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lundi 5 novembre 2012

Maroc Hebdo, la une qui blesse :avec la une polémique de son édition du 2 Novembre, « Le Péril Noir », accompagnée de ce petit texte explicatif : »Des milliers de Subsahariens clandestins au Maroc. Ils vivent de mendicité, s’adonnent au trafic de drogue et à la prostitution. Ils font l’objet de racisme et de xénophobie. Ils posent un problème humain et sécuritaire pour le pays. »




« Je suis indignée, écœurée et profondément blessée dans ma dignité et dans mon honneur. Cette une est raciste. Je ne sais pas ce qui a poussé les responsables de ce journal à produire une édition aussi méchante ».
Ainsi parle Aissata, jeune sénégalaise, cadre dans une entreprise marocaine. Après cinq années d’études au Maroc dans le domaine des télécommunications, cette trentenaire a choisi de s’y installer. Le dossier que Maroc Hebdo a consacré à la communauté subsaharienne bouscule ses certitudes.
« Je pense sérieusement prendre mes affaires et quitter ce pays. Je ne vis pas de mendicité, je donne l’aumône à des Marocains tous les matins devant les locaux de notre entreprise, dans les gares et dans la rue. Je n’ai jamais vu de trafiquants de drogue et je suis loin d’être une prostituée. Si malgré tout cela, il y a des esprits retors qui pensent que moi et mes semblables constituons un problème humain et sécuritaire pour ce pays, il est temps que je rentre chez moi. »
L’avis d’Aissata semble partagé par beaucoup de subsahariens vivant au Maroc. Mamadou reconnaît qu’il n’a pas lu l’article. Il donne ses raisons.
« Nous n’avons pas acheté le journal parce que nous n’avons pas de temps. Nous sommes dans leurs hôpitaux pour les soigner, les grandes sociétés, les grands organes de presse pour leur fournir les bonnes informations à temps réelles, dans les cabinets d’expertise, dans les sociétés d’assurance pour les couvrir »
Omar Ba, un écrivain sénégalais, spécialiste de l’Immigration, trouve cette « Une » scandaleuse et indigne du Maroc.
« Une telle manière de traiter la question des migrants est plus que malhonnête. J’ose espérer que ce pays – qui est encore en Afrique – n’est pas tout entier derrière cette conception de l’étranger. Je rappelle que les migrants ainsi visés n’ont aucune intention de rester dans ce pays. Ils y sont contraints aussi bien par l’Europe qui leur barre la route que par des familles restées au pays d’origine qui voient en eux l’espoir de toute une vie. Ils sont aussi la proie de passeurs criminels qui font impunément fortune dans ce trafic. Traiter cette question mérite une attitude bien plus sérieuse que ce que je lis sur la couverture de ce journal »
Diarra, une Sénégalaise responsable qualité dans une société française délocalisée au Maroc, dit comprendre ce qui a motivé une telle une mais ne le cautionne pas pour autant.
« Il y a des Subsahariens qui se croient tout permis. Ils se comportent d’une telle manière que certains Marocains réagissent avec racisme. Quand on est à l’Etranger, il y a des règles à respecter ».
Des journalistes marocains se désolidarisent
Dans un éditorial intitulé « Africains, nous sommes », le journaliste Abdelhaq Sedrati du site d’information aufaitmaroc.com, dénonce l’article de Maroc Hebdo.
« Imaginons le titre de presse suivant en Espagne ou en France: “Le péril marocain”. Des milliers de Marocains clandestins en Espagne. Ils vivent de mendicité, s’adonnent au trafic de drogue et à la prostitution. Ils font l’objet de racisme et de xénophobie. Ils posent un problème humain et sécuritaire pour le pays. (…) Malheureusement, le contenu de l’article conduit inéluctablement à la stigmatisation de toute la communauté africaine au Maroc, ne serait-ce que par le choix du titre qui évoque un “péril noir” et fait référence aux propos des plus grands racistes des milieux d’extrême droite en Europe ».
Khadija Tighanimine, rédactrice en chef du site www.yabaladi.com, a également fustigé la une de MarocHebdo en faisant un parallèle avec Le Point et Charlie Hebdo. Dans son éditorial intitulé « Les unes de la Honte », elle écrit:
« Comme Charlie Hebdo, l’Express et consorts, Le Point surfe à nouveau sur la vague islamophobe, devenue le fond de commerce des éditorialistes en manque de sujets sensationnels. Nos chers compatriotes français n’ont pas l’apanage du racisme et de la xénophobie comme argument de vente. En ces jours de disette, tous logent à la même enseigne de Tanger à Jakarta, comme on dit au Maroc, quitte à reproduire ce que l’on dénonçait la veille. Et pour cause, le Maroc, aussi, a sa une qui fait jaser, une couverture éhontée du magazine MarocHebdo titrant sur le « Péril noir » qui menace le pays. Bien sûr, c’est sans rappeler le péril jaune, ce fantasme de la menace asiatique remontant au 19e siècle, sauf que l’on est en 2012 et que même les enfants ne croient plus aux croquemitaines depuis des décennies ».
A ses yeux, derrière cette une, le « Péril noir », ce sont les Subsahariens vivant au Maroc et qui, comme les musulmans de France, subissent un traitement médiatique à l’emporte pièce, des analyses journalistiques dignes d’une discussion de comptoir.
« On pourrait penser que la presse marocaine, de par l’histoire coloniale du Maroc, son cosmopolitisme et sa légendaire hospitalité, n’aurait jamais pu tomber dans un piège aussi infâme et putride que celui du racisme pour, comme son modèle français, vendre un magazine sans doute en mal de financement, comme la plupart des médias de nos jours. Eh bien, qu’on se le dise, la bêtise est universelle, l’enjeu financier de taille et ce n’est pas la culture et les sciences qui rayonnent dans ces deux pays mais bien la xénophobie qu’entretiennent bien volontiers les esprits intolérants, les ignorants ».

souce : slateafrique

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