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jeudi 8 novembre 2012

Belgique Réforme du Code de la nationalité : vers une citoyenneté économique … Le 25 octobre 2012, la Chambre des Représentants a voté le projet de loi modifiant le Code de la nationalité1. Cette réforme d’envergure devrait entrer en vigueur en janvier 2013.


 Conformément à son intitulé, le projet vise 
à rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration. Une évocation par le Sénat reste possible jusqu’au 19 novembre prochain.

Selon les travaux préparatoires, l’intention du législateur est qu’un étranger ne puisse prétendre à la nationalité belge que s’il jouit d’un statut de séjour stable en Belgique. Il s’agit d’éviter que la nationalité ne soit demandée en vue de conforter une situation administrative. Il en résulte désormais que l’étranger majeur doit disposer d’un droit de séjour illimité3 et avoir fixé sa résidence principale en Belgique au moment de la demande d’acquisition de la nationalité4.

Le projet de loi adopté définit également un certain nombre de notions qui étaient sujettes à interprétations5. Il uniformise les procédures, réinstaure des critères d’intégration, limite la procédure de naturalisation aux mérites, et élargit les hypothèses de déchéance de nationalité.  ci-dessous une brève présentation. 

Clarification des modes d’accès à la nationalité• 

En ce qui concerne les mineurs, les principes d’attribution de la nationalité en raison de la nationalité belge de l’un des parents au moment de la naissance de l’enfant, ou des adoptants, restent inchangées. Les dispositions concernant l’attribution de la nationalité en raison de la naissance en Belgique sont remaniés mais les règles demeurent substantiellement les mêmes. Le principal changement est à relever à propos de la transmission de la nationalité par effet collectif, c’est à dire du fait de l’acquisition de la nationalité par un auteur. Si les conditions antérieures sont reprises (minorité de l’enfant et exercice de l’autorité parentale dans le chef de l’auteur), l’enfant doit dorénavant 
disposer d’une résidence principale en Belgique, ce qui implique, selon le nouveau Code, son inscription au registre de la population, des étrangers ou au registre d’attente6. 

Les modifications substantielles opérées par le nouveau code concernent l’acquisition de la nationalité, soit les personnes majeures.

 L’étranger majeur pourra demander la nationalité par déclaration dans trois cas de figure : 
sur base de sa naissance en Belgique, en raison d’un séjour légal de cinq ans, ou d’un séjour légal de dix ans sur le territoire7. 

Plus précisément, le projet prévoit : 

 • L’étranger majeur né en Belgique et qui y séjourne légalement8 depuis sa naissance pourra demander la nationalité belge sans autre condition.

 • L’étranger majeur qui séjourne en Belgique légalement et de façon ininterrompue depuis cinq ans et apporte la preuve de la connaissance d’une des trois langues nationales9 (excepté pour la dernière hypothèse), aura accès à la nationalité belge dans trois hypothèses10 :

 - Lorsqu’il apporte la preuve de son intégration sociale, et de sa participation économique.

 - Lorsqu’il est soit marié avec une personne belge avec laquelle il vit en Belgique depuis trois ans, soit le parent 

1. Ci-après, le Code.

2. Rapport fait au nom de la Commission de Justice par Ch. Brotcorne, Exposés introductifs, Doc. Parl., Doc. 53 0476/015, p. 4. 

3. Les périodes qui précèdent l’introduction de la demande doivent être couvertes par un séjour de plus de trois mois ininterrompu. A 
noter que, selon les travaux préparatoires, il y a lieu, en raison de l’effet déclaratif de la reconnaissance du statut de réfugié, de comptabiliser 
la période de traitement de la demande d’asile dans le séjour de plus de trois mois. Voir le Rapport fait au nom de la Commission 
de Justice, op. cit., p. 14. Un arrêté royal doit venir préciser les documents qui seront reçus comme preuve du séjour. 
Par ailleurs, les absences temporaires de six mois maximum seront acceptées, pour autant qu’elles ne dépassent pas au total le 5ème 
des délais de séjour requis pour l’acquisition de la nationalité (Art. 7bis). Finalement, le séjour à l’étranger ne pourra plus être assimilé 
au séjour en Belgique.

4. Les demandes ne peuvent dès lors plus être introduites de l’étranger. 

5. Les notions de résidence principale, séjour légal, faits personnels graves,…

6. Art. 1, § 2, nouveau du Code.

7. Art. 15bis, nouveau du Code.

8. Supra, note 3.

9. Il peut s’agir d’une autre langue que celle de la région dans laquelle il réside. La connaissance minimale correspondant au niveau A2 du 
Cadre européen de référence pour les langues est requise. Les moyens de preuve seront définis par arrêté royal.

10. Art. 12bis, nouveau du Code.



d’un enfant belge mineur ou majeur non émancipé, et qu’il prouve son intégration sociale.

 - Lorsqu’il apporte la preuve qu’il a atteint l’âge de la pension, ou qu’il ne peut exercer une activité économique en raison d’un handicap ou d’une invalidité. 

 • L’étranger majeur qui séjourne légalement et de façon ininterrompue en Belgique depuis 10 ans, pourra demander la nationalité belge s’il apporte la preuve de la connaissance d’une des trois langues nationales et justifie de sa participation à la vie de sa communauté d’accueil.

Les modes de preuve de l’intégration sociale et de l’intégration économique sont très strictement définis, et axées respectivement sur l’obtention de diplômes ou le suivi de formation, et l’exercice d’une activité professionnelle en Belgique11. 

C’est donc essentiellement en leur qualité d’agents économiques que les nouveaux citoyens sont envisagés. Au regard de la conjoncture actuelle notamment, cette approche témoigne d’une vraie radicalisation et pose sérieusement la question de l’accessibilité de la procédure à certaines catégories de personnes telles que les travailleurs à temps partiel, les intérimaires ou les femmes au foyer. 

Par ailleurs, une nouvelle possibilité est ouverte pour l’auteur d’enfant belge d’obtenir la nationalité belge. Par contre, contrairement au prescrit de la Convention de Genève12, les réfugiés reconnus ne bénéficient plus d’aucune facilité. 

Uniformisation de la procédure• 

Des anciens modes d’acquisition, seuls deux demeurent : 

la procédure par déclaration et la naturalisation, cette dernière étant strictement limitée aux personnes pouvant faire état de mérites exceptionnels dans les domaines sportif, 
scientifique et culturel. 
Ainsi, à l’exception de la procédure de naturalisation, l’ensemble des modes d’acquisition de la nationalité est régi par une procédure uniforme de déclaration13.

La déclaration de nationalité est introduite auprès de l’officier de l’état civil de la résidence principale du demandeur. 
Celui-ci est désormais tenu d’examiner l’exhaustivité14 du dossier dans les 30 jours du dépôt. Un arrêté royal déterminera ultérieurement les pièces à joindre à la demande. 

Le rôle de l’officier de l’état civil est accru suite à la réforme. Il est à souhaiter que celui-ci bénéficiera d’un encadrement suffisant pour appréhender les nouvelles règles et ce, afin d’éviter les divergences d’interprétation entre les différentes administrations communales, source d’inégalités pour les justiciables. De plus, nous espérons également 
que le Roi prévoira la délivrance d’une attestation confirmant le dépôt de la demande et permettant de comptabiliser le point de départ du délai de 30 jours. Pour le reste, la procédure est similaire à la procédure antérieure.

Afin de limiter l’afflux de demandes, le législateur a imposé l’acquittement d’un droit d’enregistrement de 150 euros, alors que la procédure est à ce jour gratuite. La proposition de rembourser ce montant en cas d’obtention de la nationalité15 
n’a pas été retenue. Sans mettre à mal l’objectif du législateur, cela aurait été une mesure davantage proportionnée. 
En effet, ce montant peut représenter une somme conséquente et s’ériger en obstacle également pour les dossiers favorables, d’autant plus lorsque plusieurs personnes d’une même famille sont concernées. 

Une autre particularité de la réforme, entrave supplémentaire à la procédure, est de suspendre celle-ci lorsque le nom ou le prénom de l’intéressé comporte des divergences d’orthographe dans les registres, le casier judiciaire ou les documents présentés. Si l’on peut comprendre le besoin d’harmoniser les différentes identités, on peut se 
demander si on ne risque pas des suspensions de durée indéfinie16 si l’erreur se retrouve sur un document étranger et davantage, lorsque le détenteur est un réfugié reconnu ne pouvant se rendre dans son pays d’origine faire corriger le document. Plus simplement, est-ce au demandeur à supporter les conséquences d’une éventuelle erreur de nos administrations ? La présentation de documents justificatifs ou d’un certificat d’individualité comme cela se fait actuellement, suivi d’une éventuelle modification ultérieure aurait pu être préférée. 

11. Ibid. Le déclarant ordinaire devra justifier son intégration sociale par l’obtention d’un diplôme d’études supérieures, le suivi d’une formation 
de 400 heures, le suivi d’un cours d’intégration ou par le travail ininterrompu durant les cinq dernières années. Quant à sa participation 
économique, il devra démonter avoir travaillé 468 jours au cours des cinq dernières années ou avoir payé les cotisations sociales 
de six trimestres en tant qu’indépendant.

12. L’article 34, de la Convention enjoint les Etats à faciliter la naturalisation des réfugiés.

13. Art. 15 nouveau du Code.

14. Selon les travaux préparatoires, il ne serait pas question pour l’officier de l’état civil d’apprécier la validité des pièces présentées. Rapport 
fait au nom de la Commission de Justice, op. cit., p. 89. 

15. Rapport fait au nom de la Commission de Justice, op. cit., p. 81.

16. A ce sujet, le Conseil d’Etat considère le risque d’une suspension indéfinie rendant impossible l’acquisition de la nationalité belge comme 
une conséquence disproportionnée. Avis du Conseil d’Etat n°49.941/AG/2/V des 16 et 23 août 2012, Doc. 53 0476/011. 



En outre, la nouvelle procédure offre la possibilité à l’étranger sans nom ou prénom d’introduire gratuitement une procédure en « changement » de nom par acte volontaire. Le projet de loi adopté modifie le Code de dip sur ce point. Les autorités belges seront compétentes pour connaitre de cette procédure pour l’étranger qui a introduit une demande de nationalité. Elles statueront sur base du droit belge17. La procédure de nationalité est ici aussi suspendue au stade de l’examen du dossier par l’officier de l’état civil jusqu’à ce que l’étranger dispose d’un nom ou d’un prénom. Mais qu’en sera-t-il de cette attribution de nom si à l’issue, la demande de nationalité n’aboutit pas et que le demandeur ne devient pas belge18 ?

La déchéance de nationalité• 

A côté de l’article 23 du code quelque peu retouché, un nouvel article 23/1 a été ajouté précisant des infractions spécifiques pouvant fonder la déchéance de nationalité pour les Belges ne tenant pas leur nationalité d’un auteur belge au moment de la naissance ou pour ceux nés en Belgique, dans certaines hypothèses19. Les infractions ainsi visées sont :

 • La condamnation à une peine d’emprisonnement de cinq ans pour certaines infractions pénales visées par le code pénal et la loi sur les étrangers20, pour autant que les faits reprochés aient été commis dans les dix ans de l’obtention de la nationalité belge, sauf certaines infractions citées.

 • La condamnation à une peine d’emprisonnement de cinq ans pour une infraction dont la commission a été facilitée par la possession de la nationalité belge, pour autant que l’infraction n’ait pas été commise au-delà des cinq ans de l’obtention de la nationalité.

 • L’annulation du mariage simulé si toutefois la nationalité avait été obtenue sur base dudit mariage, sous réserve de l’effet putatif du mariage à l’égard de l’époux de bonne foi et des enfants.

Dans ces hypothèses, la déchéance ne sera pas prononcée si elle a pour effet de rendre l’intéressé apatride et pour autant que la nationalité belge n’ait pas été obtenue suite à des manoeuvres frauduleuses, des informations fausses ou dissimulées. 

Conclusion• 

Le nouveau code de la nationalité marque le retour de la vision de la nationalité comme récompense d’une bonne intégration -essentiellement économique-, plutôt que comme un outil visant à favoriser celle-ci21. 
Par ailleurs, la lisibilité des règles de nationalité a été accrue et l’accès à la nationalité des auteurs d’enfant belges a été inséré. Néanmoins, cela ne vient pas adoucir ce durcissement sur le fond des conditions qui restreindront considérablement l’accès à la nationalité, ni le risque d’exclusion économique et de discrimination, plus particulièrement à l’égard des femmes et des travailleurs précaires.

Le code réformé entrera en vigueur le 1er janvier 2013 à l’exception des dispositions consacrées à la perte et à la déchéance de nationalité qui seront applicables immédiatement. 

Pour le reste, les demandes pendantes avant 
le 1er janvier 2013 resteront assujetties aux anciennes règles. Dès lors, il est à conseiller de soumettre sans plus tarder toutes les situations répondant aux conditions actuelles, spécialement celles concernant l’attribution de la nationalité par effet collectif pour des enfants résidant à l’étranger. 

Mais sera-t-on prêt pour janvier 2013 ? En effet, d’ici-là, pas moins de sept nouveaux arrêtés royaux doivent être adoptés. 
Par ailleurs, sous peine d’inégalité entre les résidents étrangers du nord et du sud du pays, le parcours d’intégration, désormais l’un des modes de preuve de l’intégration sociale, sera-t-il organisé à temps du côté francophone ?

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