliserons pour les répertorier une catégorisation empruntée à J.-Y. Carlier, P. De Bruycker, M.-C. Foblets et D. Vanheule42 :
La durée des procédures•
L’impossibilité de retour•
Les attaches sociales durables•
Les motifs économiques•


Première catégorie : la durée des procédures5. 1.

Longue procédure d’asile>>
La longue procédure d’asile a toujours été l’un des critères admis pour une demande de régularisation. En effet, selon le principe de bonne administration, la demande d’asile doit être traitée rapidement et l’Etat belge qui n’y arrive pas est en quelque sorte responsable du long séjour et de l’intégration de l’intéressé.
Par conséquent, le critère a été reconnu comme pouvant constituer une circonstance exceptionnelle par la jurisprudence43.

La loi de régularisation de 1999 qui organisait la seconde campagne de régularisation prévoyait que les personnes en demande d’asile depuis 4 ans (3 ans pour les familles avec enfants scolarisés) pouvaient demander leur régularisation sur cette base.

Depuis lors, en 2004, le gouvernement a annoncé verbalement l’application généralisée de ce critère suite à la régularisation d’un groupe de demandeurs d’asile Afghans. Cela n’a cependant pas été rendu officiel. Le 7 Décembre, l’OE a donné une brève explication écrite de sa pratique, qui a été publiée dans les documents parlementaires et sur le site de l’OE. Le 26 mars 2009, la Ministre Turtelboom a rappelé, dans une instruction à l’OE, que ce critère devait être maintenu.

Dans l’instruction du 19 Juillet 2009, le critère est étoffé : il vise deux hypothèses : celle de la procédure d’asile au sens strict, visée par la loi de 1999, mais aussi, selon une interprétation extensive de la procédure d’asile, l’hypothèse d’une procédure d’asile qui comprend le recours au Conseil d’Etat et la procédure de régularisation subséquente à la procédure d’asile.

42 Op. cit., p. 13. Les pratiques mentionnées ci-dessous en ce qui concerne l’instruction sont également tirées du vade mecum qui accompagnait l’instruction, des procès-verbaux du Comité de suivi de la régularisation, du site internet Vreemdelingenrecht.be, ainsi que de la pratique constatée dans le cadre des consultations juridiques menées à l’ADDE asbl.

43 Par exemple, C.E., 4 mars 2002, n° 104.282, Rev. Dr. Etr., 2002, n° 117, p. 77



Etat des lieux de la régularisation de séjour 17

Première hypothèse : la procédure d’asile de 3/4 ans

Les personnes sont en principe éligibles à la régularisation de leur séjour en Belgique si elles:
Ont demandé l’asile •
N’ont reçu aucune décision après plus de quatre ans ou aucune décision après • plus de 3 ans pour les familles avec enfants scolarisés.
Les personnes sont admissibles que leur procédure d’asile soit pendante ou ait déjà été rejetée.
Ce critère de régularisation ne s’applique pas si la durée de la procédure d’asile, en totalité ou en partie, est due à la conduite trompeuse du demandeur.
Depuis le 19.07.2009 tous les enfants scolarisés sont pris en considération pour la durée de 3 ans de procédure, sans restriction d’âge, et quel que soit le niveau d’enseignement officiel maternel, primaire, secondaire ou supérieur. Ceci ne s’applique que dans la mesure où l’enfant est toujours à charge de ses parents. (Avant le 19/07/2009, seuls les enfants entre 6 et 18 ans étaient admissibles.)
Depuis cette date, sont également pris en considération les enfants qui ne sont scolarisés qu’après la procédure d’asile. (Avant le 19/07/2009, on ne prenait en compte que les enfants soumis à l’obligation scolaire au moins partiellement pendant la procédure d’asile.)

Calcul de la durée de la procédure d’asile

La durée de la procédure d’asile est calculée à partir de la date du dépôt de la demande d’asile à l’OE jusqu’à la décision exécutoire (= notification officielle) sur la demande d’asile.
Par décision exécutoire on entend : une décision de rejet de la demande d’asile par les autorités d’asile contre laquelle aucun recours suspensif ne peut plus être introduit.
Cela signifie:
une décision de refus prise par l’office des étrangers (OE) : l’annexe 13qua• ter (non prise en considération d’une nouvelle demande d’asile) ou annexe 25quater/26quater (incompétence de la Belgique pour l’examen de la demande en vertu du règlement dit de Dublin) contre laquelle aucun recours suspensif n’est plus possible, ou une décision d’irrecevabilité (avant le 01.06.2007), contre laquelle aucun recours n’a été déposé au CGRA.
une décision de refus de protection du Commissariat général aux Réfugiés et • aux Apatrides (CGRA) qui n’a pas été contestée devant le CCE ou une décision



Etat des lieux de la régularisation de séjour 18

d’irrecevabilité avant le 1.06.2007.
une décision de refus de protection sur le fond par le CCE suite au recours contre • la décision du CGRA, ou selon l’ancienne procédure d’asile par l’ancienne Commission permanente de recours des réfugiés permanents (CPRR).
Dans cette première hypothèse, le recours au Conseil d’Etat n’est pas comptabilisé. Cependant, en cas d’annulation par le C.E. ou le CCE de la décision de refus de l’autorité, on prendra en compte, dans le calcul du délai, le temps écoulé avant que la juridiction ne se soit prononcée par rapport à la requête, ainsi que le temps nécessaire à l’autorité pour statuer à nouveau sur la demande.
Deux procédures d’asile successives peuvent être prises en considération si la seconde demande est déclarée « recevable » et dans ce cas, la période entre les demandes n’est pas comptée. La phase de recevabilité de la procédure d’asile a cependant été supprimée lors de la refonte de la procédure en 2007. Cette règle ne s’applique donc a priori qu’aux anciennes procédures d’asile.
Seconde hypothèse : Longues procédures consécutives (4/5 ans)
Ce second critère, mis en place par l’instruction de juillet 2009, permet de prendre en compte le délai de recours au C.E. et/ou les demandes de régularisation subséquentes. Le délai est porté à 4 ans pour les familles avec enfants scolarisés, et à 5 ans pour les autres.
Il s’agit des cas suivants:
Une procédure d’asile suivie d’un recours au Conseil d’Etat.•
Une procédure d’asile suivie d’un recours au Conseil d’Etat et d’une procédure • article 9, paragraphe 3, ou 9bis (demande de régularisation introduite avant le 18 mars 2008).
Une procédure d’asile suivie par une procédure article 9, paragraphe 3, ou 9 bis • (demande de régularisation introduite avant le 18 mars 2008).
Les situations ci-dessus sont prises en considération pour une demande de régularisation lorsque les personnes ne constituent pas une menace pour l’ordre public ou la sécurité nationale, et qu’elles n’ont pas essayé de tromper l’autorité ni commis aucune fraude.
La procédure ultérieure (recours au C.E. ou demande de régularisation) doit être encore en cours ou du moins avoir été clôturée après le 18.03.2008.
Dans ce cas-ci, lorsque plusieurs procédures d’asile ont été introduites, on prendra en considération la plus longue, et non la seconde, comme c’est le cas pour le critère précédent.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 19
Dossier thématique

Effets de la décision de régularisation sur la procédure d’asile

La demande de Régularisation n’a aucun effet sur la procédure d’asile. La procédure d’asile va continuer et le document d’asile sera délivré plus tard.

Par contre, si une décision favorable est prise sur la demande de séjour 9bis, et qu’un titre de séjour permanent est octroyé, alors la procédure d’asile s’arrêtera, sauf si la personne s’y oppose. Le statut de réfugié reconnu présente un certain nombre d’avantages et offre un statut social préférentiel. Cela peut donc être utile de demander la poursuite de la procédure d’asile. Ainsi, la personne régularisée qui en plus de son statut de séjour illimité veut aussi être reconnue réfugié, doit solliciter la poursuite de l’examen de sa demande d’asile dans les 60 jours de la remise du titre de séjour, par lettre recommandée à l’instance d’asile où la demande est toujours pendante (OE, CGRA ou CCE) ou, lorsque la demande est au Conseil d’Etat, auprès du CE. A défaut, la demande d’asile ou le recours au Conseil d’Etat sera officiellement déclaré(e) sans objet44.

Longue procédure de RF>>


Il semblerait45 que l’office applique une politique de régularisation pour les personnes qui sont en procédure de regroupement familial depuis longtemps.

Cela concerne les dossiers dans lesquels la demande a été refusée par l’office, décision contre laquelle un recours suspensif a été introduit auprès du CCE, recours qui dort depuis longtemps. Le délai serait le même que pour les longues procédures d’asile soit 3/4 ans, selon qu’il y a ou non un ou des enfants scolarisés.
Seconde catégorie : l’impossibilité de retour5. 2.

Parfois, les étrangers ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine pour des raisons indépendantes de leur volonté. Dans de tel cas, les personnes vont pouvoir demander un droit de séjour en Belgique. Attention cependant, une impossibilité temporaire (en cas de grossesse par exemple) pourra éventuellement être retenue comme circonstance exceptionnelle en recevabilité, mais ne sera pas suffisante pour justifier l’octroi du séjour au fond.

L’impossibilité de fait ou administrative>>

On fait une distinction entre l’impossibilité de fait et l’impossibilité administrative.
De fait : le retour est rendu impossible par une circonstance de fait. Exemple : l’aéroport est fermé ou il n’y a pas d’avions qui volent vers ce pays.

Administrative : L’ambassade refuse de délivrer des documents de voyage ou un laissez-passer.
44 Article 55 de la loi du 15 décembre 1980
45 Selon Kruispunt-Migratie Integratie, site vreemdelingenrecht.be
Etat des lieux de la régularisation de séjour 20

Ces personnes peuvent demander la prolongation de leur OQT pour ces raisons. Si l’étranger ne peut rentrer dans son pays d’origine pour une plus longue durée, alors il peut solliciter une autorisation au séjour sur cette base.

La pratique de l’OE montre qu’il faut d’abord demander un certain nombre de prolongations d’OQT avant de pouvoir demander le séjour sur base de l’impossibilité de retour.

Il semble que ces demandes ne soient que rarement accordées.

L’étranger doit d’abord tenter de rentrer volontairement pour démontrer l’impossibilité. Pour cela, il est possible de faire appel à l’OIM.
Ce n’est que lorsqu’on prouve avoir fait tout son possible pour rentrer et qu’il n’a pu y parvenir que l’OE accordera un titre de séjour.


L’apatridie>>

L’impossibilité peut aussi être justifiée par le fait que la personne n’a pas de nationalité et donc pas de pays vers lequel elle peut être rapatriée. La reconnaissance de l’apatridie n’a aucune conséquence sur le droit de séjour. L’apatride reconnu ne reçoit pas automatiquement un droit de séjour. Il faut donc solliciter une demande de régularisation sur base de l’article 9bis.
Le candidat apatride peut bien sûr déjà demander la régularisation de son séjour sur base de l’impossibilité de retour, même s’il n’est pas encore apatride reconnu.
Le fait d’être apatride a été reconnu comme circonstance exceptionnelle par la jurisprudence46.
L’article 3 CEDH>>

Un étranger peut également être dans l’impossibilité de rentrer parce qu’il risque d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou à la torture en cas de retour dans son pays d’origine.
Dans la plupart des cas, le risque de violation de l’article 3 CEDH en cas de retour implique de demander l’asile ou la protection subsidiaire. Mais dans certains cas, la crainte n’est pas liée aux motifs de l’asile. On peut par exemple risquer de subir des traitements contraires à l’article 3 CEDH lorsqu’on est malade, et qu’un arrêt, même temporaire du traitement, le temps du voyage, aurait des conséquences graves sur la santé.

La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi considéré que « l’expulsion d’une
46 C.E., 24 mai 2004, arrêt n° 131.652, Rev. Dr. Etr., n°128, 2004, p. 221



Etat des lieux de la régularisation de séjour 21

personne qui obligerait celle-ci à interrompre un traitement médical vital pourrait équivaloir, dans certaines circonstances, à un traitement inhumain »47.

De même, les problèmes psychologiques peuvent constituer une circonstance exceptionnelle, lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une violation possible de l’article 3 CEDH en cas de retour48.

Il semble que le fait d’être objecteur de conscience dans un pays qui réprime ce choix puisse également être invoqué au titre de circonstance exceptionnelle. Le CCE a considéré que « dans la mesure où la partie requérante avait invoqué, dans sa demande d’autorisation de séjour, qu’un retour, même temporaire, en Turquie constituerait une violation d’un droit fondamental reconnu par un instrument international d’effet direct, en l’occurrence l’article 3 CEDH (…) en invoquant à l’appui des éléments suffisamment précis, il appartenait à la partie défenderesse (…) d’indiquer dans les motifs de sa décision les raisons pour lesquelles elle estimait que les éléments invoqués n’étaient pas suffisamment sérieux et avérés pour être constitutifs d’une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 9bis ».

Le Conseil ajoute que la considération suivant laquelle « le refus de faire son service militaire ne peut en soi être considéré comme une circonstance exceptionnelle » repose « sur un postulat erroné, en ce qu’elle fait totalement abstraction des circonstances particulières de l’espèce, où ce n’est pas tant le refus de faire son service militaire qui était invoqué à titre de circonstance exceptionnelle que les conséquences d’un tel refus dans le contexte décrit à l’appui de la demande »49.

La protection de l’article 3 a une portée absolue, et on ne peut jamais y déroger, même pour des motifs d’ordre public par exemple.

La Cour EDH, considère en ce sens que « les agissements de la personne considérée, aussi indésirables ou dangereux soient-ils, ne sauraient entrer en ligne de compte »50.

Les demandeurs d’asiles déboutés avec une clause de non- reconduite>>


En principe, depuis le 10 octobre 2006, les personnes pour qui il y aurait un risque en cas de retour du fait de la situation dans leur pays d’origine peuvent obtenir la protection subsidiaire via la procédure d’asile.
Avant le 10 octobre 2006, il arrivait que le CGRA prenne une décision négative sur la demande d’asile avec une clause de non reconduite. Ainsi, le CGRA conseillait au Ministre de l’intérieur ou à son délégué de ne pas rapatrier l’étranger à cause de la situation dans son pays d’origine ou de sa situation personnelle.

47 Notamment Cour EDH, D. c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mai 1997 (Requête N° 30240/90); ou Bensaïd c. Royaume-Uni, arrêt du 6 février 2001 (Requête n° 44599/98).
48 Cela a été confirmé par le CCE dans l’affaire n° 36.370 du 21 décembre 2009, Rev. Dr. Etr., 2009, n° 156, p. 696.
49 CCE, 27 mai 2009, n° 27.892, Rev. Dr. Etr., 2009, n° 153 p. 190
50 Arrêt Chahal c. Royaume Uni, 15 novembre 1996 (Requête n° 13078/87) §§ 79-80.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 22

Ces personnes pouvaient donc demander une prolongation de leur OQT puissent qu’elles étaient inexpulsables.

Elles peuvent aujourd’hui demander un type de protection spécifique, la protection subsidiaire, lorsque les circonstances sécuritaires dans le pays d’origine sont telles qu’elles ne peuvent rentrer.

Pour les personnes qui possèdent encore une décision avec une clause de non-reconduite d’avant 2006, il existe une procédure spécifique : la protection subsidiaire peut être demandée via la commune de résidence.
Dans certains cas cependant, il arrive encore que le CGRA indique cette clause ans sa décision de refus de protection. Il s’agit des situations qui ne sont pas prises en considération ni pour l’asile, ni pour la protection subsidiaire, mais où il y aurait tout de même un problème en cas de retour. Ces personnes sont inexpulsables mais ne peuvent bénéficier d’une des protections.

Ces personnes peuvent, sur base de leur impossibilité de retour accréditée par l’avis du CGRA, solliciter une prolongation de leur OQT. Si l’étranger ne peut rentrer pendant une longue période, il pourra obtenir un droit de séjour temporaire ou définitif.

La maladie>>

L’article 9 contient aujourd’hui un article 9ter qui vise l’impossibilité de retour pour raisons médicales dans le cas où le retour impliquerait un risque d’être soumis à un traitement inhumain ou dégradant lorsqu’il n’y a pas de traitement adéquat dans le pays d’origine.

D’autre part, l’article 9bis prévoit que seront écartés les éléments déjà invoqués dans une demande fondée sur l’article 9ter.
Cependant, des éléments médicaux peuvent à juste titre être invoqués dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 9bis.

Le CCE a, à cet égard, jugé que des éléments médicaux pouvaient le cas échéant constituer des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 et que la requérante et sa situation médicale ne s’inscrivent pas nécessairement dans le cadre de l’article 9ter de la loi51.
La juridiction a par ailleurs considéré que manquait à son obligation de motivation formelle la décision de l’administration qui écarte en tant que circonstances exceptionnelles des arguments fondés sur des problèmes psychologiques, étayés par des attestations de psychologues, en les considérant comme des problèmes médicaux et en renvoyant le requérant à la procédure prévue par l’article 9ter52.

51 CCE, 29 avril 2010, n° 42.699, Rev. Dr. Etr., n°158, p. 161
52 CCE, 21 décembre 2009, n° 36.370, Rev. Dr. Etr., n° 156 p. 696



Etat des lieux de la régularisation de séjour 23

Troisième catégorie : Les attaches sociales durables en Belgique5. 3.


Les personnes qui possèdent des liens solides avec la Belgique, que ce soit des liens avec une personne, ou plus simplement des liens forts avec le pays, peuvent dans certaines situations déterminées obtenir leur régularisation sur base de l’article 9bis.


La demande fondée sur l’article 8 CEDH>>


L’article 8 CEDH protège notamment le droit à la vie privée et familiale. L’obligation des Etats en vertu de cet article n’implique cependant pas de donner un droit de séjour aux étrangers.

En effet, en matière d’immigration, la Cour EDH a rappelé, à diverses occasions, que la CEDH ne garantissait, comme tel, aucun droit pour un étranger d’entrer ou de résider sur le territoire d’un Etat dont il n’est pas ressortissant53. L’article 8 de la CEDH ne peut davantage s’interpréter comme comportant, pour un Etat, l’obligation générale de respecter le choix, par des étrangers, de leur pays de résidence commune et de permettre le regroupement familial sur le territoire de ce pays54. En vertu d’un principe de droit international bien établi, il incombe en effet à l’Etat d’assurer l’ordre public, en particulier dans l’exercice de son droit de contrôler l’entrée et le séjour des non nationaux55. L’Etat est dès lors habilité à fixer des conditions à cet effet.

Cependant, certaines personnes pourront s’appuyer sur l’article 8 CEDH pour demander le séjour sur base du principe selon lequel un éloignement du pays impliquerait un risque de violation des droits de l’homme. La Cour EDH a en effet jugé dans plusieurs affaires qu’une expulsion pouvait violer l’article 8 CEDH, (même en cas d’infractions pénales) lorsqu’il existe une cellule familiale56.

L’élément le plus important se trouve ici : l’appréciation de l’existence ou non d’une cellule familiale. En matière d’immigration malheureusement, la conception de la CEDH de la famille est nucléaire. Le Conseil d’Etat a ainsi pu considérer que « la protection offerte par cette disposition concerne la famille restreinte aux parents et aux enfants. Elle ne s’étend qu’exceptionnellement »57.

Lorsqu’un risque de violation du droit au respect de la vie privée et/ou familiale est invoqué, la Cour EDH examine d’abord s’il existe une vie privée et/ou familiale au sens de la CEDH, avant d’examiner s’il y est porté atteinte par l’acte attaqué.

53 Cour EDH, 15 juillet 2003, Mokrani/France, n° 52206/99, § 23 ; Cour EDH, 26 mars 1992, Beldjoudi/France, § 74 ; Cour EDH, 18 février 1991, Moustaquim/Belgique, § 43
54 Cour EDH, 31 janvier 2006, Rodrigues Da Silva et Hoogkamer/Pays-Bas, § 39
55 Cour EDH, 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga/Belgique, § 81 ; Cour EDH, 18 février 1991, Moustaquim/Belgique, § 43 ; Cour EDH, 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali/Royaume-Uni, § 67
56 Cour EDH, 15 juillet 2003, Mokrani c. France, n° 52206/99 ; Emre c. Suisse, n° 42034/04 ; Yılmaz c. Allemagne, n° 52853/99 ; Üner c. Pays-Bas, n° 46410/99
57 Jurisprudence citée dans CCE, 16 janvier 2009, n° 21.532, Rev. Dr. Etr., n°152 p. 59




Ensuite, la Cour doit examiner s’il y a ingérence dans la vie familiale et/ou privée.

A cet égard, elle vérifie si l’étranger a demandé l’admission pour la première fois ou s’il s’agit d’une décision mettant fin à un séjour acquis.

S’il s’agit d’une première admission, la Cour EDH considère qu’il n’y a pas d’ingérence et il n’est pas procédé à un examen sur la base du deuxième paragraphe de l’article 8 de la CEDH.

Dans ce cas, la Cour EDH considère néanmoins qu’il convient d’examiner si l’Etat est tenu à une obligation positive pour permettre de maintenir et de développer la vie privée et/ou familiale58. Cela s’effectue par une mise en balance des intérêts en présence.

S’il ressort de cette mise en balance des intérêts que l’Etat est tenu par une telle obligation positive, il y a violation de l’article 8 de la CEDH59.

S’il s’agit d’une décision mettant fin à un séjour acquis, la Cour EDH admet qu’il y a ingérence et il convient de prendre en considération le deuxième paragraphe de l’article 8 de la CEDH.

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH n’est pas absolu. Il peut en effet être circonscrit par les Etats dans les limites énoncées au paragraphe précité. Ainsi, l’ingérence de l’autorité publique est admise pour autant qu’elle soit prévue par la loi, qu’elle soit inspirée par un ou plusieurs des buts légitimes énoncés au deuxième paragraphe de l’article 8 de la CEDH et qu’elle soit nécessaire dans une société démocratique pour les atteindre. Dans cette dernière perspective, il incombe à l’autorité de montrer qu’elle a eu le souci de ménager un juste équilibre entre le but visé et la gravité de l’atteinte.

Les buts légitimes pour lesquels il est possible de déroger à l’article 8 CEDH sont les suivants :

la sécurité nationale,•
l’ordre public,•
le bien-être économique du pays,•
la prévention des infractions pénales,•
la protection de la santé ou la moralité,•
la protection des droits et libertés d’autrui.•
Le droit au regroupement familial est limité à certaines catégories de personnes par la loi. Cependant, l’office des étrangers ne peut se baser uniquement là-dessus pour rejeter les demandes fondées sur l’article 8 CEDH. L’OE doit examiner au cas par cas

58 Cour EDH, 28 novembre 1996, Ahmut/Pays-Bas, § 63 ; Cour EDH, 31 janvier 2006, Rodrigues Da Silva et Hoogkamer/Pays-Bas, § 38
59 Cour EDH, 17 octobre 1986, Rees/Royaume-Uni, § 37



Etat des lieux de la régularisation de séjour 25
Dossier thématique

ce qui prime : le droit à la vie familiale ou l’objectif légitime poursuivi. Face à une demande fondée sur l’article 8 CEDH, il faut qu’apparaisse dans la décision de l’administration que la balance des intérêts a été faite entre les 2. Le Conseil d’Etat estime en effet qu’il incombe à l’administration de montrer qu’elle a eu le souci de ménager le juste équilibre entre le but visé et la gravité de l’atteinte au droit du requérant60.

Dans le cadre d’une demande de séjour sur base de l’article 9bis, il faut démontrer qu’il existe des «circonstances exceptionnelles» qui empêchent d’introduire la demande depuis le pays d’origine. Théoriquement, le fait même qu’il y ait des liens étroits avec un Belge ou un étranger en séjour légal en Belgique devrait pouvoir être considéré comme une circonstance exceptionnelle, lorsque l’obligation de retourner dans le pays d’origine pour introduire la demande peut constituer une violation du droit à la vie de famille. Cependant, en pratique, on constate que cette circonstance est rarement prise en considération, sauf dans des situations tout à fait spécifiques, comme lorsqu’il y a des enfants en bas âge ou scolarisés.

Ainsi, le CCE considère régulièrement que la décision attaquée est prise en application de la loi du 15 décembre 1980 dont les dispositions doivent être considérées come des mesures qui, dans une société démocratique, sont nécessaires pour contrôler l’entrée des non nationaux sur le territoire, et que l’ingérence est formellement conforme aux conditions dérogatoires de l’article 8, al. 2 CEDH, ainsi qu’au principe de proportionnalité.

Vu que le droit à la vie familiale est un droit subjectif, on peut aussi faire appel au tribunal de première instance (éventuellement en référé). Le tribunal peut alors exiger de l’OE qu’il délivre l’autorisation.
En ce qui concerne l’existence d’une vie familiale, il convient tout d’abord de vérifier s’il est question d’une famille. Il s’agit essentiellement d’une question de fait qui dépend de l’existence réelle dans la pratique de liens personnels suffisamment étroits61.

Il n’y a pas de définition exhaustive de la sphère de la vie familiale. La Cour EDH, pour évaluer les liens familiaux, examinera l’existence ou non de cohabitation, la durée de la vie commune, l’engagement mutuel (le fait par exemple de savoir si les concubins ont fait la preuve de leur engagement l’un envers l’autre en ayant des enfants ensemble), les soins et l’affection.

L’étranger qui pourra se prévaloir de l’article 8 sera celui qui forme au moins un ménage de fait avec un belge ou un étranger en séjour légal.

Un ménage de fait peut par exemple exister de la cohabitation entre des époux, des

60 C.E., 7 janvier 1998, arrêt n° 70.538, Rev. Dr. Etr., 1998, n° 97, p. 73 ; C.E., 9 juin 1998, arrêt n° 74.171, Rev. Dr. Etr., 1998, p. 221 ; C.E., 11 février 1999, Rev. Dr. Etr., 1999, n°102, p. 40
61 Cour EDH, 12 juillet 2001, K. et T./Finlande, § 150 ; K. c. Royaume-Uni, n° 11468/85, décision de la Commission du 15 octobre 1986, Décisions et Rapports (DR) 50, pp. 199, 207



Etat des lieux de la régularisation de séjour 26

(grand)-parents et des (petits)-enfants (car de tels parents peuvent jouer un rôle considérable dans la vie familiale)62, des collatéraux (frères, tantes,…)63, une famille d’accueil64, une famille adoptive65, des concubins66 (éventuellement du même sexe), des fiancés, etc.

Une relation sans cohabitation ne peut en principe pas être prise en considération à titre de vie familiale effective sauf :

Entre les parents et leurs enfants mineurs : « • Un enfant issu d’une union maritale s’insère de plein droit dans cette relation; partant, dès l’instant et du seul fait de sa naissance, il existe entre lui et ses parents un lien constitutif de «vie familiale» que des événements ultérieurs ne peuvent briser que dans des circonstances exceptionnelles »67.

Entre conjoints dans le cadre du mariage.•

Il n’y aura pas de vie familiale entre parents et enfants adultes à moins qu’ils ne puissent apporter la preuve d’éléments de dépendance supplémentaires68.
Par ailleurs, il faut démontrer qu’il serait très difficile de mener cette vie familiale dans le pays d’origine :
Parce qu’il n’y a plus de famille dans le pays d’origine.•

Si on tente d’obtenir le séjour en Belgique sur base des liens familiaux tissés en Belgique, il faut démontrer que ce ne serait pas possible d’avoir cette vie familiale effective dans le pays d’origine69. Les étrangers qui ont encore des liens familiaux au pays ne pourront pas se prévaloir du droit à la vie familiale en Belgique.
62 Price c. Royaume-Uni, n° 12402/86, décision de la Commission du 9 mars 1998, Décisions et rapports (DR) 55, pp. 224, 234 ; Bronda c. Italie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, p. 1489, § 51
63 Moustaquim c. Belgique, arrêt du 18 février 1991, Série A no. 193, p. 18, § 36 ; Boyle c. Royaume-Uni, arrêt du 28 février 1994, Série A no. 282-B, rapport de la Commission du 9 février 1993, pp. 27 et 28, §§ 41 à 47. Toutefois, l’approche traditionnelle est que les relations étroites en dehors de la “vie familiale” entrent généralement dans la sphère de la “vie privée ” (Znamenskaïa c. Russie, n° 77785/01, § 27, 2 juin 2005 et les références qui y figurent)

64 Le CCE a ainsi pu considérer que l’administration avait failli à son obligation de motivation formelle et n’avait pas eu le souci de ménager un juste équilibre entre le but visé et la gravité de l’atteinte au droit à la vie privée, en refusant la protection de l’article 8 CEDH sans autre développement alors que la requérante faisait état d’un lien entre elle et sa tutrice par Kafala, lien s’apparentant à une forme d’adoption, et comparable à un lien familial. (CCE, 16 janvier 2009, n° 21.532, Rev. Dr. Etr., n° 152 p. 59). Le Conseil d’Etat avait pris une décision allant dans le même sens en estimant que « l’éloignement du territoire qui implique la rupture des relations sociales et affectives profondes et harmonieuses que la requérante a tissées en Belgique depuis son arrivée, tant avec ses condisciples de classe qu’à l’égard de sa famille d’accueil, est une mesure disproportionnée au but légitime recherché par la partie adverse. » C.E., 11 février 1999, n° 78.711, Rev. Dr. Etr., n° 102, 1999, p. 40

65 Voyez par exemple CE, 78.711, 11 février 1999, Rev. Dr. Etr., n° 102 p. 40 et Cour EDH, X c. France, no. 9993/82, décision de la Commission du 5 octobre 1982, Décisions et Rapports (DR) 31, p. 241 ; X c. Belgique et Pays-Bas, n° 6482/74, décision de la Commission du 10 juillet 1975, DR 7, p. 75 ; Pini et autres c. Roumanie, nos. 78028/01 et 78030/01, §§ 139 et 140 et 43 à 148, CEDH 2004-V (extraits)
66 Johnston et autres c. Irlande, arrêt du 18 décembre 1986, Série A no. 112, p. 19, § 56
67 Ahmut c. Pays-Bas, arrêt du 28 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2030, § 60 ; Voir aussi Gül c. Suisse, arrêt du 19 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 173-174, § 32 ; Berrehab c. Pays-Bas, arrêt du 21 juin 1988, Série A no. 138, p. 14, § 21
68 Slivenko c. Lettonie [GC], n° 48321/99, § 97, CEDH 2003-X ; Kwakye-Nti et Dufie c. Pays-Bas (dec.), n° 31519/96, 7 novembre 2000
69 Voir par exemple CCE, 22 décembre 2010, n° 53.660, Rev. Dr. Etr., n° 160, 2010, p. 529



Etat des lieux de la régularisation de séjour 27

Parce qu’en outre, on ne peut attendre de la part de la famille qui réside en Bel• gique qu’elle déménage.
Même si la famille n’habite plus dans le pays d’origine, il est possible d’avoir une vie familiale dans le pays : la famille résidant en Belgique peut déménager vers le pays d’origine.

Cependant, il n’est pas forcément raisonnable d’attendre des membres de famille qu’ils déménagent. L’étranger peut invoquer à ce titre de nombreux arguments qui ont trait à l’intégration de la famille, son réseau social, l’émancipation en Belgique, la connaissance de la langue pour montrer qu’on ne peut attendre cela de la famille.

A côté du droit à mener une vie familiale, la CEDH a également consacré le droit à la vie privée. Selon la Cour, cela recouvre « l’intégrité physique et morale d’une personne », et la garantie offerte par l’article 8 est principalement destinée à « assurer le développement sans ingérences extérieures de la personnalité de chaque individu dans les relations avec ses semblables »70. Cette notion permet d’offrir aux étrangers qui n’ont pas de famille au sens que nous venons d’évoquer une certaine protection sur base des liens sociaux et de l’intégration dans la société d’accueil.

La Cour EDH a reconnu dans l’arrêt C. c. Belgique une atteinte à la vie privée en matière d’éloignement du territoire. Elle précise que « l’intéressé a tissé en Belgique de réels liens sociaux ; il y a habité depuis l’âge de 11 ans, y a reçu une formation scolaire puis professionnelle et y a travaillé pendant plusieurs années »71 de sorte qu’il y a établi une vie privée au sens de l’article 8 CEDH.

La demande fondée sur l’un des critères prévus par l’instruction de 2009>>


Plusieurs cas de nécessaire protection de la vie privée ou familiale effective devant permettre la régularisation sont spécifiquement visés en tant que situations humanitaires par l’instruction de juillet 2009 :

L’étranger, auteur d’un enfant mineur belge, qui mène une vie familiale réelle et • effective avec son enfant.
Il s’agissait d’une situation dans laquelle on pouvait demander une régularisation. Cependant, cette possibilité est maintenant visée par l’article 40ter de la loi du 15 décembre 1980, depuis la réforme intervenue en juillet 2001 en matière de regroupement familial.

L’étranger, auteur d’un enfant mineur européen, pour autant que cet enfant dis• pose de moyens d’existence suffisants, éventuellement procurés par ce parent, et que ce parent prenne effectivement soin de l’enfant.
70 CEDH, n°13178/03 du 12 octobre 2006, Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga c. Belgique , p. 27 § 83.
71 CEDH, C. c. Belgique, cité par S. Saroléa dans Droits de l’homme et migrations, De la protection du migrant aux droits de la personne migrante, Bruylant, 2006, p. 233



Etat des lieux de la régularisation de séjour 28
Dossier thématique

La situation est visée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en vue de préserver l’effet utile du droit de circuler de l’enfant citoyen européen72.

D’après le comité de suivi, deux cas de figure doivent être distingués : si l’enfant européen cohabite avec son parent, il faudra uniquement justifier de moyens de subsistance suffisants, et la preuve des soins sera établie sur base de la cohabitation. Par contre, s’il n’y a pas de cohabitation, il faudra justifier de moyens de subsistance suffisants et prouver qu’il prend effectivement soin de l’enfant (attestations de l’école, de la crèche, pension alimentaire, …)

L’étranger, membre de la famille élargie d’un citoyen de l’Union qui ne rentre pas • dans les dispositions sur le RF mais dont le droit de séjour doit être facilité en application de la directive 2004/38, à savoir, les membres de famille, quelle que soit leur nationalité, qui sont à charge du citoyen de l’UE dans le pays d’origine ou qui habitaient avec lui, ou qui pour des raisons de santé graves, nécessitent des soins personnels de la part du citoyen de l’UE. Selon le Comité de suivi, il faut que le ce soit un membre de famille jusqu’au 3e degré.

Les époux de différentes nationalités et qui sont originaires de pays qui n’ac• ceptent pas ce type de regroupement familial et dont l’éloignement vers leurs pays d’origine respectifs, entraînerait l’éclatement de la cellule familiale, surtout lorsqu’ils ont un enfant commun ;

Les familles avec enfants scolarisés depuis 2007 ;•
Les familles avec enfants scolarisés entrent en considération pour la régularisa• tion à condition que ;
Elles puissent justifier de 5 ans de séjour ininterrompu en Belgique ;•
Elles aient introduit une demande d’asile il y a au moins 5 ans, demande qui n’a • pas été prise en considération après le 1er juin 2007 ;

La procédure d’asile a duré au moins un an ; l’instruction ne dit pas si plusieurs • demandes d’asile peuvent être prises en considération ;

L’enfant doit être scolarisé depuis le 1• er septembre 2007, dans l’enseignement maternel, primaire, secondaire ou supérieur. L’enfant peut donc être majeur, à condition qu’il soit toujours à charge du ménage.
Les 5 ans se comptent au jour où la demande est introduite. Si la demande d’asile a été introduite avant le 1er juin 2007.

Par exemple, des personnes qui sont arrivées en Belgique le 15 mars 2006 et qui ont demandé l’asile. Leur demande a été clôturée négativement en juillet 2007, soit plus d’un an après leur demande. Ils sont en Belgique depuis 5 ans au 15 mars 2011 et peuvent donc demander leur régularisation sur base de ce critère si les enfants ont été

72 CJCE, 19 octobre 2004, Zhu et Chen, C-200/02.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 29

scolarisés dès le 1er septembre 2007.

L’étranger qui a été autorisé ou admis à un séjour illimité en Belgique lorsqu’il • était mineur et qui est retourné dans son pays d’origine, sous la contrainte ou pas, et qui ne peut invoquer un droit de retour tel que prévu par la loi et les AR, pour autant qu’il puisse apporter les preuves de cette situation ;

Les étrangers qui ont une pension ou une pension d’invalidité accordée par l’état • belge mais qui ont perdu leur droit au séjour en Belgique suite à leur retour dans le pays d’origine.

L’exemple le plus fréquent est celui des anciens mineurs qui ont vécu en Belgique puis sont rentrés dans leur pays d’origine. Si ces personnes ont droit à une pension de minimum 875 euros/mois en Belgique, ils peuvent prétendre être régularisés sur base de l’article 9bis.

L’ancrage local durable•


Attention : l’application de ce critère ne pouvait en tant que telle être invoquée qu’entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009.

Ici, les liens avec la Belgique sont entendus dans le sens des attaches que la personne a développé durant son séjour de quelques années en Belgique.

Les deux catégories d’étrangers qui pouvaient introduire une demande sur base de ce critère sont :

2.8.A : ceux qui avaient 5 ans de résidence au 18 mars 2008 en ce compris une période de séjour légal ou à tout le moins qui avaient fait au moins une tentative crédible pour régulariser leur séjour.
2.8.B : ceux qui résident en Belgique depuis avant le 31 mars 2007 et qui pouvaient produire un contrat de travail de minimum 1 an.

L’ancrage local durable vise l’étranger qui a établi en Belgique le centre de ses intérêts affectifs, sociaux et économiques. C’est une question de fait pour laquelle la situation globale de l’étranger doit être prise en considération. Seront examinés notamment par l’OE les liens sociaux, la scolarisation des enfants, la connaissance d’une langue nationale, et les perspectives professionnelles.

Il y avait des conditions de recevabilité assez strictes pour ces demandes, pour les deux catégories :
2.8.A : prouver le séjour depuis 5 ans et son ancrage local durable par toutes les pièces possibles, prouver les tentatives crédibles, ou le séjour légal (autre que touristique) ;



Etat des lieux de la régularisation de séjour 30

2.8.B : prouver le séjour depuis le 31 mars 2007, l’ancrage local durable, mais aussi produire un contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins un an, et qui satisfasse aux obligations en matière de travail, notamment point de vue de la rémunération minimum (1387,49 € brut/mois + obligations sectorielles éventuelles). Il fallait aussi obtenir le permis de travail B de la Région. Nous reviendrons sur cette catégorie spécifique au point suivant (motifs économiques).

Parmi les conditions imposées par l’instruction pour l’introduction d’une demande sur base de ce critère, la notion de tentatives crédibles est peut-être celle qui a suscité le plus de questionnements lorsqu’aucune demande de séjour n’avait été formalisée parce que l’intéressé en avait été découragé par son avocat ou un service social, au vu de l’absence de critères.

Nous renvoyons à ce sujet à un arrêt du CCE du 22 décembre 201073 qui précise quelque peu la notion de « tentatives crédibles » : l’OE ne peut déclarer une demande non fondée au motif que la « tentative crédible » n’est pas considérée comme « sérieuse ». Dans le cas d’espèce, le demandeur avait fait valoir le témoignage de l’asbl Link (Centrum voor Interculturele Samenlevingsopbouw). Cette asbl déclarait que l’étranger avait été informé par elle qu’elle devait attendre un accord sur la régularisation avant d’introduire sa demande. L’OE a considéré que la tentative crédible n’était pas sérieuse. En exigeant que la tentative devait également être sérieuse, l’OE a, d’après le CCE, ajouté une condition que l’instruction annulée ne prévoyait pas. La décision de l’OE fut ainsi annulée par le CCE.

D’après le comité de suivi, l’attestation circonstanciée d’un avocat ou d’un service social qui a déconseillé d’introduire une demande doit être jointe au dossier au moment de l’introduction de celui-ci « in tempore non suspecto ». L’attestation jointe tardivement ne sera pas prise en considération.

Toujours selon le comité de suivi, les demandes introduites sur base d’un des critères temporaires de régularisation, mais après la date butoir du 15 décembre 2009, seront prises en considération, à condition de prouver la faute de l’avocat par l’introduction d’une plainte au Bâtonnier, qui affirme que l’introduction tardive est imputable à l’avocat, et que l’erreur soit assez sérieuse pour que des suites soient données à la plainte.

En dehors de ces cas, les dossiers avec d’autres erreurs commises par l’avocat, seront examinés au cas par cas.



La demande fondée sur la scolarité des enfants>>

Il a été régulièrement tranché par le Conseil d’Etat que l’interruption d’une année sco73
N° 53.640.
Etat des lieux de la régularisation de séjour
31
Dossier thématique
L’ADDE
Décembre 2011
laire constituait une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 9, al. 3, de la loi du 15 décembre 198074.
Ceci s’applique à tous les enfants qui fréquentent l’école, y compris les maternelles.

L’interruption d’une année scolaire peut également constituer une violation de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant.
Il a ainsi été jugé que : « La Convention de New-York relative aux droits de l’enfant a été adoptée le 20 novembre 1989 et approuvée par la loi belge du 15 novembre 1991. L’article 3 de cette Convention dispose que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
L’article 28.5 de la même Co
nvention dispose que les Etats prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire ainsi que la réduction des taux d’abandon scolaire.
Dans son arrêt du 31 mars 1999, la Cour de cassation a estimé que l’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant avait une portée trop générale pour avoir un effet direct. Par contre, il en est autrement lorsque ce même article 3 est combiné avec un autre article de la même Convention, qui vise un droit spécifique.

Ces enfants ont appris à lire, écrire et compter en langue française et non pas en langue roumaine, ce qui représenterait un grave handicap en cas de retour en Roumanie.
Ce handicap est assurément de nature à faire perdre à ces enfants plusieurs années scolaires nécessaires au rattrapage de cette différence.

Attendu qu’en l’espèce en combinant l’article 3 avec l’article 28 de la Convention, il peut être admis – in concreto - que l’intérêt supérieur des enfants est de ne pas voir leur scolarité perturbée, et donc de poursuivre celle-ci en Belgique où ils l’ont commencée » 75.
Il a de même été jugé « Que la rédaction des articles 3 et 28 [de la Convention relative aux droits de l’enfant] combinée permet de conclure que les demandeurs possèdent un droit subjectif à ne pas voir la scolarité de leurs enfants perturbée ;

Qu’il apparaît que les deux enfants aînés des demandeurs sont scolarisés en Belgique depuis plusieurs années, lisent et écrivent en langue française et que leur éloignement vers la Roumanie leur ferait perdre à tout le moins une année scolaire afin de combler les différences résultant de l’enseignement prodigué dans leur pays d’origine avec le risque réel d’un abandon scolaire ;

74 Voir les arrêts cités en note n°32
75 Trib.Bruxelles (réf.), 2 novembre 2004, site internet du Service droit des jeunes – Journal du droit des jeunes, www.sdj.be



Etat des lieux de la régularisation de séjour 32


Que si l’on peut admettre que les demandeurs en restant sur le territoire belge nonobstant les décisions de refus dont ils avaient fait l’objet ont ainsi contribué à aggraver le préjudice qu’ils invoquent actuellement force est également de constater que le défendeur était au courant de la problématique de la scolarité des enfants suite à la demande de régularisation introduite le 20 janvier 2003 et s’est gardé de prendre toute prise de position à cet égard ;

Qu’en considération de l’intérêt supérieur des enfants des demandeurs et eu égard aux obligations reconnues par l’Etat belge quant au droit à une régularité de fréquentation scolaire, il convient de dire la demande fondée ;

Qu’en vue d’assurer le respect de notre décision il convient de condamner le défendeur au payement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard »76.
Quatrième catégorie : Les motifs économiques5. 4.

L’instruction de régularisation de 2009 prévoit un critère de régularisation fondé notamment sur des motifs économiques, le critère 2.8.B.
Il est intéressant de noter le retour d’un critère de régularisation qui n’avait plus été utilisé depuis la première campagne de régularisation, en 1974.
L’arrêté royal du 14 octobre 200977 règle les démarches que l’employeur doit accomplir pour obtenir une autorisation d’occupation. Il impose pour l’introduction de la demande d’autorisation d’occupation par l’employeur, d’utiliser un modèle de contrat spécifique. Il ne régit pas la relation entre le candidat à la régularisation et l’Office des Etrangers.

La procédure prévue par l’instruction de régularisation pour cette catégorie est spécifique et il peut être intéressant de la repeler brièvement.

Les personnes doivent d’abord introduire leur demande de régularisation à l’OE.

Ils doivent faire la preuve de leur identité, de leur présence et de leur ancrage local durable depuis 2007, et apporter un contrat de travail.

Le contrat type prévu par le vade mecum n’est pas obligatoire pour l’examen de la demande à l’OE. D’après le Comité de suivi, en cas de décision négative prise sur cette seule base, le dossier peut être renvoyé à l’office des étrangers pour un nouvel examen.

Par ailleurs, la date du contrat de travail n’a pas d’importance, tant que celui-ci respecte les dispositions de la loi du 3 juillet 1978 et est toujours valable.

76 Civ. Bruxelles (réf.), 13 mai 2005, site internet du Service droit des jeunes – Journal du droit des jeunes, www.sdj.be
77 Arrêté royal du 7 octobre 2009 (M.B. 14/10/2009) qui règle la procédure que l’employeur doit suivre pour obtenir une autorisation d’occupation de la Région compétente s’il souhaite engager un candidat à la régularisation.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 33


Enfin, si aucun contrat n’a été joint au moment de l’introduction de la demande, ou à tout le moins, pendant la période de 3 mois prévue pour l’introduction d’une demande, la demande de régularisation sera rejetée sur cette base. Par contre, si un contrat a été joint au départ, on pourra prendre en considération un nouveau contrat qui le complète ou le corrige, pour peu qu’il parvienne à l’office des étranger avant que la décision ne soit prise.

Ensuite, quand l’OE donne son accord, l’employeur doit introduire la demande de permis de travail B auprès de la Région compétente. Le demandeur de régularisation doit en principe obtenir son permis dans les 3 mois de la décision de l’OE.

S’il y a un problème à ce stade (l’employeur ne fait pas la demande de permis, l’employeur n’est plus dispensé à engager le travailleur, l’employeur a fait faillite, le permis est refusé), le travailleur peut faire introduire une nouvelle demande d’autorisation d’occupation par un autre employeur endéans les 3 mois.

La procédure6.

La procédure de demande de régularisation est totalement écrite.

L’introduction de la demande6. 1.
La demande s’introduit à la commune de résidence de la personne étrangère78.

Il est vivement conseillé de le faire par lettre recommandée au Bourgmestre, afin de s’en réserver la preuve. Selon la circulaire du 21 juin 2007, la demande doit contenir :
Le numéro de sûreté publique si la personne en possède un suite à une précé• dente demande ;
Les données relatives au demandeur (nom, prénom, adresse, date de naissance, • lieu de naissance, nationalité et état civil), avec copie du document d’identité ou l’explication relative à l’impossibilité de le fournir et les justificatifs qui l’accompagnent. Attention, sans cela, la demande sera déclarée irrecevable.
L’adresse de résidence effective (attention, très important car un contrôle de rési• dence sera effectué qui conditionnera la prise en considération de la demande) ;

L’exposé des circonstances exceptionnelles qui justifient que la demande soit • introduite en Belgique et non au poste diplomatique à l’étranger ;

Les motifs de fond : les raisons pour lesquelles le demandeur sollicite un séjour • de plus de 3 mois en Belgique. Si le demandeur est dans les conditions d’un droit de séjour (études, regroupement familial, etc.), ce sera toujours plus facile.

78 Il s’agit de la résidence de fait, il n’est pas nécessaire d’être inscrit.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 34

Dans certains cas, comme en application de l’instruction du 19 juillet 2009, les motifs de fond se confondent aux conditions de recevabilité de la demande.

Une composition de la famille.•

Toutes les pièces étayant la demande (Il est toujours préférable de motiver un • maximum la demande et les circonstances exceptionnelles et de personnaliser les arguments invoqués et les appuyer avec des pièces. En effet, l’O.E. doit répondre à tous les arguments.)

Le contrôle de résidence6. 2.

La commune fait ensuite procéder au contrôle de résidence. C’est la seule responsabilité des administrations communales dans le traitement d’une demande de régularisation. En principe, le contrôle doit avoir lieu dans les 10 jours, mais en pratique, c’est souvent plus long. Cependant, lorsqu’on a introduit une demande de régularisation et qu’on ne reçoit pas la visite de l’agent de quartier, il est conseillé de prendre contact avec la commune pour voir s’il n’y a pas de problème.

Si le contrôle est négatif, la commune prendra une décision de non prise en considération (conformément à l’annexe 2 de la circulaire du 21 juin 2007). Cela signifie que la demande ne sera pas transmise à l’OE et sera clôturée négativement. Cette décision sera portée à la connaissance de l’OE. Elle est susceptible de recours dans un délai de 30 jours devant le Conseil du Contentieux des étrangers.

Si le contrôle de résidence est positif, la commune convoque l’étranger pour lui délivrer un accusé de réception (conformément à l’annexe 3 de la circulaire du 21 juin 2007) et envoie la demande à l’OE.
La commune contrôle ainsi, par l’intermédiaire d’un agent de quartier, sa compétence, en vertu de la circulaire du 21 juin 200779.

Cela crée un réel problème pour les personnes sans abri, qui ne peuvent par conséquent voir leur demande examinée par l’office des étrangers, à défaut de résidence effective sur le territoire d’une commune.

La non prise en considération de demandes de régularisation s’est avérée particulièrement problématique pour les demandes qui invoquaient les critères temporaires de l’instruction du 19 juillet 2009. Les personnes qui se trouvent confrontées à un contrôle de résidence négatif et injustifié peuvent réintroduire la demande à la commune en expliquant le problème, preuves à l’appui (preuve de l’envoi recommandé en tous cas). Si cette demande est transmise à l’office des étrangers suite à une enquête positive, elle ne devrait pas être considérée comme tardive80.

79 Circulaire du 21 juin 2007 relative aux modifications intervenues dans la règlementation en matière de séjour des étrangers suite à l’entrée en vigueur de la loi du 15.9.2006, M.B., 4 juillet 2007

80 Informations du comité de suivi



Etat des lieux de la régularisation de séjour 35


L’examen de la demande par l’OE6. 3
.
L’OE doit alors procéder à l’examen de la demande, en commençant par vérifier si les conditions de recevabilité sont bien remplies, et ensuite en examinant le fond du dossier. Même si les nombreuses notes, instructions, ou circulaires qui précisent la procédure ou établissent des critères de régularisation n’ont pas toujours de valeur légale ou réglementaire et qu’elles ne contraignent pas l’administration, l’autorité ne pourrait pas s’en écarter sans motivation spécifique sauf à agir de façon totalement arbitraire vu qu’elle a elle-même indiqué de la sorte une ligne de conduite81.

L’ incidence sur le droit de séjour pendant l’examen de la demande6. 4.

L’article 9bis n’est pas un moyen de droit contre une mesure d’éloignement et l’introduction d’une demande de régularisation n’a en principe aucune conséquence sur le séjour du requérant.

La personne qui demeure sur le territoire dans l’attente de la décision ne reçoit pas durant cette attente de titre de séjour provisoire.

Toutefois, la jurisprudence ne permet pas qu’on délivre un ordre de quitter le territoire à un étranger tant qu’on n’a pas statué sur sa demande de régularisation, car une telle décision violerait l’obligation de motivation formelle et le principe de bonne administration82. Donc quand une demande 9 bis a été introduite avant qu’un OQT ne soit délivré, l’OE doit d’abord se prononcer sur la demande 9bis, et répondre aux arguments avancés dans la demande, avant de pouvoir délivrer un OQT et rapatrier la personne.
La pratique de l’OE

A la réunion de contact du CBAR du 8 juin 2010, l’OE avait fait part de sa pratique quand une demande d’asile est rejetée et qu’une demande de régularisation 9bis a été introduite entre temps.
Le rejet de la demande d’asile implique en principe la délivrance d’un OQT (annexe 13quinquies), mais l’obligation de motivation formelle et le principe de bonne administration s’y opposent. L’OE dans ce cas examine la demande de régularisation :

S’il apparaît que la personne se trouve dans les conditions pour être régularisée • (longue procédure ou critères de l’instruction), le bureau asile demande au bureau régularisation de traiter la demande en priorité ;
S’il y a des éléments concrets qui tendent à démontrer qu’il y aurait violation •

81 Le statut administratif des étrangers, op. cit., p. 33 et s.
82 Voyez notamment C.E., 24 décembre 1997, arrêt n° 70.506, Rev. Dr. Publ., 1998 MI, p. 13 ; C.E., n° 85.524, 22 février 2000, Rev. Dr. Etr., n°108, p. 99 ; C.E., 29 mars 2000, n° 86.391 ; ou plus récemment, CCE, n° 14.727, 31 juillet 2008, cité dans la note sous CCE, n° 14.736, 31 juillet 2008, Rev. Dr. Etr., n°149, 2008, p. 361. Cette règle figurait également dans la circulaire ministérielle du 10 octobre 1997 et dans la loi temporaire du 22 décembre 1999.



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d’un droit fondamental (article 3 ou 8 CEDH) : le bureau asile demande au bureau régularisation de traiter la demande en priorité ;

Dans les autres cas, l’OE délivre quand même un ordre de quitter, ce qui est • contraire aux arrêts précités.
L’actualisation d’une demande6. 5.

S’il y a des nouveaux éléments à faire valoir, il est nécessaire de les communiquer à l’OE. En effet, l’OE traite la demande au moment où il prend sa décision, sur base de tous les éléments qui sont en sa possession à ce moment là. Il ne peut pas être reproché à l’OE de ne pas avoir tenu compte d’un élément s’il n’avait pas été porté à sa connaissance.

Tout changement d’adresse doit également être communiqué. Par ailleurs, lorsqu’on change d’avocat, il faut le mentionner également, d’autant que souvent, on élit domicile chez l’avocat.
La décision de l’OE6. 6.

La décision de l’OE prend souvent de longs mois, voire plusieurs années. L’administration peut prendre trois types de décisions : une décision d’irrecevabilité, en l’absence de circonstances exceptionnelles ou de preuve d’identité, etc. ; une décision de non fondement, les raisons invoquées pour l’obtention du droit de séjour n’étant pas jugées suffisantes ; et enfin, une décision de fondement et l’octroi de l’autorisation de séjour.

Dans les deux premiers cas, l’étranger recevra une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire. Ces décisions sont susceptibles de recours devant le CCE dans les 30 jours de leur notification. Dans le dernier cas, il sera mis en possession d’un certificat d’inscription au registre des étrangers constatant un séjour limité (carte A) ou illimité (carte B).

L’article 13, § 1er, de la loi sur le séjour prévoit qu’en principe l’autorisation de séjour est délivrée pour une durée limitée. Toutefois, dans la mesure où l’on se trouve dans la sphère de pouvoir discrétionnaire du ministre, ce dernier peut octroyer selon le cas un séjour limité ou illimité. Dans le cadre de l’instruction de 2009, les personnes régularisées reçoivent une autorisation de durée illimitée, sauf en ce qui concerne la régularisation par le travail (critère 2.8.B.) qui entraine l’octroi d’un séjour d’une année, éventuellement renouvelable.

La nouvelle demande6. 7.

Pour qu’une nouvelle demande soit recevable, il faut invoquer un nouvel élément.



Etat des lieux de la régularisation de séjour 37
Dossier thématique
L
Les éléments qui ont déjà été invoqués dans la demande d’asile, dans la demande de régularisation médicale, ou dans une précédente demande de régularisation ne peuvent être à nouveau invoqués. Si c’est le cas, l’administration prendra une décision confirmative de la décision précédente, qui ne sera pas susceptible de recours.

Les éléments qui ont été invoqués dans le cadre de l’asile, mais qui ont été déclarés étrangers à l’asile peuvent par contre être invoqués.

L’adoption de l’instruction du 19 juillet 2009 pouvait également être un élément nouveau qui justifiait l’introduction d’une nouvelle demande. C’est toujours le cas pour une nouvelle demande fondée sur un des critères permanents de l’instruction.

Par ailleurs, une ancienne jurisprudence du Conseil d’Etat relative à la loi temporaire de régularisation de décembre 1999 établissait que l’administration ne pourrait déclarer une nouvelle demande irrecevable, si le demandeur évoque de façon défendable le respect d’une norme de droit hiérarchiquement supérieure à l’article 9bis.83


Conclusion7.

Nous avons tenté dans cette étude de faire le point sur la régularisation des étrangers et ses perspectives. Nous avons examiné les conditions de recevabilité et de fond de la demande fondée sur l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, siège de cette matière, l’instruction de juillet 2009 et les effets de l’arrêt du Conseil d’Etat qui l’annule, et nous avons proposé une classification des situations qui semblent, au vu de la pratique, permettre d’obtenir l’autorisation de séjour sur base de l’article 9bis. Enfin, nous avons examiné la procédure de régularisation et tenté d’apporter quelques précisions issues de la pratique.

A l’issue de cette plongée dans le domaine du pouvoir discrétionnaire de l’administration, nous constatons que si l’examen au cas par cas reste la règle, un certain nombre de critères sont relativement récurrents.
Ainsi, la durée déraisonnable des procédures semble pouvoir fonder la demande de régularisation. Dans ce cas en effet, l’Etat est en quelque sorte responsable du long séjour et de l’intégration de l’intéressé.

La demande sera par ailleurs d’autant plus solide si des éléments familiaux peuvent également être invoqués. En effet, le fait d’avoir développé des attaches solides en Belgique, et spécialement des liens familiaux étroits, constitue nous semble-t-il le second cas de figure devant permettre l’octroi du séjour. Il reste qu’en cette matière, la jurisprudence est encore frileuse à élargir la notion de famille.

83 ROBERT P., Les articles nouveaux 9bis et 9ter, une réforme inachevée, Rev. Dr. Etr., n°145, Numéro Spécial, 2007, p. 6



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L’impossibilité de retour a également toujours un rôle à jouer dans cette matière, d’autant plus si cette impossibilité est en lien avec un risque de traitement inhumain ou dégradant.

Enfin, les motifs économiques ont fait leur grand retour en tant que critère de régularisation, avec l’instruction du 19 juillet 2009, après avoir été à peu près totalement absents de cette matière depuis 1974.

Cela nous amène à constater le rôle important de la nécessaire protection des droits fondamentaux, que ce soit les droits visés à l’article 3 CEDH ou l’article 8 CEDH, en la matière. Comme le soulignent Jean-Yves Carlier, Philippe de Bruycker, Marie-Claire Foblets et Dirk Vanheule, « L’immigration n’est pas un droit de la personne, mais une faveur accordée par l’Etat. Sauf exception, lorsque les droits fondamentaux d’une personne sont en cause »84. Si ces normes supérieures ouvrent une porte salutaire pour beaucoup de demandeurs de régularisation, on peut peut-être regretter que ceux-ci ne puissent bénéficier que de cette protection « subsidiaire-subsidiaire »85. Ces droits fondamentaux, qui sont pourtant des droits subjectifs, sont laissés à l’appréciation discrétionnaire de l’administration. Il nous semble que leur protection appelle peut-être la création de statuts de protection spécifiques, qui permettrait alors aux étrangers qui peuvent s’en prévaloir d’entrer dans la légalité par la « grande porte ».

D’autre part, le retour des motifs économiques en tant que critère de régularisation nous interpelle. S’il nous semble réaliste de prendre en compte ces motifs, qui sont souvent les raisons premières de la migration, on est en droit de se demander s’il ne serait pas plus juste d’envisager l’adoption de statuts de séjour légaux. Cela impliquerait bien sûr d’ouvrir le débat sur la migration du travail, cadenassé depuis des années.
A court terme, cependant, nous ne pouvons qu’appeler de nos voeux l’adoption d’un texte législatif qui prévoit des critères de régularisation clairs afin de mettre fin à l’arbitraire administratif.

84 Migration, protection et régularisation, des enjeux à court, moyen et long terme, op. cit., p. 11
85 Ibid.
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Bibliographie

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CARLIER (J. -Y.), DE BRUYCKER (P.), FOBLETS (M. -C)., VANHEULE (D.), Migration, protection et régularisation, des enjeux à court, moyen et long terme, in Migrations-Magazine, n°1, 2009-2010.
CIRE, Donnons un visage aux sans-papiers, publié en novembre 2006 sur www.cire.be
CORBIAU (F.), 1999-2009 : Brève histoire de la «Régul», in Migrations Magazine, n°1, 2009-2010.
DERRIKS (E.) & SBAI (K.), Droit des étrangers, Loi du 15 décembre 1980, Chronique de jurisprudence 1994-2000, Les Dossiers du Journal des Tribunaux, n° 36, Larcier, Bruxelles, 2002.
JACQUES (J. -P.), Régularisation des étrangers, quoi de neuf… Trois !, in Droit des étrangers et nationalité, Sous la coordination de CARLIER (J. -Y.) et SAROLEA (S.), CUP, vol 77, 02-03/2005, Larcier, p. 193-196.
MALLET (P.), L’instruction de régularisation du 19 juillet 2009, in RDE n° 154, 2009, p. 343-355.
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SAROLEA (S.), Droits de l’homme et migrations. De la protection du migrant aux droits de la personne migrante, Bruylant, Bruxelles, 2006.



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Dossier thématique

Table des matières

1. Introduction 2
2. Points de repère historiques 3
3. L’article 9bis 5
3. 1. Les conditions de recevabilité de la demande 9bis 5
3. 2. Les conditions de fond de la demande 9bis 10
4. L’instruction du 19 juillet 2009 11
4. 1. Pourquoi en parler encore aujourd’hui ? 12
4. 2. Quelles sont les situations visées par l’instruction ? 12
4. 3. Les exclusions 14
4. 4. Les effets de l’annulation de l’instruction par le C.E. 14
5. Critères de régularisation 16
5. 1. Première catégorie : la durée des procédures 16
5. 2. Seconde catégorie : l’impossibilité de retour 19
5. 3. Troisième catégorie : Les attaches sociales durables en Belgique 23
5. 4. Quatrième catégorie : Les motifs économiques 32
6. La procédure 33
6. 1. L’introduction de la demande 33
6. 2. Le contrôle de résidence 34
6. 3. L’examen de la demande par l’OE 35
6. 4. L’ incidence sur le droit de séjour pendant l’examen de la demande 35
6. 5. L’actualisation d’une demande 36
6. 6. La décision de l’OE 36
6. 7. La nouvelle demande 36
7. Conclusion 37

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